Elle vit sur des cailloux. Elle résiste à des métaux que la plupart des êtres vivants fuiraient et surtout, elle fait ce que peu auraient imaginé : elle transforme l’or dissous en minuscules particules d’or pur. Son nom : Cupriavidus metallidurans !
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Quand une bactérie transforme l’or toxique en pépite
Ce microbe métallophile, capable de survivre dans des milieux gorgés de zinc, de cuivre ou de plomb, est aussi un orfèvre microscopique. Une étude de référence, publiée dans PNAS en 2099, a levé le voile sur un processus aussi fascinant que méconnu : la biomineralisation active de l’or par une bactérie. On pensait jusqu'alors que l’or se formait uniquement dans les entrailles de la Terre ou dans les eaux acides des rivières minières. Non, tout ne relève pas de la géochimie brute. Parfois, la vie elle-même façonne les métaux précieux.
Selon des recherches récentes, les bactéries jouent un rôle important dans la formation des pépites d’or en Australie. Cette étude a été menée par le Cooperative Research Centre for Landscape Environments and Mineral Exploration (CRC LEME) et dirigée par le chercheur du CSIRO, le Dr Frank Reith.
Une bactérie qui digère l’or… pour survivre !
C’est une vraie alarme rouge qui s’allume chez Cupriavidus metallidurans quand on la plonge dans une solution d’or(III) acide. Ce métal est hautement toxique. Un peu comme si on vous balançait de l’eau de Javel dans les cellules. Résultat ? La bactérie se défend ! Elle active des gènes de résistance aux métaux lourds, capables de transformer l’or en versions moins agressives. Elle commence par capter le métal sous forme complexe, puis le réduit à l’état Au(I) avant de le précipiter sous forme métallique Au⁰. Bingo : on obtient de vraies nanoparticules d’or pur… directement dans son périplasme, la zone entre ses deux membranes. Un mécanisme de défense qui, en prime, produit de l’or natif.
L’or filmé en direct dans les entrailles de la cellule
Comment sait-on tout ça ? Grâce à des outils dignes d’un feuilleton scientifique : la microfluorescence X synchrotron (μXRF) et la μXANES, capables de suivre l’or presque image par image à l’intérieur de la cellule. En moins de 60 secondes, la bactérie commence à accumuler l’or. Au bout de 6 heures, elle l’a déjà transformé en composés soufrés (Au–S). Et après 3 jours, des nanoparticules d’or de 100 nanomètres scintillent dans les membranes ! On peut même les observer au microscope électronique : de petites paillettes dorées bien rangées, comme si la cellule essayait d’exfiltrer ce poison métallique. On assiste littéralement à la transformation d’un toxique en lingot miniature.
Une machinerie génétique sur mesure pour le métal précieux
Cette bactérie a dans son génome une boîte à outils génétique spécifique à l’or, avec des zones bien identifiées : cup, cop, mer, et un opéron taillé pour ce métal noble : Rmet_4682 à Rmet_4687. Ces gènes s’activent en à peine 10 minutes après contact avec l’or(III), et leur activité explose avec la dose. À 100 micromoles, un des gènes est multiplié par 137 ! Certains codent pour des protéines liant l’or à des acides aminés soufrés (comme la cystéine ou la méthionine), d’autres activent des pompes moléculaires qui expulsent les complexes vers l’extérieur. Et le plus fou ? Elle est même capable de méthyler l’or, comme on le fait avec le mercure. Oui, la bactérie customise chimiquement son agresseur.
Oui, ce mécanisme existe aussi dans la nature
Les chercheurs sont allés vérifier leurs hypothèses... dans une vraie mine d’or australienne. Résultat : sur les 10 grains d’or prélevés, 8 étaient recouverts de biofilms bactériens. Et ces biofilms contenaient bel et bien des nanoparticules d’or identiques à celles produites en laboratoire. Loin d’un artefact de paillasse, c’est donc un processus environnemental réel. Cela remet en question une vieille idée selon laquelle les grains d’or seraient uniquement des résidus mécaniques d’anciens filons.
Une porte ouverte vers l’exploration et l’extraction propres
Cette découverte pourrait révolutionner la prospection minière. Si l’on parvient à concevoir des biosenseurs à partir des gènes spécifiques à l’or, il deviendra possible de détecter des traces d’or enfouies simplement en analysant les bactéries du sol. Plus besoin de forer à l’aveugle. Mieux encore : ce mécanisme pourrait inspirer des méthodes d’extraction biocompatibles pour récupérer l’or dans des eaux usées industrielles, ou pour nettoyer les sols pollués par les métaux lourds. Loin du cyanure ou du mercure, Cupriavidus metallidurans pourrait devenir un allié inattendu... du raffineur éthique.
Source étude : https://doi.org/10.1073/pnas.0904583106