.... nous sommes à une bonne centaine de kilomètres du Cap Finisterre qui, comme son nom le laisse entendre, marque le point extrême de l’Europe occidentale. Une borne indique ici le km 0,00 des chemins jacquaires.
C’est dans cette baie du Padròn qu’un sarcophage de marbre contenant les restes de l’apôtre avait été (« miraculeusement ») déposé. Quelques années auparavant, Jacques dit « le Majeur » avait accosté à ce même endroit, chargé en tant que prédicateur d’apporter la bonne parole en Galice et dans la péninsule ibérique. Ayant échoué dans sa mission, il revint à Jérusalem et y fut décapité en l’an 44, sur ordre du roi de Judée.
Eglise fortifiée de Beaumont du Périgord - Photo Gérard LallemantC’est au milieu du IXe siècle qu’un ermite aurait retrouvé le sarcophage, (« mystérieusement ») guidé par une étoile immobile et bien plus brillante que les autres. Aussitôt, la bonne nouvelle se répandit dans le monde chrétien d’Occident. On construisit un sanctuaire, une ville et... on traça des chemins pour y parvenir. Le pèlerinage de Santiago de Compostela était né.
Il se développe à partir du XIe siècle, grâce notamment aux moines de Cluny qui jalonnent ces voies d’accès d’un réseau dense de prieurés, hôpitaux, abbayes, monastères et refuges. On trouvera là une des origines d’un extraordinaire patrimoine roman dont nous sommes aujourd’hui les dépositaires. Voilà pourquoi le Conseil de l’Europe a désigné les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle comme Premier Itinéraire Culturel Européen en 1987, tandis que les quatre voies principales traversant la France à partir de Paris/Tours, Vézelay, le Puy et Arles étaient inscrites au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, le 2 décembre 1998.
Abbaye de Cadouin en Périgord - Crédit Photo Gérard Lallemant
Le pèlerinage connaîtra son apogée au XVe siècle : 500.000 personnes empruntent alors chaque année les « chemins des étoiles » vers Compostelle. Ces femmes et ces hommes (on les baptise jacquots, jacquets ou coquillards) sont animés par un fort sentiment spirituel ou une recherche d’expérience intérieure, à moins que cela soit, simplement, par défi physique... Pour tout équipement, ils emportent une longue « pèlerine » à capuchon, un chapeau à large bord, un bourdon (le bâton de marche, qui sert aussi à se défendre contre les brigands et autres bandits… de grands chemins), une gourde, une besace et, en guise d’insigne identitaire, une coquille ramassée dans la baie du Padròn.

L'Abbaye de Saint-Ferme, qui domine le vieux bourg, est l’un des plus grands établissements bénédictins de Nouvelle-Aquitaine - Photo Gérard Lallemant

Viendra ensuite un lent déclin, à partir de la Renaissance, qui conduira à l’abandon complet du pèlerinage au XIXe siècle — mais celui-ci renaîtra de ses cendres au cours de la seconde moitié du XXe avant de connaître, aujourd’hui, un beau succès.
Les fresques d'Allemans du Dropt - Photo Gérard Lallemant
Quelques chiffres
Un peu plus de 300.000 pèlerins ont été recensés en 2017 à leur arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle — ils étaient moins de 3.000 en 1987, et 350.000 en 2019 !
À Saint-Jean-Pied-de-Port, passage quasi obligé pour rejoindre le Nord-Ouest de l’Espagne et le « Camino francès », plus de 55.000 marcheurs ont été dénombrés en 2017. De toutes les voies traversant la France, celle du Puy-en-Velay a été la plus fréquentée avec 18.000 personnes.
Un tel engouement renvoie peut-être au fait que le premier pèlerin retenu par l’histoire fut Godescale, évêque du Puy, qui parvint à Compostelle en 951...
Abbaye St Avit Senieur - Crédit Photo Gérard Lallemant
Une nouvelle liaison transversale
On a « redécouvert » il y a quelque temps déjà, à l’occasion de l’année jacquaire 2010, l’existence d’un chemin secondaire, une « variante » qui, de Rocamadour à La Réole, assurait une liaison transversale Est/Ouest entre deux des quatre voies principales menant vers l’Espagne : celle du Puy-en-Velay (la Via Podiensis) et celle de Vézelay, la Via Lemovicensis.
Depuis peu, la petite ville balnéaire de Soulac, qui se trouve sur une autre voie secondaire (celle qui suit le littoral atlantique), a été greffée sur cette liaison transversale qui traversera donc Bordeaux, déjà point de passage de la voie Paris/Tours. Un important projet de développement touristique est actuellement à l’étude sur cet itinéraire jacquaire Soulac/Rocamadour, lequel concerne très directement la vallée du Dropt…
Abbaye de Blasimon - Abbaye de Cadouin - Photo Gérard Lallema
Crédit Rédactionnel Gérard Lallemant – Mai 2020