Sophie Poirier - "La libraire a aimé"

la_libraire_a_aime_01.jpg Ce court roman "LA LIBRAIRE A AIMÉ" révèle tout le talent littéraire de Sophie Poirier. Auteur à l’imaginaire et à la sensibilité très développés, elle nous convie à la suivre dans une aventure hors du commun, passionnante,  originale et surtout humaine. A découvrir !

Deux libraires, Paul et Corinne prennent un whisky tous les jours à 19h30 à la terrasse du même café. Ils parlent de livres, puis chacun repart de son côté. Un soir Paul ne vient pas, il ne viendra plus jamais. Corinne réalise alors ne rien savoir de lui, que les conversations littéraires ne sont pas la vie. La disparition de Paul, sans explication, la sophie_poirier.jpglaissera dans le vide des mois entiers. Jusqu’à l’apparition de Paul parmi les « visages de morts » photographiés pour une exposition…
Elle considère alors que ne pas savoir la vérité serait comme rater sa vie.
« On n’en sait rien. On est là assis en terrasse, au café d’à-côté, comme chaque soir. Et puis il y a des gens qui vous observent et imaginent toute votre vie. »

Parmi les pistes à suivre : le photographe et ses cadavres, Paul Auster et sa femme, un oncle faussement russe et son fidèle nain, une vieille Anglaise collectionneuse d’objets cassés, une ville du Sud, New York, la Provence, la mer…

Sophie Poirier, est née en 1970 à Bordeaux, où elle vit et travaille comme formatrice et rédactrice. La libraire a aimé est son premier roman.
Tout comme son personnage, l’auteur a surtout voyagé dans les livres. Le hasard lui fera pourtant croiser Paul Auster dans une rue de Brooklyn. De ce moment trilogie new-yorkaise, elle s’amuse à sa façon, comme un clin d’oeil respectueux à ceux qui lisent et qui écrivent.
L’auteur sur le net http://lexperiencedudesordre.hautetfort.com

Extrait
  
JE NE SAIS PAS QUAND ILS ONT COMMENCÉ.
 
Je les vois tous les jours depuis plus d’un an assis dans le même café, à la même heure. Ils ne commandent pas, la serveuse vient et pose les deux verres sur des petites serviettes blanches en papier, une assiette avec des olives, ensuite elle porte la bouteille de whisky jusqu’à la table pour les servir. Ils boivent deux whiskys chacun, tous les soirs à 19 h 30. Pour l’instant, je ne la_libraire_a_aime.jpgsais pas comment les nommer. Il y a cet homme aux airs discrets, presque timide, et cette femme un peu garçonne et charmante. Depuis que l’été est arrivé, j’ai remarqué qu’ils portaient tous les deux des espadrilles. Hier soir, elles étaient à rayures. Lui beiges et blanches. Elle bleu marine et blanches. Avant-hier, c’était des couleurs unies.

C’est le rituel qui m’a d’abord attirée. Que je sois assise dans ce café ou que je passe devant pour rentrer chez moi tous les soirs, depuis un an ils sont là, à la même heure. Avec leur whisky servi, et l’été leurs espadrilles. Je ne sais pas s’il s’agit d’un couple. Rien dans leurs gestes, leur attitude ne le laisse penser.

Ils discutent tout de suite. Ils ne s’embrassent pas, ni sur la bouche, ni même sur les joues pour se saluer, ils s’assoient directement. C’est souvent lui qui arrive le premier. Elle prend place en suivant à ses côtés et la serveuse vient. Ils lui disent merci au milieu de leur conversation déjà commencée. Ils parlent. Parfois, j’ai vu des silences très simples s’installer entre eux, des silences qui ne les inquiètent pas. Ils regardent ailleurs quelques secondes, perdus dans leurs pensées, et reprennent en suivant une autre conversation.

Ils se séparent au bout d’une heure. Ils quittent l’endroit ensemble. Marchent un peu plus loin. Peut-être qu’après chacun va de son côté, je ne sais pas, il faudrait les suivre. Je n’ose pas. Comme une interdiction. Je pourrais bien sûr m’approcher d’eux plus près, les épier. Alors j’en apprendrais sûrement davantage. C’est peut-être très simple et il y a sans doute une explication banale qui pourrait me contenter mais je reste à cette distance mystérieuse.
 
Forcément, je fais maintenant partie de leur rituel. Ils croyaient être inaperçus, mais moi j’ai vu et désormais, je participe. Ils parlent de livres. Ils se racontent ce qu’ils ont lu. Un couple n’aurait pas besoin de s’échanger ainsi des titres de livres, chacun verrait sur la table de nuit ce que l’autre est en train de lire…]


Olivier Pasquet / ANA ÉDITIONS - BP 36 - 33019 Bordeaux cedex
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