.... de la Franc-maçonnerie en France. Gravées dans la pierre, dorées ou ciselées sur les balcons, les empreintes laissées par les maçons qui édifièrent la ville sont considérables. Pour les identifier, il suffit de lever les yeux, parfois un décryptage s'impose car si certains signes sont récurrents et ne laissent pas place au doute, d'autres à la symbolique parfois discutable, se révèlent insaisissables pour les profanes.
Pour les quatre millions de frères dispersés dans le monde, Bordeaux représente le berceau de la franc ‐ maçonnerie. Ici, autour de Montesquieu, s’est forgée la « Religion des religions » au début du XVIIIe siècle. Puis, des personnages fameux ont marqué la Gironde de leur empreinte : Martinez de Pasqually, Saint ‐ Martin (le Philosophe inconnu), Cagliostro, La Fayette, Victor Louis, les Girondins, le duc Decazes, Émile et Isaac Pereire, Gustave Eiffel...
Chacun d’entre eux a, en effet, choisi les lieux symboliques qu’offrait la Gironde pour apporter sa pierre au Temple, dans la gloire et dans la richesse, malgré les difficultés et les contraintes, parfois même jusqu’au sacrifice de sa vie. En racontant trois siècles de franc ‐ maçonnerie en Gironde, Florence Mothe dévoile une passionnante saga aux multiples personnages.
Quelle influence les francs ‐ maçons ont ‐ ils exercé sur la ville ? Qui furent les plus fameux initiés ? Quelle part la franc ‐ maçonnerie prit ‐ elle à l’expansion du commerce, à l’urbanisme, à l’architecture, à la politique, au rayonnement international de Bordeaux ? Cette étonnante chronique ouvre des perspectives insoupçonnées sur de nombreux faits historiques et livre ces secrets dont la politique est jalouse, du XVIIIe siècle à nos jours, car Adrien Marquet, Maurice Papon, Léo Lagrange, Jacques Chaban ‐ Delmas, Robert Boulin et Alain Juppé ne sont pas absents de ce Bordeaux inconnu de la gironde.
L'auteur
Descendante directe du baron de Gascq, président du parlement de Guyenne au milieu du 18e siècle, Florence Mothe possède le château de Mongenan (monument historique) à Portets, Ce château du 18 ème siècle comprend l’unique Temple maçonnique français du XVIIIème siècle accessible au profane ainsi que son cabinet de réflexion. Florence Mothe a créé un musée avec, entre autres, une partie très importante sur la maçonnerie : cordons, tabliers, bijoux, rituel, documents. C’est l’une des collections maçonniques privées, connues d’époque XVIIIème, les plus importantes en France. Elle organise aussi de nombreuses conférences.
Extrait n°1
Les villes sont d’abord une mémoire, tant les images qu’elles livrent sont le fruit de successives métamorphoses. On aurait tort d’en être surpris car c’est ainsi que leurs visages de pierres s’animent sous le feu des atomes d’une indestructible durée. Ainsi Bordeaux n’est pas Toulouse, ni Marseille, ni Lyon, encore moins Anvers mâtinée de Versailles.
Bordeaux est une mosaïque, faite d’innombrables histoires, d’une certaine prédestination à faire jaillir les êtres et aussitôt les faire fuir. Bordeaux l’enracinée est aussi une diaspora. Alors seulement, sans doute, elle peut rencontrer son destin de port du large et accomplir ces départs inassouvis qui jalonnent sa destinée.
Ici et ailleurs, jadis et maintenant… Voila les quelques marques laissées par vingt siècles d’éro- sion minutieuse qui ont forgé nos modes Basilique Saint-Seurin (détail) de pensée. Car Bordeaux s’est toujours complu dans d’austères délices, dans des mortifications philosophiques qui marquent encore ses rues, ses toits, ses espaces…
Comme Vézelay, Solutré, Montignac-sur-Vézère ou Saint-Jacques- de-Compostelle, Bordeaux est un lieu où le sacré, que nous nommerons sym- bolique, est passé, faisant éclore légendes, croyances, monuments, œuvres et théories. Au commencement était la Garonne qu’on appelait port de la Lune et une ville qui avait un sang : le vin.
Et des traditions qui remontent au long des âges, des vestiges gaulois du Médoc aux figures vigoureuses des premières années du XIIe siècle, quand les sculpteurs représentaient des oiseaux pico- rant des raisins comme symboles du sacrifice. Dans les églises de Bordeaux, Saint-Seurin, Saint-André, les Vierges interpellent.
Pour une fois, ces sanc- tuaires ne sont pas dédiés à Notre-Dame, preuve que les Vierges représentées en ces murs ne sont pas d’abord la mère du Christ mais tout à la fois Gaïa, Rhéa, Cybèle, Déméter, Isis, bref la natura naturans des Anciens.
Extrait n°2
La basilique Saint-Seurin De toutes les églises de Bordeaux, la basilique Saint-Seurin est celle qui véhicule le plus de légendes fameuses. Elle célèbre le culte du quatrième évêque de Bordeaux qui vint de Cologne vers 410. Une chapelle fut probablement élevée au début du Ve siècle, mais on a la preuve qu’un édifice important existait déjà au Xe siècle au-dessus de la crypte actuelle.
D’après la Chronique Bordeloise, le corps de Roland aurait été transféré de Blaye à Saint- Seurin en 1606. La première date certaine de l’édifice actuel est de 1243 quand Henri III d’Angleterre offrit cinquante marcs d’argent à Saint-Seurin. À plusieurs reprises, les voûtes de Saint-Seurin s’effondrèrent, amenant des restaurations qui s’achevèrent en 1829 avec la construction d’un avant-porche permettant de pénétrer dans l’église de plain-pied.
Le portail sud, sur le flanc méridional de l’église est remarquable par son linteau inférieur échancré par l’arc trilobé orné de ceps de vigne. La Résurrection des morts avec le pesage des âmes par saint Michel orne le linteau supérieur. Dans le tympan, on remarque une admirable version du Jugement dernier où deux anges entourent le Christ portant clous, lance, croix et couronne d’acacia. Anges adorateurs, Dominations, Principautés, et puis- sances entourent Chérubins et Séraphins.
À l’intérieur de l’édifice, remarquable par sa mesure d’homme, il faut remarquer le buffet d’orgue achevé en 1774 qui est l’œuvre d’initiés bordelais fameux : les frères Laclotte, archi- tectes, le sculpteur Cabirol et les jeux de l’orgue lui-même, œuvre du fameux Dom Bedos de Celles, de son vrai nom François Lamathe Bedos de Celles de Salelles (1709-1779), mathématicien, géomètre, correspondant de l’académie royale des Sciences qui s’intéressa à la mesure du temps et publia un des meilleurs traités de gnomonique avant de préférer aux cadrans solaires la construction d’orgues fameuses qui donnèrent lieu à l’écriture de 1766 à 1777 du fameux traité L’art du facteur d’orgues, le plus grand livre, sans doute, jamais écrit sur le sujet. Initié à Toulouse, sa région natale, Dom Bedos eut pour disciple Jean-Pierre Cavaillé, éga- lement initié, et grand-père de Vincent et d’Aristide Cavaillé-Coll qui le furent également.
L’église Saint-Seurin est également remarquable par son mobilier et les vestiges archéo- logiques.