Il y a des parfums qui vous poursuivent toute une vie. Celui du canelé (ou cannelé, les 2 sont acceptés) chaud, tout juste démoulé, en fait partie. Cette carapace brune aux reflets d’acajou qui craque sous la dent, avant de céder la place à un cœur moelleux à la vanille… Ce n’est pas qu’un gâteau, c’est un souvenir, une promesse, une histoire d’amour entre un peuple et sa pâtisserie.
Aujourd’hui, on en vend plus de 40 millions chaque année en France. Et ce chiffre grimpe, encore et encore. C’est dire si ce petit cylindre caramélisé a su conquérir bien au-delà des quais de Bordeaux.
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Le canelé, une naissance humble et aujourd'hui symbole de la gastronomie en Gironde
Tout commence dans un couvent bordelais au XVIIIᵉ siècle. Les sœurs annonciades, installées non loin des quais, ne laissent rien perdre. Les bateaux de commerce déversent leurs cargaisons : farines du port, jaunes d’œufs en surplus, parfois même un peu de sucre. Le vin, on le connaît bien à Bordeaux. Mais le canelé, lui, naît dans les coulisses silencieuses du couvent.
À l’époque, on l’appelait “canaule”. Il n’y avait ni vanille, ni rhum. Juste une pâte enrichie, cuite dans de petits moules en cuivre, qu’on offrait lors des grandes fêtes religieuses. Dès 1785, la rumeur se répand et les canauliers, ces artisans spécialisés, se multiplient. Ils sont bientôt une quarantaine dans la ville. C’est peu dire que cette douceur devient une petite fierté locale.
Puis le temps passe, les bateaux changent, les ingrédients évoluent. La vanille des Antilles, le rhum des colonies… Le canelé s’imprègne du monde. Son goût s’affirme. Sa carapace se durcit, comme un bon caramel. L’intérieur, lui, devient soyeux, presque fondant. Le canelé, tel qu’on le connaît, est né.

Une résurrection venue d’une idée simple : le remettre à la carte
Pendant longtemps, ce petit gâteau dort dans les livres de recettes. Quelques grands-mères s’y accrochent encore, mais le canelé est tombé dans l’oubli. Jusqu’au jour où, en 1988, une maison bordelaise décide de le réveiller.
Baillardran, installée au cœur de la ville, ose lui redonner une place en vitrine. Il est doré, calibré, régulier. Il prend l’allure d’un ambassadeur. Et très vite, le succès est là. On en fait des boîtes, des coffrets, on les vend à l’aéroport, aux touristes, dans les salons. On en expédie à Paris, au Japon, à New York.
Le canelé n’est plus un souvenir. Il est une carte de visite, un concentré de terroir sucré, transportable et reconnaissable. Sa silhouette trapue devient une icône.
Un marché de plus en plus friand de tradition… et de nouveautés
En 2023, la barre symbolique des 40 millions de canelés vendus est franchie. Cela représente une hausse de 12 % par rapport à l’année précédente. Un vrai coup de fouet pour le secteur de la pâtisserie artisanale. Et derrière cette croissance, plusieurs visages.
Il y a bien sûr les grandes maisons bordelaises, Baillardran en tête, mais aussi Aquitaine Spécialités, qui développe une gamme complète autour du canelé. On retrouve aussi toute une galaxie de pâtissiers indépendants, certains urbains, d'autres ruraux, qui réinterprètent ce classique selon leurs envies.
Aujourd’hui, on trouve des canelés vegan, sans gluten, parfumés au matcha ou au piment d’Espelette. Certains sont si petits qu’on les sert à l’apéritif, d’autres sont allongés comme des lingots. Le moule en cuivre, lui, reste le repère. Un peu comme la cocotte dans laquelle mijote un bon confit.
De nouvelles formes pour une clientèle curieuse
Dans les écoles de cuisine, le canelé est devenu un terrain de jeu. On le sert chaud avec une glace, en version salée avec du fromage, ou même trempé dans un vieux rhum agricole. Sur les réseaux sociaux, les photos de canelés se multiplient, croisés avec des recettes de chefs, des challenges entre amateurs, des “twists” inattendus.
Les consommateurs cherchent des produits qui ont du goût, de la mémoire, et un peu d’audace. Le canelé coche toutes ces cases. Il est simple dans sa recette – lait, œufs, sucre, farine, beurre, rhum, vanille et raffiné dans sa texture. Il a cette capacité rare à être élégant sans chichis.
Un canelé réussi, c’est un équilibre : une coque bien caramélisée, presque croustillante, et un cœur tendre, humide, imprégné des arômes. Comme une coque de bateau qui aurait traversé l’Atlantique pour revenir pleine d’histoires.
Une pâtisserie qui regarde vers demain sans oublier d’où elle vient
En 2024, la tendance s’oriente clairement vers la traçabilité, le local, l’éthique. Des moulins régionaux fournissent la farine. Le lait vient de coopératives. On choisit des œufs issus de poules élevées en plein air. Le moule en cuivre, souvent réutilisable à l’infini, est aussi un petit clin d’œil aux objets durables.
Les maisons investissent dans la vente en ligne, proposent des abonnements gourmands, livrent dans toute la France, et parfois au-delà. Cela explique en partie la hausse impressionnante des volumes.
Ce qui change, c’est qu’on ne se contente plus de vendre un gâteau. On vend une histoire. Une région. Un savoir-faire. Une texture. Un parfum. Et cela, peu de produits peuvent s’en vanter.
Ce que vous croquez, c’est bien plus qu’un dessert
Quand vous croquez dans un canelé, vous croquez dans une époque, dans une ville, dans des siècles d’échanges maritimes. Il y a du sucre qui vient de loin, des gestes qui viennent de très près, et un savoir qui se transmet, souvent sans faire de bruit.
Ce n’est pas un hasard si le canelé tient bon. Il est modeste dans son apparence, presque rustique, mais il sait surprendre. Il est là dans les moments simples, à l’heure du thé, ou dans les occasions spéciales, dressé sur les assiettes étoilées.
Il peut coûter 1 euro ou 3 euros, être fait maison ou de grande maison, miniature ou royal, vegan ou au beurre AOP. À chaque fois, il reste fidèle à ce qu’il est : un petit miracle de caramel et de tendresse.
Sources de l'article Sources :
- https://lespavesbordelais.fr/soiree-bordelaise/gastronomie-bordelaise-2024-traditions-innovations-chiffres-cles-dune-metropole-gourmande
- https://www.edelices.com/medias/quelle-est-l%E2%80%99origine-des-caneles-de-bordeaux
- https://lespavesbordelais.fr/soiree-bordelaise/gastronomie-bordelaise-2024-traditions-innovations-chiffres-cles-dune-metropole-gourmande