Vit-Innov est la 39ième cellule de de transfert de technologie de l'ADERA Bordeaux. Pour répondre à la demande des entreprises (questions techniques, audits, analyses, études, mise en place d’une innovation, d’un projet…) en leur proposant des prestations technologiques adaptées, la Région Aquitaine, l’Université de Bordeaux et l’Université de Pau et des Pays de l’Adour ont créé en 1990 des « cellules de transfert de technologie », animées par l’ADERA qui effectue notamment pour elles des missions d’accompagnement de la gestion et des ressources humaines. Fonctionnant en binôme, ces cellules de transfert bénéficient de l’encadrement hautement qualifié et du matériel scientifique de leur laboratoire d’adossement. Au terme de son mandant de 3 ans – non renouvelable - Bernard Bégaud, Président de l’ADERA depuis 2008, a présenté le 30 juin la dernière née des cellules : VIT INNOV, une cellule de transfert le l’ISVV (Institut Scientifique de la Vigne etdu Vin).
Le 1er juillet 2011, la 39ème entité a donc vu le jour. Alors que 3 binômes fonctionnaient déjà autour de problématiques œnologiques, cette nouvelle cellule de l’ISVV, Vit-Innov est dédiée à la vigne, avec pour enjeu stratégique de recherche : accompagner la vigne et ses territoires face aux nouveaux défis environnementaux et climatiques. Sous la direction de Jean-Philippe Roby, Vit-Innov couvre l’ensemble des activités liées à la viticulture : matériel végétal, plante, porte-greffes, sol, climat, écophysiologie, gestion intégrée des ravageurs, conduite du vignoble.
Jean-Philippe Roby, Enseignant-Chercheur à l’ENITAB (Ecole Nationale d’Ingénieurs des Travaux Agricoles de Bordeaux) et Directeur adjoint en charge des transferts de technologie à l’ISVV, nous présente VIT-INNOV
Dans le secteur viti-vinicole, AMARANTE PROCESS, MICROFLORA et POLYPHENOLS BIOTECH sont 3 des cellules de transfert de technologie gérées par l'ADERA. Quel est le territoire spécifique de Vit-Innov et quelle est la genèse de sa création ?
Les trois cellules mentionnées sont des cellules de transfert oenologique consacrées au vin : Microflora est dédié à la microbiologie, Amarante Process concerne le traitement des effluents oenologiques, et Polyphénols Biotech travaille sur l’extraction des molécules pour des utilisations par des industries cosmétique et pharmaceutique en particulier. Mais à ce jour, il n’existait pas de cellule de transfert consacrée à la viticulture et à la vigne. Vit Innov permet donc à l’ISVV de proposer une pallette d’activités plus complète.
Avant la création de Vit-Innov il existait déjà des activités menées par des groupes informels, par des consortia de propriétés (essentiellement des Grands Crus Classés mais aussi des propriétés non classées) ou de fournisseurs de la filière qui s’adressaient de manière sporadique à l’ENITA pour résoudre un certain nombre de questions ou problèmes touchant à la biodiversité, l’écophysiologie, le matériel végétal, des maladies à virus nématodes, etc… En tant que directeur du transfert de l’ISVV, j’ai souhaité, en accord avec le directeur de l’ENITAB – école d’ingénieurs à laquelle j’appartiens – structurer cette demande en créant une cellule de transfert. Vit-Innov qui est une cellule de l’ISVV officiellement créée le 1er Juillet, débute son activité avec 4 personnes (qui sont gérées administrativement par l’ADERA) mais devrait grossir très rapidement (5ème emploi prévu dès 2012).
Avez-vous eu besoin d’effectuer une étude de marché préalable ?
L’étude de marché a été vite faite puisque nous refusions déjà un grand nombre de demandes. Il nous a fallu en priorité structurer l’offre, puis ouvrir un champ plus large de compétences. Vit-Innov n’est pas adossée à un seul laboratoire, mais à l’ENITAB (qui est l’une des composantes de l’ISVV) et à un pôle de compétences regroupant plusieurs UMR (unités mixtes de recherche).
Un temps, j’ai envisagé de créer plusieurs cellules, mais au cours de réunions d’échanges avec l’ADERA et avec le Conseil Régional, nous avons décidé d’en créer une seule, couvrant l’ensemble des activités liées à la viticulture : matériel végétal, plante, porte-greffes, sol, climat, écophysiologie, gestion intégrée des ravageurs, conduite du vignoble.
[…avec la création de Vit-Innov, il s’agit donc bien d’un enjeu stratégique, capital pour nous, de maintenir le vin et la vigne, de les développer, de les accompagner face aux nouveaux défis environnementaux et climatiques.] par Thibaut Richebois Directeur Recherche - Enseignement Supérieur - Transfert de Technologie Conseil Régional d’Aquitaine
La Région Aquitaine mise fortement sur la capacité à innover des entreprises et sur les liens entre chercheurs et industriels. Avec les cellules de transfert de technologie nous sommes au coeur même de votre dispositif de valorisation de l’innovation….
A partir d’initiatives individuelles et partielles, préalablement nées dans plusieurs laboratoires autour d’une formalisation des relations entre le monde de l’entreprise et la valorisation des transferts, nous avons effectué un virage politique centré sur les enjeux de l’économie par l’innovation, et cherché comment structurer cette dynamique.
Dès 2000/2001, nous sommes entrés dans une phase de structuration et de professionnalisation. La dimension structurelle n’était pas très aboutie sur la relation public/privé et il nous fallait trouver un cadre qui permette à la fois un réel adossement sur la recherche académique et une vraie capacité d’autonomie d’action, sans être dans l’environnement interne à l’Université, et cela afin de pouvoir exercer pleinement cette activité.
C’est alors qu’est née cette dynamique des cellules, avec une réflexion sur les laboratoires et les technologies qui avaient un vrai potentiel de valorisation et d’’interface avec l’industrie, et avec une mobilisation de la communauté. Les directeurs de laboratoires et les chercheurs en avance sur ces thèmes là ont joué le rôle d’initiateurs, s’engageant personnellement dans ce concept de cellule, avec souvent un binôme composé d’un chercheur – voire le directeur du laboratoire – et une équipe volontaire pour créer cette interface professionnelle. Cela rentrait complètement dans la stratégie de la Région, qui - à travers son appel à projets - accompagnait les laboratoires vers la prise en compte de problématiques socioéconomiques, qui incitaient les entreprises à s’appuyer sur les laboratoires et les centres techniques.
Ce fut notre motivation pour engager cet accompagnement avec un système de labellisation – ou de reconnaissance par la Région – qui en était le seul financeur avec les fonds européens, selon un principe de dégressivité que nous avons formalisé, validé sur 3 ans. Il fallait laisser à ces petites unités le temps de se faire connaître et de se structurer. L’ADERA a permis de créer un cadre professionnel sécurisé renforçant cette « capacité de patience », le temps que l’activité se dévoile. Le fait de disposer d’un lieu central unique avec une gestion à la fois souple et professionnelle a permis une mutualisation du risque avec les cellules qui fonctionnaient particulièrement bien. Elles pouvaient compenser en terme d’activités certaines difficultés soit conjoncturelles, soit structurelles des autres, avec un cadre de 3 années pour démontrer que la cellule était viable. Il n’était pas question, au-delà de ces 3 années d’avoir recours par un autre biais à un détournement des subventions de la recherche. Les objectifs étaient précis, avec un « petit » business plan aux problématiques réduites puisque nous n’étions pas sur des fonds propres, mais cependant inscrites dans une approche économique, avec des discussions qui ont amené une réflexion dans les laboratoires sur « quel modèle de valorisation ?... à travers quel modèle de cellule ? ». La Région regarde la cohérence du modèle par rapport à la réalité du potentiel de valorisation, à la réalité du secteur industriel, et n’a pas imposé de modèle trop normalisé qui aurait pu être contradictoire avec l’initiative et l’innovation qui étaient attendues à travers ces modèles de collaboration. C’est unique en région Aquitaine, en tout cas de la manière dont nous l’avons construit, et même si ces cellules ne sont pas toujours assez visibles, elles sont un élément remarquable du paysage.
Pour l’avenir, nous envisageons des logiques de consolidation, de rapprochement, de fusion de certaines cellules, pour arriver à avoir des ensembles plus structurés, qui aient une capacité d’offre et de prise en compte des problématiques industrielles plus complète et plus importante. Mais pour l’heure, notre volonté est de laisser encore émerger des cellules, même si nous pensons qu’en parallèle nous pouvons progresser sur la structuration, la visibilité et la mutualisation.
La 24ème cellule voit le jour en juillet. C’est la première qui soit consacrée à la vigne, contre 3 déjà existantes consacrées au vin. N’y avait-t-il pas là véritablement un manque ?
L’ISVV a été un élément structurant qui sera mesurable dans le temps en matière de visibilité apportée, et de dynamique. Si le projet de création de VIT-INNOV a connu une gestation un peu longue, il existait déjà à l’interface des actions d’accompagnement des professionnels en direct par les équipes des laboratoires de l’ISVV. Pour garder une certaine marge de progression, il y a derrière une réflexion à porter pour aller plus loin dans l’interface avec le monde socioéconomique à l’échelle de l’ISVV.
Si la création de cette cellule arrive à point nommé ce n’est pas un hasard. Pour procéder à la création de VIT-INNOV, l’ISVV a pris en compte l’enjeu climatique et environnemental lié au réchauffement, avec un certain nombre de conséquences sur les maladies et les méthodes de culture. Il y a là une vraie préoccupation, une réelle nécessité de se projeter sur l’accompagnement du terroir en termes de vigne puisque c’est elle qui est directement impactée. Il s’agit bien en parallèle de préserver ce qui fait la typicité et l’identité oenologique des vins de Bordeaux et d’Aquitaine. Toute la phase amont constitue un deuxième volet de plus en plus important : quels cépages, quels traitements vont être les mieux adaptés pour réagir au changement climatique et réduire l’empreinte environnementale et celle des intrants notamment par la réduction de l’utilisation des pesticides et fongicides ? Mais il nous faut également tenir compte de la vie d’une activité qui a une vraie dimension d’aménagement sur des territoires où elle joue un rôle économique et social majeur, dont on sait qu’il ne sera pas possible de la remplacer par de l’industrie si elle devait disparaître. Il s’agit donc bien d’un enjeu stratégique capital pour nous de maintenir le vin et la vigne, de les développer, de les accompagner face aux nouveaux défis environnementaux et climatique.
Cette cellule de transfert nécessaire pour compléter l’offre de transfert de l’ISVV doit s’articuler avec les recherches de l’ISVV, notamment celles portées par l’INRA avec les cellules existantes, avec l’ITV pour la partie expérimentation et l’ENITAB. Nous voulons vraiment construire une chaine de la recherche dont le pilote est à l’ISVV avec des connexions à l’international avec l’Australie, l’Allemagne… jusqu’à l’accompagnement de l’évolution à tous les niveaux des formations, pour faciliter les mutations de l’évolution de la filière et que se renforce l’interface entre la recherche et le monde économique, grâce à ces cellules et grâce au renforcement des maillons, du plus amont au plus aval.