Sous son apparence de bijou marin flottant, la physalie est une piège vivante. Avec son flotteur irisé, souvent teinté de bleu ou de violet, elle semble tout droit sortie d’un rêve aquatique. Pourtant, ce n’est pas une méduse mais un siphonophore, un être colonial formé de polypes qui coopèrent : l’un flotte, l’autre chasse, un autre digère, et un dernier se reproduit.
Transportée par les vents comme une voile de régate miniature, elle parcourt des milliers de kilomètres avant d’échouer sur nos côtes. Ses filaments, invisibles sous l’eau, peuvent s’étirer sur 30 mètres et restent venimeux même après la mort. Ce n’est pas un avertissement poétique, c’est une réalité médicale.
Lire aussi :
- Retour de cette baleine de 6 mètres de long en France ! Elles seront des milliers cette année pendant 8 semaines au large de la Nouvelle-Aquitaine
- Encore un cadeau empoisonné des américains à la France avec la grenouille taureau installée en Nouvelle-Aquitaine depuis 1968 et qui menace la biodiversité des étangs
Sur les plages du Pays basque, l'été prend une teinte toxique avec une jolie intrue : la physalie
À Biarritz, Anglet et Saint-Jean-de-Luz, le sable n’est plus aussi accueillant qu’en début de saison. La fermeture des plages de Marbella et de la Petite Chambre d’Amour en pleine période touristique a surpris les baigneurs. Depuis la mi-juillet 2025, les physalies s’échouent en nombre inédit.
Les courants de sud-ouest et l’élévation de la température de l’eau, mesurée à plus de 23 °C en surface, ont favorisé leur arrivée massive. Selon les surveillants de baignade, il n’est pas rare de retrouver une trentaine d’individus en une seule marée. La météo fait le reste : un vent soutenu et c’est la dérive assurée.
Une menace silencieuse à ne pas sous-estimer
Contrairement à la piqûre d’oursin ou au coup de vive, le venin de la physalie peut déclencher un choc anaphylactique. Les cas les plus graves incluent des troubles respiratoires, des paralysies passagères et des douleurs comparables à des brûlures au second degré.
À Bordeaux, les urgences du CHU ont traité cinq cas en deux jours, dont deux enfants de moins de 10 ans. Tous avaient touché une physalie morte échouée, attirés par ses couleurs. Le danger ne s’arrête pas au rivage. Même sous forme de restes épars, les tentacules conservent leur charge urticante pendant plusieurs jours.
Ce jeudi 24 juillet, la baignade vient d'ailleurs d'être interdite aux plages de la Petite Chambre d’Amour, à Anglet, et de Marbella, à Biarritz pour cause de physalie.
La physalie, aussi belle qu'urticante ! (source : Explore Ocean)
En Nouvelle-Aquitaine, une vigilance étendue au littoral tout entier
Le phénomène ne se limite plus au Pays basque. De Soulac-sur-Mer à Mimizan, en passant par Capbreton et Lacanau, les physalies font parler d’elles. Les autorités régionales ont activé des protocoles d’information en partenariat avec les offices de tourisme, les mairies et les CRS sauveteurs.
Dans les Landes, des communes comme Hossegor et Biscarrosse envisagent de suspendre temporairement les activités nautiques lorsque les observations dépassent un seuil critique. Les écoles de surf ont été invitées à sensibiliser les élèves dès leur première séance.
Une affichette simple mais percutante circule déjà : "Bleue, violette, et très piquante. Ne la touchez pas."
Une conséquence parmi d'autres du dérèglement océanique
Les physalies ne sont pas nouvelles sur nos côtes. Ce qui l’est, c’est leur fréquence et leur ampleur. Les scientifiques du Centre de Recherche sur les Écosystèmes Marins (CREM) établissent un lien clair entre le réchauffement des eaux de surface, la modification des gyres atlantiques et la présence plus soutenue de ces organismes.
Les physalies trouvent désormais en France un terrain propice à leur dérive. Leur cycle de vie est favorisé par l’augmentation des zones marines tropicalisées, où la concurrence diminue. Résultat : des colonies plus nombreuses et plus actives.
Les biologistes craignent que ce phénomène devienne saisonnier et durable. Les campagnes de surveillance, encore peu financées, peinent à anticiper les pics d’arrivée. L’océan, vaste et mouvant, ne livre pas facilement ses plans de navigation.
Que faire en cas de contact ? Une procédure à connaître par cœur
Pour limiter les complications, les services d’urgence recommandent une prise en charge immédiate. Voici les gestes à adopter :
- Éviter tout contact direct avec l’animal, même mort.
- En cas de piqûre, ne jamais utiliser d’eau douce, qui active les cellules urticantes.
- Rincer à l’eau de mer abondamment.
- Retirer les fragments visibles à l’aide d’une pince ou d’un objet rigide.
- Appliquer une source de chaleur (40 à 45 °C) pendant 15 à 20 minutes : le venin est thermolabile.
- En cas de symptômes comme vertiges, vomissements, gonflements : appeler immédiatement le 15.
Une erreur fréquente consiste à croire qu’une crème ou une pommade peut suffire. Le venin de la physalie agit rapidement, parfois en moins de 10 minutes. Chez les sujets allergiques, la réaction peut être fulgurante.
Un été à réinventer, entre prudence et émerveillement
Le risque est réel, mais il n’annule pas la beauté du littoral atlantique. Il rappelle simplement que la mer n’est pas un décor figé. Elle respire, elle dérive, elle réagit. Elle transporte des merveilles… et parfois des pièges.
Informer sans alarmer, observer sans intervenir inutilement, respecter les signaux de la nature : ce sont les seuls moyens de cohabiter avec les physalies, comme avec d’autres espèces marines imprévues. Et si, un jour, les physalies devenaient un indicateur avancé du déséquilibre de nos océans, il serait peut-être temps d’écouter leur message silencieux.
Sources :
CHU de Bordeaux : https://www.chu-bordeaux.fr/Espace-média/Archives/Animaux-marins-vénimeux-Vigilance-et-conduite-à-tenir
France Bleu : https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/a-biarritz-une-plage-fermee-a-cause-de-la-presence-de-physalies-qui-provoquent-des-irritations-4616599
Sud Ouest : https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/physalies-a-biarritz-et-anglet-les-plages-de-marbella-et-la-petite-chambre-d-amour-fermees-a-la-baignade-25359710.php
Images : Explore Ocean