... au sein du peloton ! Et pour cause : avec plus de 300 kilomètres entre Bagnères-de-Luchon et Bayonne, 6 000 mètres de dénivelé positif et cinq cols à franchir, cette redoutable étape a terrorisé les coureurs les plus tenaces avant d’être abandonnée des années plus tard.
Plus de 100 ans plus tard, le cycliste suisse Patrick Seabase a décidé de rouler dans les traces de ces légendes du vélo et d'être le premier à parcourir cette étape mythique sur… un vélo à pignon fixe.
Ce challenge se déroulera le mercredi 3 juin 2015 dans les Pyrénées.
« Vous êtes des assassins ! » ....
.... avait crié Octave Lapize dans un souffle à Henri Desgranges, l’organisateur du Tour de France, alors qu’il franchissait le col d’Aubisque. Malgré trois cols pyrénéens déjà conquis, il lui restait encore 160 kilomètres à parcourir avant de passer la ligne d’arrivée. Arrivé à Bayonne après 14 heures de course, Lapize trouve encore le courage et l’énergie d’affronter au sprint son ultime rival, l’Italien Pierino Albini.
Plus d’un siècle plus tard, ces pionniers du cyclisme ont inspiré Patrick Seabase, qui a décidé de rejouer cette scène légendaire de l’histoire du sport. « En plus du challenge personnel, je veux savoir ce que ces sportifs ont traversé lors de la première étape de montagne du Tour de France – lorsqu’ils roulaient sur des routes cahoteuses à travers les contrées sauvages des Pyrénées », déclare le cycliste bernois.
Le vélo dans son plus simple appareil...
Les vélos utilisés en 1910 étaient étonnamment similaires au deux-roues moderne sur lequel Seabase va tenter de réaliser son exploit d’endurance. Au début du 20ème siècle, les vélos de compétition disposaient de deux vitesses : l’une pour les montées, l’autre pour le reste. Toutefois, ils n’avaient pas de dérailleur : pour changer de vitesse, les cyclistes devaient déposer leur roue arrière pour en poser une autre. Seabase, lui, ne se contentera que d’une vitesse (single-speed) !
Aussi, en 1910, les vélos étaient faits d’acier et de bois et pesaient entre 10 et 13 kilos. Seabase, pour sa part, dispose d’un vélo dernier cri en carbone de 7,2 kilos. Puriste dans l’âme, il roule avec un pignon fixe à l’arrière et sans freins (« fixie »). Par conséquent, les pédales tournent en même temps que la roue arrière, ce qui implique qu’il ne peut jamais s’arrêter de pédaler en mouvement. Pour freiner, il doit appliquer une contre-pression avec les pieds. De ce fait, les descentes sont aussi exigeantes que les montées et assurément plus dangereuses !
Quand le mental se fait aussi robuste que les cuisses !
Patrick Seabase prendra le départ à Bagnères-de-Luchon le 3 juin 2015 à 4 heures du matin. L’enjeu principal, tout au long du parcours, sera de trouver un rythme régulier et de gérer son effort, tout comme son mental. Il débutera l’ascension du col de Peyresourde (1 569 m) avant le lever du soleil.
Après le col de l‘Aspin (1 489 m), Patrick devra affronter le col du Tourmalet (2 115 m). Ces 17 km de montée par la face Est sont ceux qu’il redoute le plus... D’autant qu’ils arriveront après 2 000 mètres de dénivelé positif et deux redoutables descentes dans les jambes. Il enchainera ensuite avec l’ascension du col d’Aubisque (1 709 m), presque deux fois plus longue que celle du Tourmalet, où « les hausses et les baisses de mental risquent de se succéder ». La seconde moitié du parcours, parsemée de collines vallonnées, sera tout sauf plate et pourrait bien le vider du peu d’énergie qui lui restera.
Avec ses 290 mètres de dénivelé positif, le col d’Osquich (500 m) n’est qu’une simple bosse, comparé aux géants des Pyrénées que Seabase aura déjà franchis. Toutefois, il sera tellement épuisé à ce stade du parcours, que ce col, inoffensif en apparence, pourrait bien s’avérer décisif ! Les 80 derniers kilomètres, qu’il parcourra au soleil couchant, sont plutôt de la descente. Toutefois il y aura encore quelques petites côtes qui ajoutent environ 1 000 mètres de dénivelé positif.
Dans cette dernière ligne droite le séparant de Bayonne, le cycliste suisse devra faire preuve d’un mental d’acier et d’une immense détermination. Patrick Seabase prévoit de réaliser cette étape en 15 heures. Il sera accompagné, sur le parcours, de son directeur sportif, l’ancien cycliste professionnel allemand Danilo Hondo, ainsi que d’une équipe d’assistance et d’un médecin.
Le tatoué à 2 roues...
Patrick Seabase a 31 ans. Il habite à Bern en Suisse. Il a acheté son premier fixie uniquement parce qu’il trouvait ce vélo joli... Jusqu’alors, sa préférence allait au skateboard, comme ses membres largement tatoués le laissent imaginer ! Aujourd'hui, il parcourt environ 15 000 km par an sur 2 roues, dont la moitié en fixie. « J'utilise mes vélos jusqu’à ce qu'ils tombent en pièces », avoue-t-il. Sa vie, il l’aborde comme le vélo : sans freins...
Mais, même à plus de 80km/h, il ne perd jamais les pédales ! Ces dernières années, Patrick a fait évoluer son aventure fixie à un autre niveau. Avant cet ambitieux challenge Pyrénéen, il avait déjà quitté l'asphalte suisse pour les routes abruptes et non-pavées de l'Érythrée. Cette aventure africaine, mêlant prouesses sportives et talent créatif, est immortalisée sur pellicule.