La France va encore briller dans le secteur aéronautique avec ce projet de « monstre » de 200 mètres de long qui commence à devenir une réalité tangible

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Le géant volant prend vie : Safran propulse le dirigeable de 60 tonnes de Flying Whales.

La France va encore briller dans le secteur aéronautique avec ce projet de « monstre » de 200 mètres de long qui commence à devenir une réalité tangible
La France va encore briller dans le secteur aéronautique avec ce projet de « monstre » de 200 mètres de long qui commence à devenir une réalité tangible

La France est une terre d'innovation dans l'aéronautique depuis ses débuts avec notamment des noms comme Ader (qui aurait inventé le premier engin motorisé à quitter le sol) ou Blériot et son mythique Blériot XI (premier avion à traverser la Manche). Plus récemment on peut encore compter le Concorde ou l'A380 dans ses réalisations les plus notables mais l'engin dont nous allons vous parler aujourd'hui est un précurseur dans un autre domaine : celui des zeppelins.

En 2025, un dirigeable long comme deux terrains de football, capable de soulever une charge équivalente à une locomotive, va s’élever dans le ciel grâce à une technologie française. À son bord, un système de propulsion hybride développé par Safran, livré en prototype fin juin, conçu pour le LCA60T de la start-up Flying Whales. Ce mastodonte de 200 mètres de long n’est pas un gadget rétrofuturiste. C’est une réponse technique à un problème logistique bien réel : transporter, depuis le ciel, des charges lourdes dans des zones inaccessibles.

Le projet avance. Et c’est bien la  France et plus précisemment la Nouvelle-Aquitaine qui se trouve au cœur de cette innovation aéronautique !

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Safran ne livre pas un moteur, ni une pale d’hélice. Ce que ses ingénieurs viennent de mettre au point, c’est le système de transmission de puissance des quatre turbogénérateurs du dirigeable. Autrement dit, la mécanique qui permet de convertir l’énergie thermique produite par les moteurs en électricité, puis de l’acheminer jusqu’aux hélices.

Un tel dispositif n’existait pas dans le catalogue Safran jusqu’à présent. C’est donc une première mondiale pour le groupe, fruit de deux années de développement depuis la signature du contrat en 2023. Il s’ajoute aux systèmes de génération, de distribution et de conversion électrique déjà confiés à Safran Electrical & Power depuis 2021.

L’objectif est clair : faire voler un géant de 60 tonnes avec un système hybride propre, fiable et optimisé pour les longues distances.

Le LCA60T, un cargo aérien sans piste

Le LCA60T, c’est 200 mètres de long pour 60 tonnes de capacité en charge utile. Il pourra charger ou déposer des containers, des pièces industrielles, voire des troncs d’arbres entiers en vol stationnaire, sans piste ni infrastructure au sol. C’est le premier aéronef au monde à proposer ce type d’opération logistique en totale autonomie.

Son gabarit lui permet de desservir des zones rurales, montagneuses, forestières, ou coupées du réseau routier, sans route à tracer ni sol à stabiliser. Le fret ne touche jamais terre, le dirigeable descend, s’aligne, soulève, repart. Le tout, avec une empreinte carbone nettement inférieure à celle d’un hélicoptère ou d’un avion cargo, et des coûts d’exploitation bien moindres.

Flying Whales vise des applications variées : débardage forestier dans les Landes, logistique industrielle dans les zones enclavées, transport de pièces d’éoliennes, ou acheminement de matériel humanitaire en zone sinistrée. Un prototype est prévu pour être opérationnel dès 2026.

Une filière d’innovation aérienne en Nouvelle-Aquitaine

Le projet n’est pas isolé dans le ciel français. Il est enraciné dans une filière industrielle régionale, structurée autour de Mérignac, Pau, Cognac, Tarnos. Safran, qui emploie plus de 4 000 personnes en Nouvelle-Aquitaine, y dispose de plusieurs sites stratégiques, dont celui de Bordes, spécialisé dans les systèmes de propulsion.

Flying Whales, quant à elle, construit son usine d’assemblage à Laruscade, au nord de Bordeaux, sur un terrain de 50 hectares. Ce site produira jusqu’à 12 dirigeables par an, et prévoit jusqu’à 200 emplois directs à terme. Le projet est soutenu par la région, l’État, et l’Union européenne à travers plusieurs dispositifs d’innovation.

C’est toute une chaîne industrielle bas carbone qui prend forme, à mi-chemin entre l’aéronautique, la logistique lourde et les énergies nouvelles. Et pour une fois, ce n’est ni un concept sur papier glacé, ni une promesse électorale.

Une aviation hybride, enfin concrète

L’intérêt du projet LCA60T, c’est qu’il matérialise enfin une aviation hybride fonctionnelle, utile, et scalable. Pas un drone expérimental ou un prototype urbain pour cadres pressés. Ici, on parle de transporter des tonnes sur des centaines de kilomètres, avec un système de propulsion hybride-électrique opérationnel.

Les turbogénérateurs livrés par Safran ne servent pas uniquement à tracter une machine dans l’air. Ils définissent un nouveau standard de rendement énergétique et de modularité pour l’aviation de demain. Ils évitent de recharger des batteries au sol, et permettent de combiner endurance, précision, et sécurité dans une enveloppe volante à faible vitesse.

C’est le genre d’innovation qui ne court pas après la vitesse supersonique, mais qui répond à des besoins concrets, dans un monde contraint par l’énergie et le climat.

Dirigeables : le retour des géants ?

Pendant un siècle, les dirigeables ont été considérés comme une curiosité d’un autre temps. Trop lents, trop sensibles au vent, trop peu maniables. Le crash du Hindenburg en 1937 avait achevé de les reléguer au musée.

Aujourd’hui, la donne a changé. La technologie a progressé, les matériaux sont plus légers, les systèmes de navigation plus précis, l’électronique de vol plus fine. Et surtout, le contexte énergétique impose de réinventer la logistique lourde sans kérosène.

Flying Whales fait partie des rares acteurs à réconcilier ce vieux rêve d’aéronef géant avec les exigences de notre époque, en se concentrant non pas sur le transport de passagers mais sur le fret point-à-point, en zones peu accessibles.

Un marché de niche ? Pas tant que ça

Le marché du dirigeable n’est plus un fantasme d’architecte volant. Selon les estimations du cabinet Emergen Research, le secteur mondial des dirigeables pourrait atteindre plus de 25 milliards d’euros d’ici 2032, tiré par les besoins en logistique lourde, surveillance, transport humanitaire et tourisme aérien lent. La demande vient d’abord de secteurs où ni l’avion, ni l’hélicoptère, ni le camion ne sont économiquement viables : accès forestiers, livraisons de modules industriels, opérations sur des infrastructures isolées.

Flying Whales n’est pas seule dans la course. Des projets émergent en Allemagne, au Royaume-Uni, en Chine ou aux États-Unis. Mais elle est la seule à viser clairement le transport de charges jusqu’à 60 tonnes, avec un appareil certifiable selon les normes européennes. Si elle tient ses délais, la start-up française pourrait donc occuper une position de leader mondial sur un créneau logistique entièrement neuf, où l’innovation technique compte autant que la géopolitique de l’accès aux territoires.

Sources :

  • Emergen Research, “Airship Market Size, Share & Trends, Forecast to 2032”, 2024
  • Flying Whales, communiqués de presse et dossiers techniques (2023–2025)
  • Safran Group, actualités innovation, juillet 2025