Aliénor d’Aquitaine : reine de France puis d'Angleterre

La date et le lieu de la naissance d’Aliénor restent indéterminés. Âgée d’environ quinze ans, elle réside au palais de l’Ombrière à Bordeaux et passe pour la fille "la plus belle, la plus riche, la plus spirituelle du royaume". Héritière d’un domaine plus vaste que celui du roi de France, elle fait ....

Aliénor d'Aquitaine, une femme rebelle et moderne du Moyen Âge au milieu d'un monde d'hommes misogynes
Aliénor d'Aquitaine, une femme rebelle et moderne du Moyen Âge au milieu d'un monde d'hommes misogynes

.... sa première apparition officielle le jour de son mariage avec l’héritier du trône français. Durant sa longue existence, Aliénor participe à toutes les intrigues, perdant et reprenant le pouvoir à maintes reprises. Approchant les 80 ans, elle reprend les rênes du pouvoir, parcourt l’Aquitaine, y prodigue de nombreuses chartes qui concèdent aux bourgeois une sorte d’émancipation vis-à-vis du pouvoir seigneurial. La vieille reine Aliénor, dans un texte écrit confirme les privilèges, libertés et coutumes de Bordeaux. Le terme civibus, qui désigne les citoyens de Bordeaux, démontre qu’il s’agit de la reconnaissance d’une municipalité.

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Un si beau mariage

Le dimanche 25 juillet 1137, Aliénor, duchesse d’Aquitaine, âgée de 15 ans, épouse Louis le jeune, âgé de 17 ans, dauphin de France, en la cathédrale Saint-André. L’archevêque Geoffroi III du Loroux bénit l’union, en présence de tous les seigneurs gascons et d’un cortège royal de plus de 500 chevaliers, conduits par Thibaut, comte de Champagne et par Suger, abbé de Saint-Denis, représentants du roi, Louis VI le Gros, absent pour cause de maladie.

Mariage aliénor et Louis VII - Grandes chroniques de France - BN Paris - Collection DDAMariage aliénor et Louis VII - Grandes chroniques de France - BN Paris - Collection DDA

Louis et Aliénor, la glace et le feu

Louis est très amoureux de sa jeune reine, mais, après une courte période où il semble subjugué par la forte personnalité de son épouse, il se ressaisit et la lune de miel va être de courte durée.

Aliénor est la petite-fille de Guillaume IX, authentique troubadour, inventeur de l’amour courtois. Élevée dans la plus galante des cours d’Europe au Palais de l'Ombrière (actuelle place du Palais), elle se retrouve en présence d’un époux grave et pieux, très influencé par sa mère, Adélaïde de Savoie, et son conseiller l’abbé Suger. La vie austère de la cour de France ne convient guère à cette jeune reine habituée aux plaisirs raffinés du palais de l’Ombrière. Elle se lamente et, tout haut, sans gêne, elle déclare : "J’ai cru épouser un roi et l’on ne m’a donné qu’un moine".

Le départ pour la deuxième croisade

En 1147, Bernard de Clairvaux prêche la seconde croisade et incite le roi d'y prendre part. Louis VII pense que ce voyage va sanctifier Aliénor et l’invite à se joindre à l’expédition. L’abbé Suger assure la régence du royaume.

Le 12 mai 1147, le roi rassemble une armée de 80.000 hommes, composée entre autres de clercs et de seigneurs gascons qui escortent la reine Aliénor. Beaucoup d’autres dames suivent leurs époux avec un imposant déploiement de chariots. La route terrestre à été préférée à l’option maritime. Au bout de cinq mois apparaissent, enfin, les murailles de Byzance (Constantinople ou Istanbul) et les croisés se présentent devant Antioche en mars 1148, dix mois après avoir quitté la France. Aliénor retrouve son oncle Raymond de Poitiers, prince d’Antioche (Antiaka en Turquie).

Alienor dAquitaine aquarelle Canellas archives DDA Aliénor miniature codex Manesse BU Heildelberg coll
Alienor dAquitaine aquarelle Canellas archives DDA Aliénor miniature codex Manesse BU Heildelberg coll

Le message au comte d'Anjou

Durant un précédent séjour en France, Henry II Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, comte d’Anjou et duc de Normandie, joyeux, cultivé et athlétique, avait remarqué cette reine "admirable de beauté et de grâce".

Aliénor, flattée et séduite par ces compliments, lui avait demandé pour cause de bienséance de "se retirer dans l’Anjou et qu’il recevrait incessamment de ses nouvelles".

À l'escale de Poitiers, Aliénor invite son nouvel époux

Lors de son arrêt à Poitiers, le peuple et les notables accueillent Aliénor avec le plus grand enthousiasme. Elle écrit à Henry sa joie et ajoute "que l’estime qu’elle avait pour lui avait eu beaucoup de part à cette action, et qu’elle consentait qu’il vint remplir la place de Louis". La voici redevenue une des plus riches héritières d’Europe. De nombreux princes et seigneurs convoitent déjà sa main.

Henry Plantagenêt, dès réception de la missive, accourt à Poitiers. Le mariage est célébré le 18 mai 1152, en la cathédrale ducale, à peine deux mois après la répudiation. La cérémonie reste discrète, il ne faut en aucun cas être provocant, car Louis VII, suzerain des deux époux, n’a pas été consulté. Une telle désobéissance peut entraîner la confiscation du duché. Étrangement, le roi Louis VII ne bouge pas. 

Autre problème, le lien de consanguinité, invoqué pour la dissolution du mariage avec le roi de France, apparaît au moins aussi fort entre les nouveaux mariés. L’Église peut donc tout remettre en question. Elle aussi reste muette !

La fine fleur des poètes, musiciens, troubadours et saltimbanques au Palais

Aliénor approche de ses 30 ans, Henry n’a que 19 ans. Les possessions territoriales des nouveaux mariés vont de la Somme aux Pyrénées. Les Aquitains se déclarent fiers de leur duchesse et ses éventuelles aventures libertines ne représentent pour eux que des titres de gloire. En réalité, les Gascons retrouvent leur liberté face aux redoutables exigences du roi de France, en matière de taxes. Le couple, désormais reconnu par les cours d’Europe, vient à Bordeaux pour y donner de somptueuses réceptions au palais de l’Ombrière, s’entourant de tous les troubadours distingués de l’époque.

Troubadour danseur archives DDA Troubadour musicien cour dAliénor archives DDA
Troubadour danseur - Archives DDA Troubadour musicien à la cour dAliénor - Archives DDA

Aliénor, reine d'Angleterre

Le 25 octobre 1154, le roi d’Angleterre décède. Pour déjouer les complots de la succession, Henry et Aliénor, malgré une mer déchaînée, embarquent le 8 décembre 1154 pour le port anglais de Southampton, puis ils chevauchent vers Londres sous les acclamations d’une foule heureuse d’avoir enfin la paix et espérant en ce nouveau prince pour la faire perdurer.

Encore un mariage désastreux

Alienor et Henry

Mais le mariage avec le fougueux Henry devient vite aussi tumultueux que le précé-dent avec le roi de France Louis VII.

Malgré la naissance de plusieurs enfants, dont cinq fils, le couple se désunit. Alors qu’Aliénor met au monde son dernier fils, le roi s’affiche publiquement avec sa maîtresse, la courtisane Rosamonde de Clifford.

La liaison va durer dix ans. Aliénor, bafouée, ne s’intéresse désormais qu’à la défense de son rang et de ses intérêts.

Elle regroupe autour d’elle ses amis fidèles et son fils, Richard, d’une robuste constitution, rompu dès l’enfance aux exercices militaires et fin lettré, qui parle couramment le latin, le gascon et s’adonne à la poésie.

La reine-duchesse, accompagnée de ce fils bien-aimé, devenu prince héritier après le décès des deux aînés, et d’une imposante suite, parcourt ses provinces et s'arrête dans les principales villes pour présenter le jeune prince, afin que tous le connaissent, l’aiment et le respectent.

Elle reste sur ses terres de 1170 à 1172 et s’entoure d’une cour composée de poètes célèbres et de troubadours : Bernard de Ventadour, Bertrand de Born, Jaufré Rudel de Blaye, Mirabel de Carcassonne, Arnaud Daniel, Macabru.

HISTOIRE DE BORDEAUX
rpt

L’association culturelle éditrice "Les Dossiers d’Aquitaine et d’Ailleurs" et son équipe rédactionnelle, à l’occasion de son quarantième anniversaire, va publier une Histoire de Bordeaux, en six volumes, intitulée "D’Ausone à Mauriac, de l'Antiquité à nos jours, 2000 ans d’Histoire par les personnages qui se sont engagés pour que vivent libres Bordeaux et la Guienne".

À suivre l’époque d’Aliénor d’Aquitaine avec les personnages

  • Prince Noir, Edward de Woodstock : Prince d'Aquitaine, chevauchées et légendes
  • Jean Talbot : Connétable, général « roi de Bordeaux »

couverture Histoire de Bordeaux Tome 1

AOL En savoir plusCrédit Rédactionnel Les Dossiers d’Aquitaine