Il arrive parfois qu’une simple séquence vidéo bouscule nos certitudes.
Sur un tronc élancé, à plusieurs mètres du sol, une martre des pins explore un nid abandonné de frelons asiatiques, inspecte les alvéoles et dévore les larves laissées après la saison.
Captée par l’association Cerf Pirate et relayée par ALLO FRELONS, cette scène simple révèle un comportement encore jamais documenté en Europe : la martre qui dévore opportunément un nid de Vespa velutina (frelon asiatique dans son nom vulgarisé) !
Lire aussi :
- Arrivé par erreur en Nouvelle-Aquitaine en 2004 dans une poterie chinoise, cet animal est devenu le pire ennemi des abeilles françaises
- Surveillez la cime des arbres quand vous sortez après une tempête en automne, un nid de frelons pourrait bien vous tomber dessus
La martre des pins, une silhouette discrète autrefois considérée comme nuisible serait notre planche de salut contre le frelon asiatique
La martre des pins, Martes martes, est un mustélidé élégant et élancé.
Son corps de 40 à 48 cm, léger (1 à 1,8 kg) lui permet de se glisser partout.
Son cou orangé, sa fourrure soyeuse et ses oreilles triangulaires la distinguent de la fouine.
Quelques repères essentiels :
- Longévité : 10 à 12 ans en liberté
- Portées : 2 à 7 petits
- Activité : essentiellement nocturne
- Habitat : forêts, massifs montagneux, haies arborées, jusqu’à 2000 m d’altitude
Elle grimpe mieux que la plupart des mammifères européens.
Sa façon de redescendre, presque en glissade contrôlée contre le tronc, montre une agilité rare.
Cette maîtrise du vertical explique pourquoi elle peut atteindre sans difficulté les nids perchés de frelons, là où bien des animaux ne peuvent se rendre.
Une alimentation souple, capable d’intégrer de nouvelles opportunités
Rongeurs, lapins, taupes, oiseaux, œufs, insectes, fruits, charognes en hiver : la martre ne suit pas un menu fixe. Elle s’adapte aux saisons, aux ressources disponibles.
Ce régime opportuniste explique pourquoi elle peut découvrir un nid de frelons affaibli en fin de saison et le consommer. Elle ne chasse pas les adultes, ne s’attaque pas aux nids en activité. Elle intervient donc pour le moment uniquement lorsque la colonie est déjà morte ou désertée.
Un comportement similaire est étudié en Asie chez la martre à ventre jaune (Martes flavigula), prédatrice opportuniste de Vespa velutina. La vidéo française apparaît comme un écho européen de ces observations.
Un comportement opportuniste face à Vespa velutina
La scène de 2025 est claire :
une martre explore un nid déserté, en pleine fin d’automne, et consomme les larves exposées.
Ce comportement coche tous les critères observés :
- nid secondaire,
- absence totale de frelons adultes,
- structure affaiblie par la saison,
- accès facilité par l’arbre hôte.
Elle ne pourchasse pas l’insecte. Elle ne cherche pas à détruire les colonies mais elle annonce une adaptation :
comme les mésanges, les pics, les sittelles, les écureuils, la martre apprend que ces nids, en fin de cycle, contiennent une ressource énergétique facile à exploiter. Une pièce de plus dans le puzzle de la réponse écologique.
Un animal longtemps classé “nuisible”, désormais réhabilité
Jusqu’en mai 2025, la martre pouvait être détruite toute l’année dans 26 départements, au titre des ESOD (Espèce susceptible d’occasionner des dégâts).
Le Conseil d’État a annulé ce classement, jugeant qu’aucun argument ne le justifiait.
Accusée à tort de s’attaquer aux poulaillers, elle est en réalité très rarement impliquée dans des prédations domestiques, qui surviennent presque exclusivement dans des poulaillers ouverts ou non sécurisés.
Elle reste une espèce chassable en période de chasse, mais ne peut plus être détruite de manière illimitée.
Cette décision s’inscrit dans une dynamique plus large :
renard, fouine, geai, corneille, pie bavarde, étourneau… plusieurs espèces ont été retirées de la liste des nuisibles dans de nombreux départements.
Une reconnaissance de leur rôle écologique réel.
Un maillon de la biodiversité, pas un tueur de frelons
Il faut être clair :
la martre ne régulera jamais le frelon asiatique. Elle ne consomme que les nids déjà morts.
Son impact sur la dynamique globale de Vespa velutina restera marginal.
Mais son comportement récent ajoute une brique importante :
« Le vivant s’adapte »
Les écosystèmes cherchent un nouvel équilibre, lentement mais sûrement.
Et la martre, avec sa discrétion habituelle, y participe.
Une présence ancienne en Nouvelle-Aquitaine
En Nouvelle-Aquitaine, la martre fait partie du paysage depuis longtemps, même si on la voit rarement.
C’est un animal discret, et la région offre exactement ce qu’elle recherche :
- de grands massifs forestiers (Landes, Périgord, Limousin),
- un réseau dense de haies et de bocages,
- des corridors boisés continus jusque dans les zones de coteaux et de vallées.
Les observations sont fréquentes dans :
- les vallées périgourdines,
- les forêts de Chamadelle et Double,
- les confins de la Haute-Vienne,
- les Pyrénées béarnaises et basques,
- les zones boisées du nord des Landes.
La région est un refuge idéal pour cette espèce qui évite les habitations et privilégie les milieux arborés continus. Bien qu'aucune estimation précise ne soit disponible, la Nouvelle-Aquitaine compte probablement l’une des densités les plus stables de martres en France, notamment dans ses secteurs forestiers matures.
C’est aussi l’une des régions où la cohabitation est la plus simple :
peu de prédation sur les volailles, très peu de conflits, et un rôle réel dans la régulation des petits rongeurs qui peuvent endommager les cultures.
Sources :
- https://www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/fiches-especes/fiches-especes/mammiferes-terrestres/martre-des-pins
- https://geoportail.biodiversite-nouvelle-aquitaine.fr/visualiseur/
- https://allo-frelons.fr/martre-predateur-frelon-asiatique