Il ne vient ni des marais salants bretons, ni de la mer Méditerranée. Ce sel-là dort depuis des millions d’années sous les pieds des habitants du Béarn, caché au cœur d’une source sacrée. Plus pur que la neige des cimes, plus riche que les meilleurs mélanges iodés, ce joyau est récolté à Salies-de-Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Son goût a séduit les palais les plus exigeants, de Louis XIV à nos meilleurs charcutiers. Pourtant, il reste dans l’ombre de Guérande. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. Et vous allez voir, c’est salé.
Lire aussi :
- Cette région de Nouvelle-Aquitaine produit à elle seule 80% du caviar de l'Hexagone soit 24 tonnes par an pour un chiffre d'affaires de 48 millions d'euros
- Le champignon "Roi" à plus 500€ du kilo a sa propre fête et c'est ce 18 janvier dans cette ville de Nouvelle-Aquitaine
Le sel de Salies-de-Béarn, un trésor qui remonte des entrailles de la terre
À 120 mètres sous terre, sous les argiles des Pyrénées, coule une eau qui n’a rien de banal. Elle est sept fois plus salée que l’eau de mer. Cette saumure jaillit dans le centre historique de Salies-de-Béarn, à travers une source thermale dissimulée sous une crypte de pierre. C’est là que commence le travail des maîtres sauniers, gardiens d’un savoir-faire ancestral.
Ce sel n’est pas lavé, pas raffiné, pas blanchi. Il se dépose tel quel dans les bacs d’évaporation. Les cristaux se forment lentement, dans un silence minéral. Chaque grain raconte une histoire géologique de 200 millions d’années, entre dépôts marins fossilisés et forces tectoniques.
Village de Salies-de-Béarn.
Une blancheur sans tricherie
Pas besoin de machines ou d’additifs pour obtenir cette couleur éclatante. Le sel de Salies-de-Béarn est naturellement blanc, grâce à sa pureté exceptionnelle. Ses cristaux, souvent creux, en forme de petites pyramides disjointes, brillent comme du givre. Pas de traitement. Pas de triche.
Ce qui fait la vraie différence, ce sont les oligo-éléments qu’il enferme. Fer, calcium, potassium, zinc, magnésium… tous présents en proportion équilibrée, piégés dans de minuscules cavités lors de la cristallisation. On est loin des sels de table industriels vidés de leur substance.
Voici un aperçu comparatif :
Élément | Sel de table raffiné | Sel de Salies-de-Béarn |
---|---|---|
Chlorure de sodium | ≥ 99,5 % | ≈ 94 % |
Oligo-éléments | quasi absents | présents naturellement |
Traitement chimique | oui (anti-agglomérant, blanchissant) | non |
C’est donc un aliment complet, et pas juste un exhausteur de goût. Un vrai nutriment, utile au fonctionnement du corps humain.
Une barrière invisible contre la contamination
Le secret de cette pureté ? Une couche d’argile, épaisse de plusieurs mètres, qui agit comme une carapace. Elle empêche la moindre infiltration de pollution ou de bactéries extérieures. Résultat : une qualité bactériologique constante, contrôlée et documentée depuis des années par le Bureau des Recherches Géologiques et Minières.
Plus étonnant encore : ce sel héberge des micro-organismes halophiles. Des bactéries qui aiment le sel et qui lui donnent une note aromatique florale, légèrement violette, déjà décrite sous Louis XIV. Ces bactéries ne sont pas pathogènes. Au contraire, elles participent à l'équilibre biologique du sel, à sa texture, et à sa saveur unique.
Des analyses ont même montré leur rôle dans la fixation des minéraux et la stabilité des grains. Un sel vivant, en quelque sorte.
Un ancrage territorial revendiqué
Salies-de-Béarn ne plaisante pas avec ses traditions. Depuis 2016, le sel de la commune bénéficie d’une Indication Géographique Protégée (IGP). Ce label impose des règles strictes : la production, la transformation et le conditionnement doivent avoir lieu dans la même zone.
L’IGP garantit aussi la traçabilité, avec un cahier des charges validé par Bruxelles et surveillé par un organisme agréé par l’INAO. Chaque lot est contrôlé. Rien n’est laissé au hasard.
Et pour ceux qui doutent encore, ce sel est utilisé dans des productions exigeantes comme :
- Les jambons de Bayonne,
- Les confits des salaisons pyrénéennes,
- Les recettes gastronomiques du Sud-Ouest.
Les artisans ne choisissent pas un produit pareil par hasard. Il faut que ça tienne, que ça goûte, que ça soigne le produit final.
Une filière discrète, mais stratégique
La France importe près de 1 million de tonnes de sel par an, principalement pour l'industrie chimique, l’agroalimentaire ou le traitement des routes. Sur les 7 millions de tonnes produites sur le territoire, une minorité seulement est destinée à l’alimentation humaine.
Dans ce contexte, Salies-de-Béarn joue un rôle modeste en volume (quelques milliers de tonnes par an), mais majeur en valeur ajoutée. C’est une niche premium. Une production artisanale, propre, éthique. Et surtout, 100 % locale.
Face à la pression des sels bon marché venus de Chine, du Pakistan ou d’Ukraine, maintenir cette filière, c’est soutenir une souveraineté alimentaire. C’est refuser de diluer nos terroirs dans des produits standardisés.
Pays | Prix moyen (€/kg) | Type de production |
---|---|---|
Chine | 0,10 € | Évaporation industrielle |
Pakistan | 0,20 € | Mine de sel gemme |
France (Salies) | 2,80 € | Évaporation artisanale |
Quel est le sel le plus cher du monde ?
Le kilo de sel de Salies-de-Béarn se vend couramment entre 8 € (chez des épiciers fins ou spécialisés) et environ 1,90 € à 2 € en grande distribution pour le gros sel. Sa fleur de sel, produit plus rare et recherché, peut se vendre à plus de 50 € le kilo.
En comparaison :
Sel de Guérande (gros sel) : 1,60 € à 2 €/kg.
Sel de l’Île de Ré : environ 1,80 €/kg.
Sel marin industriel (type La Baleine) : environ 0,70 €/kg.
Fleur de sel de Camargue, Guérande, Noirmoutier : entre 25 et 60 €/kg selon le producteur et le conditionnement.
Pour le "meilleur" et "plus cher" sel du monde, notre esprit chauvin nous pousserait à répondre que c'est le sel de Salies-de-Béarn mais d'autres puvent revendiquer ce titre.
Voici un tableau comparatif des sels les plus chers au monde et leurs caractéristiques :
Nom du sel |
Origine |
Prix au kilo estimé |
Particularités / Usage |
Fleur de sel de Salies-de-Béarn |
France (Béarn) |
50-56 €/kg |
Fleur délicate, produite artisanalement, riche en minéraux |
Fleur de sel de Guérande |
France (Loire-Atlantique) |
30-55 €/kg |
Sel marin de surface, goût subtil, manuel |
Sel rose de l’Himalaya (de prestige) |
Pakistan |
Jusqu’à 60 €/kg (version gastronomique premium) |
Riche en minéraux, couleur rose, vendu pur ou en blocs |
Sel noir de Hawaï |
États-Unis (Hawaï) |
Jusqu’à 80 €/kg |
Sel volcanique, très apprécié en gastronomie de luxe |
Sel bleu de Perse |
Iran |
100-200 €/kg |
Rarissime, cristaux bleutés, utilisé en finition |
Sel rouge d’Hawaï (Alaea) |
États-Unis (Hawaï) |
60-90 €/kg |
Mélangé à de l’argile volcanique |
Sel Maldon (fleur de sel anglaise) |
Royaume-Uni (Essex) |
35-60 €/kg |
Cristaux pyramidaux, très prisé des chefs |
Le sel de Salies-de-Béarn (surtout sa fleur de sel) se positionne ainsi dans le haut de gamme français, moins cher que certains sels rares (Persan, Hawaï), mais plus cher que la moyenne des sels traditionnels ou industriels. Il demeure néanmoins un incontournable des grandes maisons françaises et est très apprécié des grands chefs.
Une pépite à défendre collectivement
Les enjeux ne sont pas uniquement gastronomiques. Ce sel, c’est aussi une identité régionale, un patrimoine naturel, une économie rurale. Une dizaine de familles vivent encore directement de cette production. Et les retombées indirectes, notamment sur le thermalisme et le tourisme, dépassent largement la seule exploitation saline.
Chaque sachet vendu soutient un écosystème de producteurs, de restaurateurs, de chercheurs. C’est un produit que l’on peut défendre avec fierté, comme on défend un vin d’exception ou un fromage d’alpage.
Alors oui, il est plus cher. Mais il le vaut. Et quand on sait que le sel représente en moyenne 1 % du coût d’un plat cuisiné, on comprend que le jeu en vaut la chandelle.
Ce n’est pas qu’un condiment. C’est un acte de culture. Et il mérite sa place à table.
Source : https://www.salaisons-pyreneennes.fr/le-sel-de-salies-de-bearn-lun-des-plus-purs-au-monde/