Le plus grand château du monde n'est pas Versailles mais ce "colosse" de 250 000 m³ qui faisaient rêver les nazis et qui est situé en Pologne

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La forteresse teutonique de Marienbourg : un monstre de brique au cœur de l'Europe médiévale.

Le plus grand château du monde n'est pas Versailles mais ce "colosse" de 250 000 m3 qui faisaient rêver les nazis et qui est situé en Pologne
Le plus grand château du monde n'est pas Versailles mais ce "colosse" de 250 000 m3 qui faisaient rêver les nazis et qui est situé en Pologne

Plantée au nord de la Pologne, la forteresse de Marienbourg (en polonais : Zamek w Malborku) n’a rien d’une simple ruine romantique. Elle est là, massive, immense, posée comme un golem de briques au bord de la rivière Nogat. Sa superficie dépasse les 20 hectares. C’est, tout simplement, le plus grand château gothique en briques au monde.

Ce colosse a été élevé par des chevaliers moines : le fmeux ordre es chevaliers Teutoniques, revenu d’Orient avec dans les bagages une soif de conquête et un agenda bien plus politique que spirituel. Leur idée ? Évangéliser de force les païens baltes et s’installer durablement en Poméranie, dans un bastion à la hauteur de leurs ambitions.

Construite dès les années 1280, la forteresse a nécessité plus de deux siècles de travaux. Pas une seule pierre calcaire à l’horizon. Tout est en brique cuite, fabriquée localement ou transportée sur la Vistule. Une prouesse architecturale de style backsteingotik, typique du nord de l’Europe et des villes hanséatiques.

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Ce qui frappe en premier à Marienbourg, c’est l’agencement. Le site est organisé en trois niveaux distincts : le bas, le moyen et le haut château. Chacun a son rôle, sa population, ses défenses.

  1. Dans l’Unterschloß, la basse-cour, se pressaient les marchands, les artisans, les entrepôts. On y trouve encore les restes de la fonderie, de la brasserie, du grenier et même une chapelle pour les serviteurs. À ce niveau, on travaille, on cuisine, on ferre les chevaux.
  2. Le Mittelschloß, niveau intermédiaire, accueillait les chevaliers de passage. On y trouvait l'infirmerie, des logements, et surtout le grand réfectoire, une salle gigantesque coiffée d'une voûte en éventail dont les dimensions rivalisent avec celles des grandes cathédrales.
  3. Et tout en haut, le Hochschloß, la forteresse dans la forteresse. Le sanctuaire. Là où se trouvaient la chapelle principale, le chapitre, les appartements du Grand Maître. C’est ici que l’ordre tenait ses conseils, conservait ses reliques et formait ses jeunes recrues à l’art de la guerre.

Le tout est cerné de murs, de fossés, de tours, et connecté par des ponts-levis, des cours intérieures et même un système de chauffage à air pulsé.

Le château de Marienbourg fut le centre du pouvoir des chevaliers teutoniques pendant 2 siècles.

L’État dans l’État

En 1309, changement de dimension : le Grand Maître Siegfried von Feuchtwangen quitte Venise pour installer le siège de l’ordre à Marienbourg. L’ordre devient alors une puissance territoriale, un État militaire et religieux qui s’étend de la Vistule aux rives de la Baltique.

À partir de là, la forteresse devient un centre de commandement, une capitale en miniature. On y reçoit les ambassadeurs, on y forge les plans de campagne, on y stocke l’or, les archives et les armes.

Les défenses se renforcent : tours plus hautes, murs plus épais, bastions avancés, arsenal géant appelé Karwan pour entreposer les canons. Tout cela pour contenir les appétits de leurs voisins : les Polonais au sud, les Lituaniens à l’est, les Danois au nord.

Péripéties royales, mercenaires et sel en barrique

Les guerres finiront par rattraper les Teutoniques. En 1457, en pleine guerre de Treize Ans contre la Pologne, le Grand Maître Ludwig von Erlichshausen, à court d’argent, paye ses mercenaires en leur cédant le château. Ces derniers le revendent aussitôt au roi de Pologne, qui s’en empare sans tirer un coup de feu.

Dès lors, Marienbourg devient propriété royale. On y installe un gouverneur, des garnisons, des fonctionnaires. Le haut château sert d’entrepôt à sel, à bière, à grains. Le moyen château abrite la garnison. Le bas château continue à jouer son rôle logistique et militaire.

Les canons, les munitions et la poudre sont toujours là, mais le prestige n’est plus le même. Le château entre dans une longue période d’adaptation, puis d’oubli.

Empires, sabres et bistouris

Avec les guerres napoléoniennes, Marienbourg revient brièvement dans l’actualité. En 1807, après la bataille d’Eylau, les troupes françaises occupent la ville. L’hôpital militaire est vite débordé, alors on improvise : le grand réfectoire devient hôpital de campagne.

800 soldats y sont transférés. On y soigne les blessés de Friedland. Le baron Percy, chirurgien en chef, opère dans ces murs en brique rouge. Même le maréchal Bernadotte, futur roi de Suède, y fait un passage après avoir été blessé. Sa femme, Désirée Clary, l’y rejoint avec ses domestiques.

Des ruines, des nazis et une renaissance

Au XIXe siècle, les autorités prussiennes redécouvrent le château. Des restaurations ambitieuses sont lancées à partir de 1815, poursuivies par Conrad Steinbrecht, architecte passionné, qui consacre sa vie à lui redonner son aspect médiéval.

Pendant les années 1930, le régime nazi s’empare du symbole. Marienbourg devient lieu de pèlerinage pour les jeunesses hitlériennes. Des défilés, des discours, des reconstitutions y sont organisés. Le château devient un modèle pour les Ordensburgen.

En 1945, l’Armée rouge entre dans la ville. Plus de la moitié de la forteresse est détruite. Bombardée, incendiée, éventrée.

Et pourtant… elle renaît. Dès 1946, la Pologne socialiste entame un vaste chantier de reconstruction, qui durera des décennies. Aujourd’hui, Marienbourg est un musée, un monument classé à l’UNESCO, un témoin de huit siècles d’histoire, de fer, de foi et de feu.

Un record mondial inscrit dans la brique

On entend souvent que Marienbourg est le plus grand château médiéval du monde. En réalité il faut nuancer ce propos, la forteresse est bien la plus grande du monde mais pas en longueur de façade ni en superficie brute, c'est tout simple la plus volumique du monde.

Le château totalise environ 250 000 mètres cubes de construction : murs, voûtes, galeries, souterrains, tours, charpentes (pour comparaison, en croisant les dimensions et les plans d’élévation, les estimations architecturales donnent un volume compris entre 200 000 et 240 000 m³ pour le Château de Versailles). Une masse de briques et de bois qui s’élève sur plusieurs niveaux. La seule aile du haut château atteint 30 mètres de hauteur, les tours culminent à près de 50 mètres.

Le grand réfectoire mesure plus de 30 mètres de long pour 15 mètres de large, et une voûte unique de 10 mètres de haut.

Le tout est compact, intégré, vertical. Contrairement aux palais modernes à l’architecture étalée, Marienbourg est une masse unique, stratifiée, dense, conçue comme une citadelle autonome.

Construire aussi haut, aussi dense, en territoire hostile, était un acte autant spirituel que stratégique. Marienbourg reste une prouesse médiévale hors norme dont la masse continue d'écraser l'horizon poméranien.

Comparaison entre la forteresse de Marienbourg et Versailles 

ÉlémentVersaillesMarienbourg
Volume bâti estimé ~210 000 à 240 000 m³ ~250 000 m³
Superficie au sol ~67 000 m² ~143 000 m²
Hauteur moyenne 15 à 20 m Jusqu’à 50 m
Matériau principal Pierre calcaire Brique cuite
Fonction d’origine Résidence royale Forteresse militaire

 

Image de mise en avant : intérieur du Palais du grand maître de l’Ordre.