Ce n’est pas avec des missiles qu’on mène toutes les batailles. Parfois, une guerre se gagne avec des mèmes, des images trafiquées et des attachés militaires bien placés. C’est en tout cas ce que suggère une note confidentielle du renseignement militaire français révélée début juillet : la Chine aurait orchestré une campagne de désinformation pour torpiller les exportations du Rafale, l’avion de chasse phare de Dassault Aviation. Objectif ? Faire dérailler les ventes dans l’Indo-Pacifique et asseoir la suprématie des chasseurs chinois.
À la manœuvre : les ambassades chinoises, leurs attachés de défense, et une armée numérique active sur les réseaux sociaux. Le contexte : les affrontements aériens entre l’Inde et le Pakistan en mai 2025, et la perte confirmée d’un Rafale indien, immédiatement exploitée sur les canaux numériques. L’affaire prend une ampleur stratégique.
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Une guerre de l’image bien rodée par la Chine autour du mythique Rafale
Dès les premiers jours du conflit, une machine de communication s’est mise en route. Images générées par intelligence artificielle, séquences de jeux vidéo maquillées en combats réels, comptes fictifs sur X (ex-Twitter) et Facebook… En quelques jours, plus de 1 000 comptes auraient été activés pour inonder les réseaux de messages mettant en doute les performances du Rafale.
Les messages, en apparence diversifiés, convergeaient autour d’un même axe : “le Rafale est vulnérable, les armes chinoises sont supérieures”. Une stratégie déjà bien connue, inspirée des méthodes russes en Europe depuis 2014, et désormais pleinement intégrée à la doctrine d’influence chinoise.
Les services français ont confirmé que ces éléments de langage étaient repris mot pour mot par des attachés de défense chinois lors de rencontres diplomatiques en Indonésie, au Brésil, en Irak et en Ouzbékistan. Rien n’a été laissé au hasard.
Mérignac, poumon industriel du Rafale en Nouvelle-Aquitaine
C’est à Mérignac, en périphérie de Bordeaux, que le Rafale prend réellement vie. La commune abrite l’usine d’assemblage final de Dassault Aviation, un site stratégique au sein de la filière aéronautique française. C’est ici que les différentes sections de l’appareil : fuselage, ailes, moteur et cockpitconvergent depuis tout l’Hexagone, pour être assemblées, intégrées, testées et livrées, aussi bien à l’armée française qu’aux clients étrangers.
L’usine emploie plus de 1 400 personnes, auxquels s’ajoutent près de 5 000 emplois indirects dans la région via un tissu de sous-traitants, allant des fabricants de composites aux spécialistes en électronique embarquée. À elle seule, la ligne Rafale de Mérignac peut produire jusqu’à 2 appareils par mois, une cadence qui a été revue à la hausse depuis l’enchaînement des commandes étrangères entre 2021 et 2025.
La Nouvelle-Aquitaine s’impose donc comme un maillon vital de la chaîne industrielle de défense française, avec des retombées économiques directes : selon le Conseil régional, chaque Rafale exporté génère environ 1 million d’euros de sous-traitance régionale. Et ce, sans compter les effets induits en formation, en R&D ou en infrastructures.
Le Rafale fait vivre directement ou indirectement 6400 personnes en Nouvelle-Aquitaine.
Une tentative ciblée contre un avion stratégique
Pourquoi viser spécifiquement le Rafale ? Parce qu’il représente l’un des fleurons de l’industrie française, et surtout un vecteur d’influence dans des régions stratégiques, comme l’Asie du Sud-Est ou le Golfe. L’appareil n’est pas qu’un produit à vendre. Il incarne un savoir-faire, une autonomie stratégique, et des partenariats militaires durables.
La France avait vendu 533 Rafale au total à ce jour, dont 323 à l’export. Les principaux clients : l’Inde (36 unités + 26 navales en 2025), l’Égypte (24), le Qatar (36), la Grèce (24), la Croatie (12). L’Indonésie, quant à elle, s’est engagée pour 42 appareils en 2022 et a signé une lettre d’intention pour 18 supplémentaires en mai 2025, malgré le bruit médiatique.
Or, ces marchés sont aussi courtisés par la Chine, qui propose ses propres chasseurs J-10, J-31 ou FC-1 Thunder, souvent moins chers, assortis de prêts, de transferts technologiques, et d’un lobbying intensif.
Une bataille déclenchée par une perte en vol
Le déclencheur ? Le premier Rafale perdu au combat. Lors de quatre jours d’affrontements aériens entre l’Inde et le Pakistan en mai 2025, plus de 50 avions ont été engagés. Le Pakistan a rapidement affirmé avoir abattu trois Rafale indiens, un chiffre démenti par l’état-major français, qui parle d’une seule perte confirmée, accompagnée d’un Su-30 et d’un Mirage 2000.
Peu importe les faits : le doute a suffi à ouvrir la porte aux campagnes de discrédit. L’opération menée visait notamment l’Indonésie, premier client en Asie, et les prospects encore indécis comme le Brésil (24 avions envisagés), l’Irak (14), ou l’Ouzbékistan (24).
En parallèle, l’Arabie Saoudite manifestait un intérêt croissant pour 54 Rafale, alors que la Malaisie gelait son programme de remplacement de MiG-29. Autant dire que la fenêtre d’influence était critique.
Une opération hybride, sans fumée, sans feu
Le ministère des Armées français parle d’une “attaque sur la crédibilité de la base industrielle et technologique de défense française”. Autrement dit, un coup porté à l’image de fiabilité du pays, pas seulement de son avion.
La difficulté réside dans la nature de cette guerre : aucun missile tiré, aucune déclaration officielle agressive, uniquement du numérique, des canaux diplomatiques secondaires, des bruits en ligne. Difficile à prouver, encore plus difficile à contrer.
La Chine, de son côté, a nié en bloc. Interrogé par l’Associated Press, le ministère chinois de la Défense a parlé de “rumeurs sans fondement”, tout en rappelant son attachement aux exportations d’armes responsables et à la paix dans le monde.
Rafale, toujours debout malgré les turbulences
Malgré cette tentative de déstabilisation, aucun pays n’a annulé de contrat. L’Indonésie a même renforcé son engagement. L’intérêt de l’Arabie Saoudite, du Brésil et de l’Irak n’a pas faibli. Et dans les couloirs de l’Otan, plusieurs pays d’Europe centrale se rapprochent de Dassault Aviation.
Il faut dire que le Rafale n’est pas simplement un chasseur : il est devenu un outil diplomatique, un élément de souveraineté énergétique (via les ventes couplées avec des technologies civiles), et un marqueur de l’autonomie stratégique française, face aux géants américains et chinois.
La tentative chinoise aura donc révélé autant qu’elle n’a fragilisé : elle montre que le Rafale est devenu suffisamment stratégique pour mériter une campagne de sabotage.
En fin de compte, le Rafale vole toujours, les contrats tiennent, et l’ombre portée de la guerre informationnelle rappelle que la bataille pour les marchés militaires ne se joue plus uniquement en altitude, mais aussi dans les sous-sols des réseaux sociaux.
Source : https://apnews.com/article/france-china-pakistan-india-defense-rafale-64eec86b6e89718d6a49d8fdedf565f4
Image : Usine de Mérignac (Nouvelle-Aquitaine).



