Dans un coin reculé de la Creuse, Masgot, minuscule village de la commune de Fransèches, semble un paisible hameau comme il en existe tant d'autres dans cette région. Des maisons en granite, des murets, quelques arbres tordus par le vent. Pourtant, à peine engagé dans les ruelles, quelque chose cloche. Ou plutôt, quelque chose parle. Des visages figés dans la pierre vous fixent, des hiboux sculptés vous observent, un Napoléon granitique campe sur une margelle.
Ce n’est pas un décor de théâtre. C’est un rêve d'un paysan formulé il y a 200 ans qui est devenu réalité.
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Masgot, le village aux 100 statues
François Michaud est né en 1810. Il ne connaîtra ni Paris, ni les galeries. Il connaît la terre, le froid, la faucille et les pierres qui roulent au fond des champs. Chaque soir, en rentrant du labeur, il attrape son burin. Pendant quarante ans, il sculpte. Un bestiaire rustique et symbolique prend vie : Marianne, des lions, des crapauds, des chimères, et même des clins d’œil politiques.
Il ne cherche ni gloire ni client. Il veut parler. Alors il parle avec ce qu’il a sous la main : le granite de la Creuse, dur comme un hiver de 1840. Il taille tout : linteaux, seuils, murs, fontaines. Les sculptures surgissent partout, en pleine campagne.
Quand le village devient musée à ciel ouvert
Masgot est aujourd’hui un ensemble homogène de maisons rurales décorées de figures sculptées, un cas unique en France. On y trouve près de cent œuvres répertoriées. Ce n’est pas un parc thématique, c’est un village où les murs racontent des histoires.
Depuis deux décennies, la Fondation du Patrimoine et les collectivités locales ont investi plusieurs centaines de milliers d’euros pour restaurer les maisons et protéger les sculptures. Le granite vieillit mal sous la pluie. Il fallait intervenir.
Aujourd’hui, plusieurs milliers de visiteurs arpentent chaque année les ruelles de Masgot, guidés par la curiosité ou le hasard d’une balade. Le silence du lieu ajoute à l’étrangeté de l’expérience.
Le village de Masgot compte plus de 100 statues qui font le plaisir de milliers de touristes chaque année.
L'économie de la pierre vivante
Ce n’est pas qu’un village figé. Masgot vit. Grâce à l’association "Les Amis de la pierre", des stages de sculpture sur granite ont lieu chaque été. Près de 500 personnes viennent s’y initier chaque année, certaines par passion, d’autres pour toucher le monde de Michaud du bout du ciseau.
Un café associatif propose boissons et petite restauration. Une boutique vend des objets inspirés de l’univers de Masgot. Des gîtes accueillent les visiteurs. L’économie rurale se nourrit ici d’un patrimoine artistique improvisé au XIXème siècle.
Les nuitées se comptent par centaines chaque année. Pour un village de moins de 30 habitants, c’est un monde.
Un symbole pour la Creuse
Masgot est devenu un emblème. Un contre-exemple, aussi. Tandis que bien des hameaux se vident, lui attire. Il attire parce qu’il propose autre chose. Un patrimoine sensible, sculpté à main nue, sans plan d’urbanisme, sans subvention initiale, sans masterclass. Un patrimoine porté par un seul homme, une ode romantique à la beauté en quelque sorte.
Aujourd’hui, la Creuse revendique ce trésor. Elle l’intègre dans ses brochures, ses parcours culturels, ses projets d’éducation au territoire. Car Masgot prouve qu’une œuvre artistique, même modeste, peut devenir un levier de développement durable.
Le rêve gravé dans les murs
En quittant Masgot, on garde l’impression d’avoir visité la mémoire granitique d’un homme obstiné. Chaque visage dans la pierre, chaque animal stylisé est une pensée figée, un fragment d’humanité posé au bord d’un chemin. Rien ne clignote, rien ne parle fort.
C’est une poésie de l’humble. Un art rural, à mi-chemin entre la dévotion, la satire et le conte. Et c’est peut-être cela qui touche le plus : la certitude que l’on peut sculpter sa trace dans le monde, même avec peu de choses.
Même seul et au milieu de la Creuse !
Site du village : https://www.masgot.fr/
