... des hommes du terroir basque. Sensibles à leurs patrimoines, ils combattent pour redonner son heure de gloire à ce curieux au groin fouineur. Périco Légasse qui signe la préface de ce livre s’enthousiasme pour ce cochon qui combat pour obtenir son AOC. Il nous livre dans sa préface une philosophie du bon sens et de la vie simple et vraie. Jean Weber raconte l’histoire du Kintoa, souligne ses fragilités face à une renaissance récente protégée par une poignée d’hommes. Il nous rappelle sa place importante dans l’alimentation traditionnelle.
Jean Arsaut, Cédric Baudour, Eric Duval et Henri Leiciagueçahar, les quatre compères qui jonglent merveilleusement en cuisine, nous révèlent la saveur du Kintoa à travers des recettes authentiques et généreuses, empreintes de créativité. Les photographies sont signées Pascal Rabot.
Béret bas !
« Urte gaitzari bihur daite belazki, arto eta urdai etxen duena aski » Celui-là résistera gaillardement à la mauvaise année, qui a du pain,du miel et du lard en suffisance dans sa maison.
PRÉFACE signée Périco Légasse
Le goût des libertés basques
De tous les animaux de la Création, le cochon est à la fois le plus noble et le plus humble. Noble par sa chair, dont quelques salaisons atteignent les sommets de l’excellence gastronomique, et humble par ses conditions d’élevage, des plus modestes. Autre prouesse, le prix de sa viande, qui va de la plus chère du monde, pour certains jambons, à la moins chère de toutes, tel qu’on en propose sur les rayons du hard discount. N’est-ce pas un privilège que de pouvoir régaler aussi bien les riches que les pauvres en restant soi-même (sauf quand des sagouins industriels la souillent de leur mercantilisme) ? Cette universalité alimentaire est l’une des marques du génie porcin. Aussi accompagne-t-il notre civilisation depuis la nuit des temps. Et s’il est frappé d’interdit par certaines confessions, c’est du fait de croyances ayant perduré malgré les progrès de sa conservation sous les climats chauds. Il n’en est pas moins le signe le plus vénéré du zodiaque chinois, car ses vertus sont infinies. Se faire traiter de porc relève du compliment. Malheur à ceux qui en usent comme d’une injure, car ils salissent l’image d’une créature sacrée pour manifester leur haine.
Partout chez lui, puisqu’on le trouve sur la totalité de notre planète, il ignore les frontières et, s’il le peut, franchit celles qui l’empêchent d’évoluer à sa guise. Le cochon est un être libre. Il n’est pas de mammifère plus propre et plus sain, à moins qu’on ne l’ait confiné dans un espace clos qu’il transforme bien malgré lui en porcherie s’il ne peut assurer son hygiène naturelle. S’il est le seigneur de la dehesa espagnole, cette immense forêt de chênes verts qui tapisse le sud-ouest de la péninsule ibérique, notamment du côté de Jabugo et Guijuelo, ou le prince des collines de l’Italie du nord, entre Parme et San Daniele, sites historiques dont les jambons perpétuent la légende, il est aussi le baron de vallées et de contrées européennes où perdurent des races anciennes devant leur survie à l’abnégation d’une poignée d’éleveurs. Et comme il n’est jamais aussi superbe que lorsqu’il peut aller où il veut, quand il veut, la Corse reste l’un de ses paradis favoris.
Mais il est un autre paradis, non moins pittoresque, sinon plus secret, où le cochon se comporte en majesté : la terre des Basques.
Là, dans cette partie occidentale des Pyrénées, où, sous la bénédiction d’une douceur océane offerte par l’Atlantique, des bribes de climats africains viennent parfois se heurter à des résidus de frimas scandinave pour former cet effet de foehn si propice au séchage des salaisons, règne la race pie noire, notre héroïne du jour. Non pas qu’elle puisse être stupéfiante, ni qu’elle génère des phénomènes d’addiction, mais parce que son aventure est liée au destin de cette nation. Car si l’identité basque s’est préservée, non pas à travers les siècles, mais à travers les millénaires, c’est aussi parce qu’elle procède d’une certaine façon de s’alimenter. Elle a traversé les âges et les tourments de l’histoire pour témoigner de l’existence d’un peuple qui veut rester lui-même au cœur d’une Europe chaque jour plus délitée par la globalisation néo-libérale. Depuis les Vascons, qui résistèrent aux légions romaines, et les Navarrais, qui défirent l’arrière-garde de l’empereur Charlemagne à Roncevaux, les Basques s’opposent à la banalisation de leur destin et l’ont prouvé à maintes reprises.
La survie de la race pie noire du Pays-Basque, comme le succès croissant qu’elle connaît de Larrau à Itxassou, montrent la volonté des femmes et des hommes de ce coin de Terre de perpétuer l’amour de l’endroit à travers la mise en valeur de leurs traditions rurales, dont l’élevage du cochon est l’un des fleurons. La résurrection de l’Euskal Xerria, le porc basque, ainsi qu’on le désigne en Euskara, participe du sursaut des paysans Basques pour un retour à une agriculture, saine et durable, respectueuse de l’environnement, mais aussi de leur souci permanent de retrouver le goût authentique de produits d’origine restituant tous les paramètres d’un terroir sublimé.
Ces principes chevillés aux corps, une certaine agriculture paysanne basque, rassemblée dans différentes associations, a pu métamorphoser le visage des campagnes et des assiettes de ce pays, redonnant à cette catégorie essentielle de la sociologie locale son rôle économique et culturel. L’engouement du consommateur pour le pie noir, dont la qualité gustative le place parmi les nouvelles stars de la saga porcine européenne, révèle une synergie efficace entre le producteur résistant et le consommateur émancipé du conditionnement marketé par la publicité pour le compte de « l’agrofinance grandement distribuée ».
Lorsque l’on savoure une côte de porc, des saucisses, de l’échine ou une épaule de pie noir, on s’imprègne de la formule de Jacques Puisais, fondateur de l’Institut du Goût et président honoraire de l’Académie internationale des gastronomes : « La vérité à table, c’est quand un produit a la gueule de l’endroit où il est né et les tripes du bonhomme qui l’a fait ». Dégustant l’autre jour avec ce maître du « goût juste » quelques morceaux de choix provenant d’un cochon pie noire de l’élevage de Christian Aguerre, à Itxassou, en Labourd, nous avons pris la dimension de la noblesse de cette chair. Comblés par la précision de ses arômes, la finesse de ses textures, l’élégance de ses parfums, émerveillés par sa capacité à restituer les éléments du paysage dans lequel il a été élevé, nous avons réalisé combien la cause de ce porc fermier est noble, combien elle témoigne de l’engagement de tous ceux qui ont permis de sauvegarder ce trésor du patrimoine agricole basque, combien cet animal porte en lui les charmes et la beauté de ce fabuleux pays. Merci donc à Jean Weber et aux éditions Mines de Rien de nous guider par les chemins de cette formidable aventure, d’en partager les émotions et d’en décrypter le message avec autant de sensibilité. Nous n’en aimons que davantage notre patrie.
Ces cochons bicolores, qui ont remplacé les bornes frontières dans le paysage, mais aussi dans le cœur des hommes, symbolisent la sensorialité basque à travers une valeur fondamentale de cette société ancestrale, le plaisir de se retrouver autour d’une table pour honorer les saveurs d’un produit d’exception. Ainsi que le dit le philosophe Michel Onfray : « La table, c’est ce qui reste d’une civilisation lorsque l’on a tout oublié. » Que les lecteurs de cet admirable ouvrage se rassurent, en Euskal Herria, la mémoire collective est encore vive. Elle sait se faire entendre, mais aussi savourer, et entend bien durer. Pie noir qui s’en dédie !
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