Nous sommes en 1920, en pleine effervescence énergétique dans les Pyrénées. La Compagnie des chemins de fer du Midi lance un vaste plan d’électrification de ses lignes. Objectif : exploiter la puissance hydraulique de la vallée d’Ossau. Au cœur de ce chantier titanesque, un outil discret prend vie : une voie ferrée étroite de 50 centimètres d’écartement, construite pour transporter ouvriers, matériaux, ciment et espoir humain vers un barrage en construction à 2 000 mètres d’altitude. Le lac d’Artouste devient alors le théâtre d’un défi technique quotidien.
Ce petit train, avant d’enchanter les visiteurs, a été le poumon logistique d’un chantier hors norme. Pendant huit années, il serpente à flanc de montagne, sur près de 10 kilomètres, traversant forêts et tunnels, pour livrer de quoi ériger l’un des plus grands barrages des Pyrénées.
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Le Train d’Artouste : d’une voie ferrée de chantier à une icône touristique
En 1929, le barrage est terminé. L’eau est là, les turbines tournent. Le train, lui, reste. Et en 1932, une idée aussi simple que lumineuse surgit : pourquoi ne pas en faire un train touristique ? C’est la préfecture des Pyrénées-Atlantiques qui souffle cette possibilité au Conseil Général. Le pari est lancé.
À partir de cette date, le petit train d’Artouste change de mission. Désormais, il ne transporte plus du béton, mais des souvenirs. Les premiers touristes embarquent, direction les panoramas vertigineux des crêtes béarnaises. On y grimpe comme on monte sur un toboggan géant accroché à la montagne. On y descend transformé.
Une ligne vertigineuse au ralenti
Le tracé reste fidèle à son origine : une voie unique, sinueuse, de 10 kilomètres, suspendue en moyenne à 1 940 mètres d’altitude. Une sorte de fil de fer accroché au flanc de la montagne. Le train, lui, roule à 15 km/h. De quoi laisser le temps d’écarquiller les yeux. Un tunnel creusé dans le roc – le tunnel de l’Ours –, des précipices, des forêts suspendues et surtout un panorama unique sur le Pic du Midi d’Ossau.
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de curieux montent à bord. Pour beaucoup, c’est leur premier contact avec l’altitude, le vide, et une histoire qu’on n’imaginait pas si riche.
Des locomotives à la mémoire longue
Les premiers convois étaient menés par de vieux locotracteurs Renault. Des engins bruyants, lourds, qui sentaient l’huile chaude. Puis vinrent les Billard, les Whitcomb. Aujourd’hui, le petit train est 100 % électrique, en un clin d’œil à l’hydroélectricité qui l’a vu naître.
Les wagons aussi ont évolué. Fini les plateaux en bois, place à des voitures pouvant accueillir jusqu’à 300 passagers. Le confort s’est invité sans trahir l’authenticité. Le cliquetis des rails, lui, reste inchangé.
Un train qu’il faut mériter
Avant même de s’installer à bord, il faut grimper. Depuis Laruns ou Pau, on monte en voiture ou en car jusqu’à la station. Puis une télécabine prend le relais : la Sagette. Ce téléphérique suspend les visiteurs à flanc de montagne, jusqu’à la gare de départ du petit train. Une mise en bouche verticale.
Le trajet en train dure environ une heure. Il s’achève au col du Pourtalet, à la frontière espagnole. Là, le ciel semble plus vaste, l’air plus sec, le silence plus net.
Une machine à rêves et à euros
En 2023, plus de 120 000 touristes ont emprunté ce train. Une aubaine pour la vallée d’Ossau. Commerces, hébergements, artisans : tout le monde profite de cette locomotive économique.
L’exploitation du site est aujourd’hui assurée par la commune, après un passage entre les mains de la SNCF. Une régie municipale assure la gestion, avec une attention particulière portée à la conservation du patrimoine et à un tourisme respectueux du lieu.
Les recettes touristiques permettent d’entretenir la ligne, de former les guides, d’embaucher. L’été, les visites offrent une bouffée d’oxygène économique, et une continuité à l’histoire.
Un train entre ciel, roc et mémoire
Le petit train d’Artouste, c’est un condensé de montagne en mouvement. Il traverse les époques et les roches avec la même lenteur admirable. Ce n’est pas juste un moyen de transport, c’est une leçon de géographie, d’ingénierie et de patience.
Dans un pays où l’on parle souvent d’amnésie industrielle, il rappelle que les montagnes ont vu passer des hommes, des chantiers, des idées. Et qu’il suffit parfois de quelques rails accrochés à la roche pour qu’un passé ouvrier se transforme en avenir touristique.
D'autres trains remarquables dans le monde
Nom du train |
Pays |
Altitude/Caractéristiques principales |
Particularités |
Petit train d’Artouste |
France |
1 940 m, 10 km sur voie étroite |
Plus haut train touristique d’Europe, passage par tunnel |
Glacier Express |
Suisse |
1000-2000 m, entre St-Moritz et Zermatt, 291 ponts et 91 tunnels |
Train panoramique mythique, traversée complète des Alpes |
Montenvers-Mer de Glace |
France |
1 900 m, voie à crémaillère |
Tramway du Mont-Blanc reliant Chamonix au glacier |
Flåmsbana |
Norvège |
865 m de dénivelé sur 20 km |
Une des plus grandes pentes ferroviaires d’Europe |
Tren a las Nubes |
Argentine |
Jusqu’à 4220 m d’altitude |
Ligne spectaculaire avec viaducs, tunnels, boucle hélicoïdale |
Bernina Express |
Suisse-Italie |
2 200 m, traverse 55 tunnels et 169 ponts |
Ligne classée UNESCO avec vues alpines grandioses |
Qinghai-Tibet Railway |
Chine |
Jusqu’à 5072 m, voie ferroviaire la plus haute du monde |
Parcours extrême avec oxygène, paysages himalayens |
Rocky Mountaineer |
Canada |
560 km à travers Rocheuses, paysages alpins |
Train touristique luxueux, observation panoramique |
Wengernalpbahn |
Suisse |
45 min entre Lauterbrunnen et Kleine Scheidegg |
Plus long trajet continu en train à crémaillère en Europe |
Ces trains combinent souvent des voies étroites ou à crémaillère, des dénivelés importants, des passages techniques (tunnels, viaducs) et offrent des vues spectaculaires sur les massifs montagneux. Ils sont emblématiques de leur région et attirent chaque année de nombreux touristes en quête d’expériences ferroviaires uniques et d’immersion dans la nature alpine ou andine.
En savoir plus sur cette expérience unique : https://artouste.fr/ete/fr