Après une pause savourée dans le sud-ouest, Claude Nori revient afin de partager ses découvertes. À travers son ouvrage qui marque la renaissance de Contrejour, il nous fait découvrir une région à travers un objectif différent. Loin des clichés habituels, Jours Heureux au Pays basque est une célébration de la vie, d’un paradis retrouvé et un journal de souvenirs construits au détour de rencontres fascinantes. Contrejour version 2011, c'est aussi de nouvelles éditions de livres importants épuisés, avec la volonté de toujours raconter des histoires passionnantes de photographes.
Des livres qui racontent des histoires de photographes
De 1975 à 1995, en deux décennies, Contrejour marqua la photographie Française et européenne en contribuant à faire émerger une nouvelle génération de photographes, à redonner une place privilégiée aux maîtres oubliés et à ouvrir enfin une réflexion critique sur la photographie conçue à la fois comme une certaine philosophie et un art ouvert aux autres moyens d’expression. Soutenue par une galerie à Montparnasse, un journal trimestriel militant, les éditions Contrejour à travers de nombreuses collections utilisèrent l’espace créatif du livre comme un langage autonome afin d’affirmer la prédominance de l’auteur par la mise en pages, l’impression et l’apport de textes autobiographiques.
Dans un environnement éditorial et institutionnel particulièrement désertique, Contrejour mit en place une politique efficace pour assurer la promotion des photographes à travers des expositions et des manifestations afin d’assurer le succès commercial de ses livres qui touchèrent un public toujours plus nombreux de passionnés. Outre une série de livres de poche à un prix populaire lancée dès 1975, Contrejour assura les premières monographies de Jeanloup Sieff, Robert Doisneau, Willy Ronis, Sabine Weiss, Salgado, Pierre et Gilles, Claude Dityvon, Bernard Plossu, ou Gilles Peress. Suivirent des essais historiques et critiques avec des ouvrages sur la Photographie humaniste, la Photo créative de Jean Claude Lemagny et une Histoire de la photographie Française de Claude Nori ainsi que Photo Actuelle en France qui réunit en 1976, 1978 et 1980 les photographes émergents de la décennie.
Avec plus de 170 livres publiés, la création de l’Almanach de la Photographie, des revues Les Cahiers de la Photographie et Caméra International, Contrejour joua le rôle de véritable forum auprès des jeunes auteurs et contribua pleinement à l’éclosion de la photographie française telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Contrejour, Une Renaissance
En 2011, Contrejour reparaît dans un paysage éditorial totalement différent, concurrentiel, international où l’image est largement institutionnalisée et médiatisée à travers le marché de l’art, les expositions et les festivals. C’est dans ce contexte, à la fin d’une certaine aventure de la photographie qui s’est conclue avec l’arrivée du numérique que la maison d’édition assurera une politique éditoriale pour mettre en valeur et en perspective historique des artistes, des mouvements et des tendances de l’histoire de la photographie souvent oubliés. Elle assurera un défrichage de nouveaux auteurs tout en suivant l’actualité des événements photographiques en France et à l’étranger ou en proposant de nouvelles éditions de livres importants épuisés avec la volonté de toujours raconter des histoires passionnantes de photographes.
Jours heureux au Pays basque…
Texte et photographies de Claude Nori
Jours heureux au Pays basque est un album rare qui exalte le sentiment précieux d’appartenir pleinement au monde, de se sentir en symbiose avec une région où l’air chargé de bonheur ouvre l’appétit de vivre, incite à manger le ciel et les nuages et à plonger dans l’océan vers d’autres horizons. Depuis plus de trente ans, Claude Nori, fixe avec gourmandise les jours et les nuits, le passage des saisons, la lumière changeante et le soleil à l’éclat si fin qu’il semble n’avoir ni origine ni destin. Il photographie sa famille, sa femme, ses filles, les habitants et les rencontres émouvantes que lui procurent des êtres d’exceptions venus respirer l’air d’une créativité stimulante mais aussi les éblouissements métaphysiques chers à De Chirico ou les terres intérieures vers les collines où vivent encore en harmonie les abeilles et les hommes.
Lorsqu’il passe de l’autre côté de la frontière, il ne peut s’empêcher de s’abandonner aux délices des churros et des pintxos, de provoquer l’aventure pour se trouver dans un ailleurs qui lui fait penser à l’Amérique du Sud ou au Mexique. À l’aide de textes poétiques, de réflexions personnelles, d’extraits de carnets intimes ou de citations empruntées à des auteurs qui lui sont chers, il invente une forme contemporaine de journal qui éclaire d’un jour nouveau ce Pays et en restitue toute l’originalité.
Ses photographies, évitant les clichés maintes fois répétés, nous font découvrir l’envers des choses, surprennent par leurs cadrages et par cette familiarité que l’auteur entretient avec les lieux et les gens, cette mélancolie stimulante qui ravira tous ceux qui aiment le Pays basque de Biarritz, Anglet, Hendaye, Arcangues, Saint Jean de Luz en passant par Saint Etienne de Baïgorry,Cambo, San Sebastian ou le désert des Bardenas. Claude Nori, photographe, écrivain, auteur d’une vingtaine de livres à caractère autobiographiques vit à Biarritz depuis 1999 où il a fondé avec sa femme Isabelle, le festival Terre d’Images et le magazine Revista.
Exaltation de la vie, visions bucoliques d’un paradis retrouvé, cet ouvrage fait voyager les amateurs de photographie dans le sud-ouest de Claude Nori.
"La terre nous en apprend plus long sur nous que les livres », ainsi médite Antoine de Saint-Exupéry à travers le pare-brise de son avion alors que les nuages lui paraissent toujours aussi bas et que la lumière les traverse déjà comme un grand sourire. « Le miracle de l’avion, ajoute-t-il plus loin, est qu’il vous plonge directement au coeur du mystère comme si la distance au lieu de nous éloigner du centre de gravité des choses permettait au contraire de balayer les évidences et les clichés. »
C’est un peu en explorateur que j’ai accosté le Pays basque en troquant l’aéroplane pour un appareil photographique qui permet lui aussi de s’élever, de se décaler du réel, d’effectuer un écart créatif pour être à la fois acteur et spectateur de ce continent au-delà des nuages.
Ce livre est donc le journal d’un cheminement, d’un épanchement sentimental qui eut pour cadre et dynamique une terre sur laquelle j’ai décidé de vivre, de travailler mais surtout d’être heureux avec ma famille à partir de 1995 et qui fut d’abord pour moi une source de créativité décuplée par un art de vivre qui correspondait bien à mon indolence latine.
Embarqué dans ce road-movie, à pied, en voiture ou avec mon Ciao, l’esprit égaré par mes souvenirs, mes fantasmes ou mes musiques préférées, j’ai traversé des paysages, des villes, des villages à la rencontre de personnalités pour réaliser leur portrait, à moins que ce ne fût en quête d’un bon restaurant. Et quelques fois cette terre, ce pays, cet océan et ces montagnes imposaient le silence, le respect et cela suffi sait à calmer mes angoisses passagères. En plus de mes photographies préférées, celles que l’on nomme artistiques, et de quelques photos de famille j’ai décidé de faire courir au fil des pages, certaines de mes notes, des écrits, des phrases ou des pensées soulignées dans les livres qui me sont chers. Mon imaginaire a vagabondé vers des « ailleurs » en résonance avec des lieux, des paysages et des émotions qui me faisaient monter le rouge aux joues. Si je me suislaissé emporter par la fiction, si je me suis permis quelques libertés, si j’ai osé franchir certaines frontières ou dépasser les bornes, mettant un pied par ici ou par là, en « terre étrangère », ce fut uniquement parce que mon regard me l’imposait et je suis sûr que les puristes me pardonneront."
Claude Nori