On savait que la Terre était pleine de ressources. On ne s’attendait juste pas à ce qu’elle envoie elle-même des pépites du noyau à la surface, comme si elle ouvrait son coffre-fort, par inadvertance ou lassitude.
Cette fois, ce n’est pas une fable. Ce sont des géochimistes allemands qui viennent de mettre le doigt, ou plutôt la sonde isotopique sur quelque chose de vertigineux : des traces d’or et de métaux précieux qui viendraient directement du noyau terrestre. Rien que ça.
Tout est parti d’un volcan à Hawaï, on vous raconte tout !
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La plus grande réserve d’or du monde est... sous nos pieds
Oubliez Fort Knox. Oubliez les banques centrales. Le plus gros stock d’or de la planète est enfoui sous 3 000 kilomètres de roche brûlante, au cœur métallique de notre planète.
Quand la Terre s’est formée, il y a 4,5 milliards d’années, tous les métaux lourds : or, platine, ruthénium, tungstène, ont coulé comme des gouttes d’huile dans une vinaigrette chaude : direction le centre, plus dense, plus lourd, plus profond. Résultat, aujourd’hui, plus de 99,999 % des métaux précieux sont inaccessibles, bloqués dans ce noyau infernal à plus de 5 000 °C.
Et pourtant, on vient d’en retrouver des traces à la surface. Comme si un tuyau invisible reliait le centre de la Terre à un cratère de lave.
Un métal rare comme indicateur secret : le ruthénium
Tout commence avec un isotope : le 100Ru ou ruthénium, un métal du groupe du platine et un des plus chers du monde (191 139,78 €/kg au moment où nous écrivons ces lignes), utilisés pour des applications très pointues.
Pourquoi lui ? Parce qu’il est plus abondant dans le noyau que dans le manteau. C’est un peu comme un marqueur radioactif, sauf qu’il est naturel. Et quand les chercheurs de Göttingen ont analysé des coulées de lave hawaïennes, ils ont vu une anomalie : trop de 100Ru pour que ça vienne seulement du manteau. Il y avait là un message caché.
Un message venu de tout en bas.
Une cheminée qui traverse la planète
Imaginez une sorte de colonne géante de roche chaude qui remonte depuis la base du manteau terrestre, un peu comme la fumée d’une cheminée qui mettrait un million d’années à atteindre le salon.
Ce panache mantellique, c’est lui qui alimente les volcans d’Hawaï. Et c’est lui qui charrie avec lui, lentement, presque tendrement, des miettes du noyau, remontées depuis l’interface infernale entre la roche solide et le métal liquide.
Et ces miettes, ce sont des atomes d’or, de ruthénium, de tungstène. Des confettis d’un autre monde, que l’on croyait à jamais enfouis.
Un monde qui respire sous nos pieds
Ce que cette étude montre, c’est que la Terre n’est pas une pelote géologique bien rangée. Ce n’est pas un gâteau en couches parfaitement séparées. Il y a des fuites, des bulles, des ascenseurs géochimiques. Il y a des remontées lentes, tordues, chaudes, qui nous déposent, en surface, des souvenirs de ce qu’il y a tout au fond.
Et c’est un changement de paradigme : le noyau, ce n’est plus un réservoir clos, c’est un acteur de la géodynamique. Il participe. Il échange. Il parle, à sa manière.
Ces traces microscopiques de ruthénium, c’est comme si le noyau nous envoyait une carte postale. “Je vais bien. Voici un peu d’or. À bientôt.”
En regardant vers la pente du Kilauea, un volcan bouclier situé sur l’île d’Hawaï. Au premier plan, l’évent du Puu Oo a émis de la lave fluide vers la gauche. Le cratère Halemaumau se trouve au sommet du Kilauea, visible ici sous forme d’une colonne de vapeur qui s’élève à l’arrière-plan. Le sommet situé derrière cette colonne de vapeur est le Mauna Loa, un volcan distinct du Kilauea.
Vers une cartographie des métaux du noyau ?
Il est évidemment hors de question d’imaginer aller creuser là-bas. 3 000 kilomètres de roche, c’est un mur infranchissable.
Mais ce que cette découverte permet, c’est d’envisager l’étude des “sources secondaires”. Les volcans comme Hawaï, les îles comme la Réunion, pourraient devenir des laboratoires naturels, des balises où l’on observe ce que le noyau laisse échapper, comme une casserole sous pression qui relâche un peu de vapeur.
On n’est donc pas près de puiser de l’or directement au centre de la Terre.
En revanche, cette découverte vient d’ouvrir une porte vers la compréhension profonde de notre planète vivante, de ses mouvements internes et de sa respiration souterraine.
En théorie, quelle serait la valeur de cet or dans le noyau terrestre ?
En partant du principe que cette « porte » donnerait accès aux 99,999% des réserves d’or qui dorment dans le noyau terrestre, on obtiendrait potentiellement 2,77 millions de milliards d’euros (au cours actuel de 92 470 € le kilo). Attention toutefois, nous rappelons à nos lecteurs que :
1) Cet or est inaccessible dans l'état actuel de nos connaissances et que l'intérêt de la découverte est ailleurs (comme nous venons de le voir)
2) Même s'il était possible d'y accéder, le cours de l'or s'effondrerait en conséquence.
Notre petit exercice mental n'est qu'une façon de vous montrer à quel point l'humain n'a juste ici que "gratté la surface" et que de nombreuses ressources dorment encore sous terre.
Source d'or |
Estimation en tonnes |
Valeur en euros (@92 470 €/kg) |
Accessibilité |
Or extrait (total historique) |
≈ 216 000 tonnes |
≈ 19 978 000 000 000 € (19 978 milliards €) |
Déjà circulant |
Or connu exploitable (surface) |
≈ 70 000 tonnes |
≈ 6 473 000 000 000 € (6 473 milliards €) |
Exploitable (limité) |
Or croûte terrestre (traces) |
≈ 1 000 000 tonnes |
≈ 92 470 000 000 000 € (92 470 milliards €) |
Inexploitable |
Or noyau terrestre (estimation) |
30 milliards de tonnes |
≈ 2,77 millions de milliards d’euros |
Inaccessible |
Source :
Nils Messling, Matthias Willbold, Leander Kallas, Tim Elliott, J. Godfrey Fitton, Thomas Müller, Dennis Geist. Ru and W isotope systematics in ocean island basalts reveals core leakage. Nature, 2025; DOI: 10.1038/s41586-025-09003-0
Image de mise en avant : Vue de l'intérieur du tunnel de lave Thurston sur les pentes du Kīlauea.