En France on a n’a pas de pétrole mais on aura bientôt 15% de la production mondiale de ces terres rares grâce à une nouvelle usine en Nouvelle-Aquitaine

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Un laboratoire français veut détrôner la Chine sur les terres rares.

La France sans ressource stratégique ? Elle produira pourtant bientôt 15% de la production mondiale de ces terres rares grâce à cette usine de Nouvelle-Aquitaine
La France sans ressource stratégique ? Elle produira pourtant bientôt 15% de la production mondiale de ces terres rares grâce à cette usine de Nouvelle-Aquitaine

Le dossier des terres rares fait beaucoup parler de lui depuis quelques jours et la prise de décision de la Chine d'exiger désormais des "licences d'exportation" sur tout produit contenant plus de 0,1% de ces éléments qu'on retrouve pour ainsi dire partout de nos jours (des portables aux voitures électriques).

L'Empire du Milieu vient tout simplement de donner au reste du monde une leçon de géopolitique puisqu'actuellement le monde dépend à 70% de la Chine pour les terres rares et est donc en mesure de dicter ses conditions.

Une petite lumière d'espoir pourrait cependant venir de France et plus précisément de Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques. 

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Une petite équipe, une très longue expérience

Fondée en 2019 par Frédéric Carencotte, ingénieur chimiste passé par Rhône-Poulenc et Solvay, Carester s’appuie sur une équipe resserrée d’environ 40 personnes. Leur particularité ? Une spécialisation dans un domaine ultra-pointu : la séparation des terres rares, ces éléments chimiques aux noms exotiques (néodyme, praséodyme, dysprosium, terbium) dont dépendent nos aimants, nos éoliennes et nos voitures électriques. Dès ses débuts, la société s’est positionnée comme un cabinet de conseil technique pour optimiser les procédés d’extraction et de purification à l’échelle mondiale.

Caremag : un projet industriel à Lacq pour recycler les aimants usagés

Le grand saut s’est produit récemment. Fort de son expertise, Carester a lancé son propre projet industriel à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. Baptisé Caremag, ce site en construction se spécialise dans deux domaines :

  • Le recyclage d’aimants permanents en fin de vie
  • L’extraction de terres rares lourdes à partir de concentrés miniers

L’objectif est clair : produire 600 tonnes par an de dysprosium et terbium, soit 15 % de la production mondiale actuelle de ces éléments stratégiques, et environ 800 tonnes par an de néodyme-praséodyme, indispensables aux aimants de forte puissance.

Le procédé mis en œuvre promet une performance environnementale bien supérieure aux méthodes classiques utilisées en Chine. À Lacq, pas de bains d’acides en pleine nature. Carester mise sur un process plus propre, plus modulaire, mieux contrôlé.

Un financement structuré entre Tokyo et Paris

Construire une usine de terres rares, même à partir de déchets, nécessite un budget conséquent. En mars 2025, Caremag a levé 216 millions d’euros pour financer les infrastructures du site de Lacq. La moitié de ce financement vient du Japon, via un partenariat entre JOGMEC (Japan Oil, Gas and Metals National Corporation) et Iwatani Corp., rassemblés dans une coentreprise nommée Japan France Rare Earth Co..

L’autre moitié est française : subventions publiques, crédits d’impôt pour l’industrie verte, et avances remboursables sont venus compléter la mise. Il faut ajouter à cela 36,6 millions d’euros déjà obtenus via le plan de relance français et le programme France 2030.

Enfin, le constructeur automobile Stellantis s’est engagé sur un contrat d’approvisionnement de dix ans, prévoyant l’achat de 3 400 tonnes de terres rares, dont un tiers issues du recyclage. Une manière de sécuriser sa chaîne d’approvisionnement tout en réduisant son empreinte écologique.

Une réponse européenne à la dépendance asiatique

À l’échelle mondiale, seuls deux acteurs, Lynas en Australie et MP Materials aux États-Unis, produisent actuellement des oxydes de terres rares pour aimants à grande échelle hors de Chine. Le reste du monde reste fortement dépendant de Pékin, qui maîtrise 85 à 90 % de la chaîne de valeur complète, de l’extraction à la séparation.

Dans ce contexte, l’émergence de Carester est perçue comme une rare initiative européenne crédible. Son site de Lacq est appelé à devenir le premier centre européen spécialisé dans les terres rares lourdes, qui sont aujourd’hui quasi intégralement extraites et purifiées en Chine.

Selon les analystes de Rare Earth Exchanges, Carester se distingue par plusieurs atouts :

  • Une flexibilité d’approvisionnement, capable de traiter à la fois des déchets et des minerais.
  • Un savoir-faire éprouvé, hérité de décennies d’ingénierie française et sino-française.
  • Un soutien politique et financier concret, avec une lisibilité à long terme.
  • Des clients industriels déjà engagés, qui garantissent des débouchés réels.

Les terres rares : un enjeu économique, technologique et stratégique

Les terres rares ne sont pas rares en soi. Ce qui l’est, c’est leur purification. Elles sont omniprésentes dans les technologies modernes : voitures électriques, smartphones, serveurs, avions de chasse, IRM, turbines éoliennes… Sans elles, pas de transition énergétique, pas d’électronique de pointe, pas de défense moderne.

Le tableau ci-dessous montre l’emprise actuelle de la Chine :

PaysProduction de terres rares (2024)Part du marché mondial
Chine 240 000 tonnes 70 %
États-Unis 43 000 tonnes 12 %
Birmanie 38 000 tonnes 11 %
Australie 18 000 tonnes 5 %
Reste du monde 6 000 tonnes 2 %

Sources : US Geological Survey 2025, Rare Earth Exchanges

Carester vise l’industrialisation dès 2026

L’usine de Lacq devrait démarrer ses premières opérations pilotes en 2026. D’ici là, les lignes de séparation seront finalisées, les partenariats consolidés, et le modèle économique affiné. L’objectif est d’arriver à une montée en charge progressive qui permette de fournir des oxydes hautement purs à l’échelle industrielle tout en restant compétitifs face aux prix chinois.

Derrière ce projet, se dessine une ambition plus large : donner à l’Europe une capacité autonome dans le raffinage de terres rares, domaine stratégique jusqu’ici négligé sur le Vieux Continent.

Un pari industriel audacieux, porté par des chimistes qui recyclent l’avenir avec méthode, passion et un soupçon de fierté hexagonale.

Source : Données publiques de Carester