Un matin de novembre, dans un atelier au fond d’une ruelle d’Angoulême, on surprend un charpentier expliquer à son apprenti comment reconnaître l’humidité dans une poutre d’un seul coup d’œil. Rien d’extraordinaire à première vue, sinon que ce geste, cette précision, cette façon de transmettre un métier, témoigne d’une réalité plus large : en Nouvelle-Aquitaine, l’avenir de milliers d’entreprises se joue dans ce type de moments, entre expérience accumulée et nouvelle génération en quête de projets.
Avec 660 000 entreprises et près de 165 000 dirigeants de plus de 60 ans, la région entre dans une décennie charnière. Le renouvellement des dirigeants n’est plus seulement une statistique : c’est une lame de fond qui touche les ateliers artisanaux, les exploitations familiales, les PME industrielles et les commerces de centre-ville. Autant d’activités qui, si elles ne trouvent pas repreneur, peuvent disparaître du paysage local. Derrière la fermeture d’une petite entreprise, il y a souvent bien plus qu’une enseigne qui s’éteint : des familles, des savoir-faire, des emplois, parfois même des services qui structuraient la vie du quartier ou du village.
Face à cette réalité, la Nouvelle-Aquitaine a choisi d’agir, non dans l’urgence, mais dans une logique de projection. Elle s’est affirmée comme l’une des régions les plus volontaristes de France en matière de transmission-reprise d’entreprise, faisant de cet enjeu un pilier à part entière de sa politique économique.
Un défi humain avant d’être statistique
Les chiffres sont connus. Ils sont impressionnants. Ils donnent la mesure d’un défi collectif. Mais derrière eux, il y a des histoires humaines : des dirigeants qui ont bâti leur activité pendant trente ans, des salariés qui aimeraient reprendre mais n’osent pas, des territoires ruraux où la disparition d’une unique boulangerie est un véritable choc.
Selon les données régionales, des milliers de petites entreprises devront changer de mains dans les dix ans. Le phénomène touche en priorité l’artisanat, l’agriculture et l’industrie, trois piliers de l’économie néo-aquitaine. Autant de domaines où la transmission est un parcours souvent long, délicat et personnel. Il faut préparer, évaluer, se projeter, parfois même accepter de tourner la page. Rien d’évident.
D’un point de vue territorial, les conséquences sont majeures. Une entreprise qui ferme, ce n’est pas seulement une perte économique : c’est souvent un lien social qui s’effrite, un service qui disparaît, un ancrage local qui s’efface. Préserver les activités existantes, c’est préserver une forme d’équilibre dans les villes, les bourgs et les villages.
Une région qui choisit d’accompagner, de rassurer, d’ouvrir des portes
Pour répondre à cet enjeu, la Région a conçu une feuille de route Transmission-Reprise ambitieuse, pensée pour que personne ne traverse cette étape seul. Elle a été élaborée avec les chambres consulaires, les réseaux coopératifs, les experts, les intercommunalités et l’ensemble des acteurs concernés.
Cette démarche vise un objectif simple : créer un écosystème fluide, cohérent, capable d’anticiper plutôt que de subir. Mieux détecter les entreprises en phase de réflexion, encourager la reprise par les salariés, rendre visible tous les outils existants, harmoniser les pratiques : la logique est globale et résolument tournée vers l’avenir.
Chaque dispositif a été pensé pour accompagner tout le parcours : depuis le premier doute du dirigeant jusqu’à la concrétisation de la reprise. Et dans cette période de transition, la Région joue un rôle de chef d’orchestre qui relie, coordonne, alimente et accélère.

Objectif Transmission : un parcours qui rassure et structure
Le dispositif Objectif Transmission est sans doute l’un des plus emblématiques. Il accompagne les dirigeants sur plusieurs mois, avec un diagnostic précis, un audit détaillé, une préparation aux enjeux juridiques et financiers, puis un suivi allant jusqu’à un an. La plateforme TransEntreprise permet ensuite d’ouvrir les portes à des repreneurs motivés.
Ce type d’accompagnement est essentiel : transmettre, ce n’est pas seulement céder. C’est organiser une succession, sécuriser des emplois, maintenir une activité parfois ancrée dans un territoire depuis des décennies. Beaucoup de dirigeants n’osent pas faire le premier pas : ils ont peur que leur entreprise soit dévalorisée, ou de donner « un signal » trop tôt. L’accompagnement vient lever ces craintes en apportant méthode, confidentialité et confiance.
Des outils financiers pour donner de l’élan
Reprendre une entreprise, c’est souvent devoir moderniser des machines, investir dans de nouveaux outils, mettre aux normes ou diversifier l’activité. La Région propose ainsi toute une gamme d’aides, dont l’aide à l’investissement Reprise d’entreprise, destinée aux TPE récemment reprises. Elle soutient la modernisation, l’innovation, l’adaptation aux nouveaux marchés.
À cela s’ajoutent les dispositifs de droit commun pour les PME, l’agriculture ou le tourisme, ainsi que des outils financiers comme NACO ou NACT. Leur rôle : renforcer les fonds propres, stabiliser les projets, permettre aux repreneurs de démarrer dans de bonnes conditions.
La Région encourage également un modèle encore discret mais prometteur : la reprise sous statut coopératif. Elle peut concerner des entreprises où les salariés souhaitent porter ensemble la continuité de l’activité. Ce modèle offre un ancrage local fort et une stabilité souvent supérieure, et trouve un écho particulier dans des secteurs où l’histoire de l’entreprise se confond avec celle des équipes.
Un mois pour comprendre, rencontrer, franchir le pas
C’est devenu un rendez-vous attendu chaque automne. Le Mois de la Transmission-Reprise, organisé de la fin octobre au début décembre, irrigue tous les départements avec près de 80 événements. Conférences, ateliers juridiques, speed meetings, témoignages d’entrepreneurs, rendez-vous individuels : l’ensemble du territoire respire au rythme de la transmission.
L’ambiance est particulière, presque électrique. Dans les salles de réunion, on croise des dirigeants sur le départ, des salariés curieux, des jeunes diplômés prêts à se lancer, des repreneurs déjà aguerris. On y parle chiffres, bien sûr, mais aussi émotions, doutes, histoires de vie. La transmission est un acte profondément humain, et ce mois thématique permet justement de libérer la parole et de déclencher des rencontres décisives.
Le thème phare de 2025, la reprise par les salariés, ajoute une dimension collective à cette dynamique. Dans une région où plus de 385 000 salariés travaillent dans des entreprises susceptibles d’être transmises, l’idée d’un passage de relais interne ouvre de nouvelles perspectives. Mais elle nécessite d’être expliquée, démystifiée, accompagnée — ce à quoi les événements du mois s’attachent précisément.
Préserver l’essentiel : l’équilibre économique et social des territoires
Au fond, ce que la Nouvelle-Aquitaine protège à travers son action, c’est sa capacité à rester une région vivante, équilibrée, où l’économie repose sur la continuité des savoir-faire. La transmission-reprise, souvent perçue comme un acte « administratif », prend ici une dimension beaucoup plus large : elle touche à l’identité des territoires, à la cohésion locale, à l’avenir même de nombreux métiers.
En favorisant l’anticipation, en déployant des outils accessibles, en mettant en lumière toutes les options possibles, la Région redonne de la visibilité à un enjeu longtemps resté dans l’ombre. Elle offre un cadre clair, respirable, où chacun peut envisager la suite avec davantage de sérénité.
Et c’est peut-être cela, le véritable marqueur d’un territoire pionnier : sa capacité à accompagner les transitions, à transmettre ce qu’il a construit, et à créer un terrain fertile pour ceux qui écriront le prochain chapitre.
Sources de l’article
Mois de la Transmission-Reprise 2025 – Région Nouvelle-Aquitaine



