Le 2 juin 1963, Dax affronte Mont-de-Marsan en finale du championnat de France. Un derby landais, en direct à la télévision, commenté par l'inimitable Roger Couderc. Cette rencontre qui a enflammé le département des Landes, alimente encore les souvenirs.
Au croisement de l'histoire landaise, de l'ambition rugbystique et du folklore supporter, le derby entre dacquois et montois est l'un des épisodes les plus flamboyants du rugby français, l'une des ses plus belles fêtes.
Entremêlant images d'archives, film super 8 et photos de l'époque, s'appuyant sur le témoignages de joueurs et de supporters qui ont en commun d'avoir assisté au match le 2 juin 1963, ce film retrace un combat des plus féroces, avec ses héros, ses exploits, ses coups bas et ses rebondissements.
Un regard sur ce qui rassemble ces hommes de l'ovalie : une certaine idée du rugby.
Un film documentaire écrit et réalisé par Christophe Duchiron
A travers cette finale du championnat de France de rugby, unique en son genre, nous parlons d’un temps où les images de la télévision apparaissent en noir et blanc, où le barde cathodique de l’ovalie s’appelle Roger Couderc, où ce sport merveilleux est un jeu pratiqué par des amateurs. Nous parlons d’un temps où le rugby est une fête que vivent joueurs et supporters.
Nous parlons d’un jour qui fut l’apothéose du rugby landais, derby exceptionnel, disputé le dimanche 2 juin 1963, entre Dax et Mont-de-Marsan, respectivement sous-préfecture et préfecture des Landes, localités distantes de 53 kilomètres.
L’événement a fait couler beaucoup d’encre, beaucoup de salive et, loin s’en faut, il n’a pas disparu des mémoires. Nous évoquons ce genre d’évènement dont les spectateurs se sentent appartenir à une confrérie. Les plus anciens peuvent dirent, non sans fierté, « j’y étais ». Personnellement, je n’étais pas encore né mais j’ai la chance de l’avoir visionné (à maintes reprises) grâce aux archives de l’INA.
En des temps présents qui n’incitent guère, chez nous, à la rigolade rugbystique, il n’est pas interdit de se réjouir du passé, ni d’avoir la nostalgie joyeuse, surtout quand l’évènement qui nous intéresse appelle des souvenirs flamboyants et des anecdotes savoureuses. Ce match symbolise une certaine idée de la pratique sportive : un rugby d’insouciance et d’envolées, un rugby de combat et de finesse, un rugby que nous avons tant aimé. Ce rugby, plus ou moins, (plutôt plus que moins pour être honnête) a été englouti par le professionnalisme (instauré en 1995). Il n’aura échappé à personne que le rugby français du 21e siècle est standardisé (voire robotisé) et quelque peu désenchanté.
Il nous tient à cœur d’évoquer le paradis perdu du rugby français, ce « rugby des villages » dont l’esprit et les pratiques étaient capables selon l’écrivain Kléber Haedens, de maintenir le monde « en état de noblesse et de drôlerie ».
Il nous tient à cœur de revenir aux racines du rugby français, lesquelles lui ont donné sa singularité pendant des décennies. Il nous tient à cœur de faire un film qui se nourrit d’émotions sportive, d’une rivalité de cours d’école (malgré l’enjeu d’un titre national), d’un folklore local, d’une guerre de clocher impitoyable mais bon-enfant, d’une passion sans borne pour un sport de grande fraternité…
Il nous tient à cœur de relater un événement qui tutoie les sommets de l’exceptionnel, de l’inédit, un évènement qui plus d’un demi-siècle après, enchante encore les souvenirs et les superlatifs.
@ Sud-Ouest
Dax contre Mont-de-Marsan : un match de légénde de l'histoire du rugby
Les Landes en feu
Le match se déroule à Bordeaux. Les supporters du Stade Montois (les jaunes et noirs) et de l’Union Sportive Dacquoise (les rouges et blancs), comme on dit à l’époque, ‘montent’ à la capitale régionale. Ce dimanche de printemps, l’Aquitaine est traversée par une vague d’enthousiasme comme le rugby français n’en a jamais connu. Une procession inoubliable, des centaines de voitures où les couleurs de chaque camp sont bien obligés de se mélanger.
Au cours des deux semaines qui précèdent le match, l’évènement est sur toutes les lèvres landaises, au stade, au bistrot, au bureau, chez l’épicier et à longueur d’article dans la presse régionale (le quotidien Sud-Ouest), nationale et sportive (L’Équipe). Le chauvinisme est à vif. La mauvaise foi équitablement répartie. Il y a des expéditions punitives dans chacune des villes, avec des devantures repeintes et des vitrines peinturlurées. Il y a les coups de fils anonymes, quelques insultes… Dax – Mont-de-Marsan, c’est la Guerre des boutons en ovalie.
@ Sud-Ouest
@ Sud-Ouest
Contentieux historique
La guéguerre lando-landaise remonte à 1789, quand Mont-deMarsan, qui n'était qu'une grosse bourgade au petit passé historique, fut préférée à Dax, ville antique et carrefour commercial, pour devenir chef-lieu de département. Le patelin du petit peuple l’avait emporté sur la capitale commerciale. Tauromachie, rugby, traditions, politique, tout opposera les deux villes. La portée de la finale s’impose rapidement à l’esprit des Landais de tout poil : on va régler, une fois pour toutes, les questions de suprématie et les susceptibilités séculaires. Châtiment ultime, le perdant devra subir, en plus du poids de sa défaite, la gloire de son éternel rival. S’attacher au derby rugbystique Dax – Mont-de-Marsan, nous donne l’occasion, par quelques clins d’œil, de narrer les racines d’un contentieux multiséculaire.
@ Sud-Ouest
@ Sud-Ouest
La belle époque du rugby landais

Darrouy @ina
La fête d'avant match
Le dimanche 2 juin 1963, la télévision française diffuse la rencontre en direct. « Jamais de ma vie je n’ai vécu une atmosphère aussi formidable dans une finale », jure Roger Couderc en prenant l’antenne. Preuve du caractère hors norme de l’évènement, la retransmission débute 13 minutes avant le coup d’envoi alors que 5 d’ordinaire, la prise d’antenne s’effectue une poignée de secondes auparavant. 39.000 spectateurs, c’est la foule des grands jours mais c’est 10.000 de plus que ne peut en accueillir le stade plein à craquer. Pour répondre à la demande, les organisateurs ont installé à la va-vite plusieurs rangées de chaises sur la piste entourant la pelouse. Des spectateurs sont massés le long des lignes touches. Pour un peu, ils toucheraient les joueurs.

@ Sud-Ouest
Match pauvre en jeu mais riche en rebondissements
La Dacquoise @ina
Albaladéjo & Darrouy @ina
A. Boniface @ina

R. Couderc @ina
Fête et défaite
Après la réception à l’Hôtel de Ville puis dans les locaux du journal Sud-Ouest, la troisième mi-temps des vainqueurs débute sur la route du retour… quelques kilomètres après Bordeaux. À bord d’un vieux car brinquebalent, selon les témoignages de l’époque, ont pris place les joueurs, ainsi que l’écrivain Antoine Blondin, ami des frères Boniface, et le journaliste de l’Équipe Denis Lalanne. On chante, on rit, on boit et on repart. La légende veut que le car effectue un détour par Dax pour narguer les vaincus avant de regagner Mont-de-Marsan où 20.000 personnes attendent les Jaune et Noirs dans une ambiance délirante. Il n’y aura pas de nuit. Les joueurs sont fêtés, félicités, invités à manger une omelette chez l’habitant qui a laissé sa fenêtre ouverte pour voir passer les héros.

Titou Lasserre @ina
Supporter Mt de Marsan @ina
Supporter Dax @ina