Ce château français "oublié" en Nouvelle-Aquitaine vient de connaître une restauration à 5,5 millions d'euros qui va lui permettre de retrouver son lustre de jadis

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Une forteresse charentaise remise à la carte.

Ce château français "oublié" en Nouvelle-Aquitaine vient d'avoir une restauration à 5,5 millions d'euros qui va lui permettre de retrouver son lustre de jadis
Ce château français "oublié" en Nouvelle-Aquitaine vient d'avoir une restauration à 5,5 millions d'euros qui va lui permettre de retrouver son lustre de jadis

Perché sur son éperon rocheux, le château de Bouteville n’a jamais eu l’arrogance des grandes cours royales. Pourtant, ses pierres ont vu défiler les siècles, les sièges, les traités… et quelques rois au passage. À deux pas des vignes de Grande Champagne, dans l’ombre dorée du cognac, cette forteresse longtemps oubliée revient sur le devant de la scène. Et pas pour faire de la figuration.

Depuis 2019, l’Agglomération Grand Cognac a entrepris une restauration complète, un chantier d’envergure de 5,5 millions d’euros, pour redonner vie à ce château qui dormait à moitié. Avec le soutien de l’État, de la Région Nouvelle-Aquitaine, de la Mission Bern, de la Fondation du patrimoine et de fonds européens, le bâtiment a repris du service.

En 2024, ses portes se sont rouvertes. Visites libres, séminaires, mariages : on peut désormais y flâner ou y festoyer. Et depuis peu, un tout nouveau parcours muséographique a pris forme dans l’aile est, la plus ancienne du château.

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Le château de Bouteville ne s’est pas bâti en un jour. Il prend racine au XIe siècle, sur les ruines d’une ancienne villa gallo-romaine. Son premier seigneur connu, Geoffroy Taillefer, l’obtient par mariage vers l’an 1000. Après lui, les dynasties se succèdent comme des couches de sédiments : les Lusignan, les La Rochefoucauld, les Montmorency, les Béon du Massès. Chaque lignée laisse sa marque, parfois une aile, parfois une blessure.

Le château bascule tour à tour entre Anglais et Français, selon les trêves et les trahisons. Jean sans Terre y séjourne. Le Prince Noir aussi, lorsqu’il gouverne l’Aquitaine depuis Angoulême. Bouteville est pillé, repris, restauré, et parfois même démantelé. On y tue un assassin, on y enferme un roi, on y édifie une cheminée si majestueuse qu’on la démonte un jour pour la déplacer ailleurs.

Au fil des siècles, les guerres de Religion le secouent, la Révolution le redistribue, et les rénovations deviennent autant de tentatives de le maintenir debout. En 1788, le comte d’Artois y entreprend une restauration, interrompue par son exil. En 1793, un marchand local l’achète et commence à le démonter. Le bâtiment est sauvé partiellement au XXe siècle, notamment dans les années 1930, avant de devenir propriété de la commune en 1994, puis classé monument historique en 1984.

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Des voix du passé dans les couloirs

C’est une scénographie originale. Cinq salles aménagées, cinq époques, quatre bâtisseurs. Chacun raconte son passage, ses choix architecturaux, ses priorités militaires. Il y a Béon du Massès, Henri de Hautefort, Antoine Marcombe, le comte d’Artois. Tous ont laissé leur trace sur ces murs.

Ce dispositif donne une lecture plus vivante des lieux. À travers des écrans interactifs, le visiteur glisse d’un point de vue à l’autre, découvre les fondations successives, les réaménagements, les ambitions d’époque. Rien d’académique : on est dans le récit, le détail bien choisi, la voix incarnée. Et ça fonctionne.

Le parcours se prolonge avec une “galerie des illustres”, consacrée aux hôtes prestigieux du château. On y croise Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre, le Prince Noir, Henri III, Henri IV, Charles X… et même le grand-père de François Ier, dit "le Bon Comte Jean". Pas de portrait figé ici, mais une volonté claire : remettre les noms dans leur contexte, faire sentir le passage de ces figures dans l’épaisseur de l’histoire locale.

Des pierres, une cheminée, des secrets

Le dernier espace du parcours s’intitule sobrement : “Les marques du temps”. Il s’adresse à ceux qui aiment les détails, les fissures, les pierres patinées. On y expose des fragments d’appareillages, des carreaux de sol, des morceaux de décors. On peut les toucher, les regarder de près. Ces éléments racontent l’évolution des usages, des savoir-faire, des fonctions du château au fil des siècles.

C’est aussi là qu’a été installée une cheminée monumentale, copie fidèle d’un chef-d’œuvre disparu de Bouteville. L’originale avait été démontée au XIXe siècle et déplacée non loin, au château de Bourg-Charente. Cette réplique, installée en 2024 grâce à un mécène, pèse près de 13 tonnes. On y distingue une cariatide, un atlante, des angelots. Elle n’a rien d’ostentatoire, mais elle impose le respect. Et rappelle que le prestige peut parfois se cacher dans un salon silencieux plutôt que dans une salle du trône.

Une médiation pensée pour tous

Ce nouveau parcours n’est pas réservé aux passionnés d’archéologie. Il s’adresse aussi aux familles, aux groupes scolaires, aux curieux du dimanche. Des supports spécifiques ont été pensés pour les enfants, afin de rendre le lieu accessible sans le simplifier à outrance.

Le projet, estimé à 378 336 euros hors taxes, a été financé à hauteur de 56 750 euros par la Région Nouvelle-Aquitaine, et 150 000 euros par les fonds européens FEADER-LEADER. Il complète les aménagements réalisés pendant la grande phase de restauration, tout en affirmant une volonté claire : faire du château de Bouteville un lieu vivant, ouvert, interprété.

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Une ouverture progressive, un avenir en chantier

Aujourd’hui, le château est ouvert à la visite tous les jours jusqu’à fin octobre, sauf le lundi. Le reste de l’année, il fonctionne sur rendez-vous. Et l’histoire ne s’arrête pas là. Des fouilles archéologiques sont toujours en cours aux abords du site. Certaines zones restent inaccessibles, non pas par choix, mais parce qu’on ne sait pas encore ce qui s’y cache.

Ce monument conserve encore de nombreuses zones d’ombre, des pièces disparues, des éléments déplacés, des secrets de construction. Rien n’est figé. On continue d’en apprendre sur lui, petit à petit, pierre après pierre.

Source : Région Nouvelle-Aquitaine

Crédit images : © Grand Cognac, Julia Hasse