Décollage vers les étoiles du film "L’Astronaute" du réalisateur Nicolas Giraud

"A tous de DDO, attention pour décompte final !" Les passionnés de l'espace en général et tous ceux qui travaillent dans le secteur aéronautique et spatial de Nouvelle-Aquitaine en particulier ne manqueront pas cette semaine le film "L’Astronaute" qui sera mis sur orbite dans les salles de cinéma le mercredi 15 février.

5 ans après "Du soleil dans mes yeux", le réalisateur  Nicolas Giraud revient au cinéma avec un film d'aventure intitulé "L'Astronaute", centré sur un rêve d'espace dont il est le protagoniste, aux côtés de Mathieu Kassovitz. L'idée lui est venue de manière inexpliquée, avec des informations, des fantasmes et des images surgissant pour donner forme à une histoire.

"L'Astronaute" est un film sur un ingénieur aéronautique qui veut construire sa propre fusée pour partir dans l'espace. Au début, le rêve semble peu réalisable, mais le film nous emporte à son propre rythme, montrant que l'extraordinaire peut naître de l'ordinaire.

Photo1 2021 Nord Ouest Films Orange studio Artémis Productions Frères Zak

Ce long métrage a été soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine et accompagné par ALCA (Agence Livre, Cinéma et Audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine). Le tournage a débuté en février 2021 en Haute-Vienne à Condat-sur-Vienne, puis dans le centre-ville de Limoges. La piscine et l’université de Limoges ont d’ailleurs servi de lieux de tournage.

« L’astronaute » a été sélectionné au festival du film francophone d'Angoulême dans la catégorie « Nouveaux regards », au festival international du film de Saint-Jean-de-Luz ainsi qu’au festival du film d’Arras.

ASTRONAUTE 4x5 1080x1350

Synopsis

Un ingénieur en aéronautique, en charge des essais moteur chez ArianeGroup, Jim, se consacre depuis des années à un projet secret et hors norme : construire sa propre fusée et accomplir le premier vol spatial habité amateur. Mais pour réaliser son rêve, il doit apprendre à le partager. Les acteurs français de ce long métrage sont Nicolas Giraud, Matthieu Kassovitz, Hélène Vincent, Bruno Lochet, Ayumi Roux, Hippolyte Girardot, Anne Charrier et Jérémie Rénier.

Entretien avec Nicolas Giraud

Après votre premier long-métrage, Du soleil dans mes yeux, qui était centré sur les retrouvailles houleuses entre une jeune mère et son fils, vous revenez sur le grand écran avec un film sur un rêve d’espace. Qu’est-ce qui explique ce saut entre deux univers si différents?

Je ne sais pas. Pas plus que je ne sais jamais ce qui me pousse vraiment à écrire sur tel ou tel sujet. Un jour, une idée arrive, d’abord embryonnaire. Parfois elle s’évanouit, parfois elle se développe… Sans que je comprenne exactement comment, des informations affluent, des fantasmes se créent, des sons et des images surgissent, et une histoire se dessine. J’imagine que L’Astronaute porte en lui mon envie de cinéma.

Doit-on en déduire qu’avant ce nouveau film, vous n’étiez pas un passionné d’astronautique?

Pas plus que ça. Je vis en pleine campagne, entouré d’arbres. J’aime le silence et l’espace. Ceci étant dit,quoique j’entreprenne, que ce soit jardiner ou écrire, il faut que je m’implique totalement et que j’aille jusqu’au bout. Pourquoi ai-je eu soudain besoin de parler de cette obsession jusqu’au-boutiste à travers un film sur un personnage habité par l’envie d’aller dans l’espace ? Franchement, cela me dépasse.

Même si c’est une fiction, on ne peut pas se lancer dans un film comme L’Astronaute sans un minimum de connaissances techniques et scientifiques. Comment avez-vous procédé?

La culture populaire et le rêve m’ont beaucoup apporté. Ensuite, j’ai évidemment approfondi le sujet. Par ailleurs, le producteur du film, Christophe Rossignon, est passionné par l’astronautique. Grâce à lui, j’ai rencontré Jean-François Clervoy, un vrai astronaute, qui a eu l’amitié de considérer dès le début le projet. Mon souhait a toujours été de faire un film réaliste. Et lorsque le travail d’écriture a été bien avancé, j’ai eu cette la chance que ArianeGroup m’ouvre ses portes. À partir de là, tout est devenu possible, parce que d’un seul coup, tout allait devenir crédible, plausible.

Jusqu’où êtes-vous allé ?

C’est un peu impudique de le formuler, mais pour L’Astronaute, j’ai investi tout ce que j’avais. Et comme Jim, au bout d’un moment, je me suis retrouvé en difficulté financière. Christophe Rossignon, Mathieu Kassovitz, Hélène Vincent et toute l’équipe savaient que je tirais le diable par la queue pour mener à bien le projet, mais ils savaient aussi que quoiqu’ils me disent, j’irai jusqu’au bout. J’étais d’autant plus déterminé que Jean-François Clervoy, devenu le conseiller technique du film, m’avait assuré que mon projet tenait debout. Dans le film, Jim met huit ans à construire sa fusée. J’en ai mis cinq à «accoucher» du film.Nicolas Giraud

Jim, c’est vous?

Une partie de moi. Tout comme l’était le petit garçon de Du soleil dans mes yeux interprété par Noah Benzaquen - dont la grand-mère était déjà Hélène Vincent. J’incarne Jim pour m’inscrire totalement dans le processus de réalisation. Je savais, à chaque instant, ce que je voulais que Jim fasse ou pense. Jim croit en ses rêves. Et ses rêves l’éclairent, le guident et le portent dans sa vie.

Vous deviez diriger un film souvent techniquement assez compliqué et en même temps, puisque vous jouiez le rôle-titre, vous tenir constamment devant la caméra. Vous n’avez jamais eu peur de ne pas y arriver ?

Le plateau est l’endroit où je me sens le plus capable, le plus disposé à agir. Et puis, j’étais bien entouré. Le casting était sensationnel et l’équipe technique formidable. On était tous là, chaque jour pile à l’heure prévue, pour tourner le même film, chacun à son poste, ensemble. Ça donne une force insoupçonnable.

Votre film mélange les générations. Jim, par exemple, vit avec sa grand-mère… C’est vous aussi, ce besoin d’être entouré de personnes d’âges, de culture et de milieu différents…

J’aime le partage, la transmission. Chaque génération a ses qualités. J’aime les allier. Elles apportent toutes quelque chose, un point de vue, une énergie. Ma grand-mère paternelle vient d’avoir quatre- vingt-dix ans. Elle a été essentielle à ma vie de petit garçon, de jeune homme. Dans le film, c’est Hélène Vincent qui l’interprète. Hélène et moi, c’est une belle histoire. On se respecte, on se comprend et on aime travailler ensemble. J’ai de la chance, dans ma vie privée, j’ai une super grand-mère et dans ma vie de cinéaste, c’est Hélène Vincent qui vient illuminer mes films.

À de rares exceptions près, comme Claudie Haigneré, l’astronautique est essentiellement un univers d’hommes. Vous, vous choisissez une femme, une mathématicienne… Même si je m’identifie souvent à des figures masculines, les femmes sont les êtres que j’admire le plus. La force de leur sensibilité me soulève. Depuis toujours je prône la puissance de la féminité.

Vous réussissez à nous embarquer dans une histoire « extra- ordinaire », sans tralalas verbaux, avec une narration totalement dépourvue d’esbroufe…

Dans la vie, l’extraordinaire est souvent tapi dans l’ordinaire. Pour le débusquer, il n’est pas nécessaire de sortir le grand jeu et d’en rajouter pour en mettre plein la vue. Il suffit d’écouter, de regarder, parfois de prendre le risque de rester silencieux. C’est ce que j’ai fait pour mon film.

Une petite question sur la séquence de Jim dans la piscine. Ces séances d’entrainement existent-elles vraiment pour les astronautes?

Les vrais astronautes subissent des entrainements bien plus importants et sophistiqués que ceux de Jim. Néanmoins ces plongées en piscine représentaient le seul moyen de me rapprocher de la réalité. Très vite, j’ai refusé les différentes aides des spécialistes en plongée, et j’ai demandé à ce qu’on m’enchaîne lourdement et me jette au fond de l’eau avec un trousseau de 70 clés dont trois seulement pouvaient ouvrir les cadenas qui m’emprisonnaient. Ce n’était pas pour effrayer l’équipe - je savais avoir suffisamment  d’énergie et d’oxygène pour m’en sortir - mais je voulais vivre cet état de stress auquel doivent répondre les astronautes en mission.

Venons-en à la réalisation. Vous faites un film sur un rêve d’espace, et en même temps, presque paradoxalement, vous n’avez pratiquement tourné que des plans serrés. Pourquoi avez- vous délaissé le ciel et les étoiles pour suivre au plus près vos personnages?

Au début, Christophe Rossignon et moi nous sommes heurtés à ce préjugé selon lequel les «Français» ne sauraient pas faire de films sur l’espace. Plusieurs portes sont restées fermées. J’ai pourtant expliqué que je ne faisais pas un film «sur l’espace», mais un film qui «va dans l’espace». Et qu’au-delà de ça, je faisais un film sur l’émancipation, sur le partage, sur des gens qui se regroupent autour d’un homme, d’un projet, pour grandir, mûrir et rêver avec lui. Certes le film s’intitule L’Astronaute, certes il comporte des séquences scientifiques et techniques, mais il raconte avant tout, je crois, une aventure dont l’objectif est d’atteindre la félicité. Il a été pensé pour réparer les frustrations, les ratés et les chagrins. 

L’important était moins de «spectaculariser» l’exploit spatial de Jim - qui est pourtant le moteur du film - que de montrer les sentiments et les émotions de tous celles et ceux qui en étaient partie prenante. Et comment les capter au cinéma autrement qu’avec des plans rapprochés ?

La photo de votre film est magnifique. Tous les plans de ciel et d’espace sont bleutés, tous ceux qui concernent la terre, plutôt mordorés…

La lumière est essentielle. Elle véhicule tout. Pour les plans dans l’espace, je voulais obtenir des noirs profonds, comme l’est le cosmos, mais avec de la brillance comme il en surgit parfois des astres quand ils s’alignent selon certains axes. J’ai eu une belle rencontre avec Renaud Chassaing, le directeur de la photographie. Je lui laissais créer la lumière - je sais la reconnaitre, mais pas la construire - mais je choisissais tous les cadres, que je validais au millimètre près. Ensemble, on a cherché à révéler l’éclat, la brillance de chaque matière, aussi bien l’aluminium ou l’acier de la fusée, que la mousse sur les troncs d’arbres. Nous avons tourné en scope, avec une série d’objectifs sphériques qui permettent d’obtenir des effets de flare quand une lumière les traverse. Sans cesse, nous cherchions la profondeur de champ, la perspective…

Y-a-t-il des séquences qui vous ont donné du fil à retordre ?

Un réalisateur doit savoir s’adapter. Quand j’ai pu innover en matière d’images ou de sons, je l’ai fait. Pour les scènes de préparation au décollage de la fusée, qui étaient sans doute les plus difficiles à tourner pour cause de budget ultra-serré, je fantasmais un décollage de nuit sous la pluie. Et une fois encore, j’ai eu de la chance. Nous étions au mois de janvier, c’était la nuit et une pluie fine a commencé à tomber. J’ai dit : « On tourne ! On y va ! C’est maintenant ! ». Et ça a été merveilleux. Chacun était à son poste, en bottes, à courir dans la boue… Je me souviens des visages de chacun… Il faut savoir prendre des risques.

Un mot sur la musique, très métallique et, qui évoque à la fois l’acier, le milieu interstellaire, la terre, ses remuements… bref tout ce dont vous parlez dans votre film…

Je dis toujours que l’image est le visage d’un film, le son, son corps et la musique, son âme. Le travail du réalisateur est de faire en sorte que ces trois éléments s’alignent et sonnent en harmonie. Pour ce film, j’avais envie de sons synthétiques. Je connaissais le travail de Gabriel Legeleux - dont le nom de scène est Superpoze - mais lorsque j’ai découvert le clip de son titre Signal j’ai tout de suite su que je voulais travailler avec lui. Avec Gabriel, nous avons pensé et réfléchi la musique ensemble, mais après, c’est lui qui l’a composée. Je suis heureux car je trouve qu’elle transcende le film. Elle transcende chaque étape que traverse Jim et son équipe. Gabriel et moi avons eu le même genre de rapport que celui que j’ai eu avec Loïc Lallemand, le monteur du film, ou avec Stéphane Cabel, le co-scénariste. J’ai les idées, les images, les sons, et ensuite, nous les travaillons ensemble.

Vous écrivez pour des acteurs ?

J’aime les avoir à l’esprit. Je cherche l’harmonie. Chaque acteur à une sonorité, une couleur. C’est marrant parce que pour ce film, j’ai travaillé essentiellement avec des comédiens qui viennent du théâtre ou font de la mise en scène. C’est le cas notamment d’Hélène, d’Anne, de Féodor et d’Hippolyte. Pour le rôle d’Izumi, je recherchais une jeune comédienne d’origine japonaise. Marion Touitou, la directrice de casting, m’a alors proposé de rencontrer Ayumi Roux, et j’ai été saisi par son intelligence, sa photogénie et son talent. Pour incarner Alexandre Ribbot, ex-astronaute de l’Agence Spatiale Européenne, je voulais une figure, un acteur à part. Mathieu l’est. Il est rapide, incisif, précis. Il a été parfait. J’ai parfois eu du mal à le faire sourire, car il déteste ça, mais comme Ribbot pour Jim, Mathieu a été présent, et tout est devenu possible.

Au bout du compte, c’est quoi, pour vous L’Astronaute ?

C’est un film de cinéma. Un film de grand écran. À découvrir en salle. Il n’a pas été pensé et conçu pour être regardé sur une tablette ou un smartphone. À part cela, sinon qu’il est un film sur l’amour filial et familial, sur la libération et le potentiel de chacun, et que je lui ai insufflé mon énergie, ma volonté et mes rêves, je ne sais pas trop quoi en dire, parce que je n’aime pas les classements ou les commentaires. Hélène Vincent, qui est ma muse, dit que L’Astronaute est une version moderne du Petit Prince. D’autres personnes ont évoqué une pastorale. À dire vrai, je ne sais pas. Je sais juste que la force du film réside dans son pluralisme, et je suis surtout heureux d’avoir eu les moyens de le réaliser. Le cinéma est vital pour moi. Je lui dois presque tout.

Photo6 2021 Nord Ouest Films Orange studio Artémis Productions Frères Zak

Entretien avec Jean-françois Clervoy
Ingénieur français et ancien spationaute à l’Agence Spatiale Européenne

Quelle est votre réaction quand Christophe Rossignon vous parle du projet de Nicolas Giraud?

Ça me parait un peu fou, mais je suis curieux de savoir comment un cinéaste va réussir à rendre vraisemblable la réalisation d’un fantasme qu’ont de nombreux passionnés : s’aventurer seuls, dans l’espace, au moyen d’une fusée personnelle. J’emploie le mot « fantasme » à dessein, car dans l’état actuel des techniques spatiales, il n’est pas pensable qu’un particulier, même féru d’astronautique et aidé par une petite équipe de professionnels, parvienne à construire un vaisseau spatial orbital qui plus est à un seul étage. Le point qui rend ce projet très intéressant à l’astronaute que je suis, est d’apprendre de la bouche de Christophe Rossignon que Nicolas Giraud a l’intention d’écrire une histoire la plus vraisemblable possible et pour cela, qu’il tient à ce que son héros soit, non pas une sorte de professeur Tournesol, mais un authentique ingénieur en propulsion spatiale qui travaille avec des pros.

Malgré tous les progrès en la matière, pourquoi est-il encore impossible aujourd’hui d’envoyer une petite fusée dans l’espace ?

La réponse est un peu technique. Schématiquement, une fusée comporte deux parties : une partie supérieure, qui transporte des astronautes et/ou du matériel pour les mettre en orbite terrestre, et une partie inférieure contenant le carburant et les moteurs qui doivent assurer la propulsion de cette fusée avec une puissance suffisante pour lui faire atteindre la vitesse orbitale, soit 28 000 km/h. De tous les équipements d’une fusée, le système de propulsion est non seulement financièrement le plus coûteux, mais il est aussi techniquement le plus pointu à mettre au point, car pour atteindre leur objectif de vitesse de 28 000 km/h, les moteurs qui le composent doivent développer une puissance considérable. Pour vous en donner une idée, la navette spatiale américaine, dans laquelle j’ai volé 3 fois, produisait deux minutes après son lancement une puissance mécanique de 45 Gigawatts. Cela correspond, sur un instant précis, à l’équivalent de la demande de puissance électrique de la France entière. C’est colossal.

Dans le cas des fusées, on est obligé d’avoir recours à plusieurs étages de propulsion qui seront largués par étapes, quand chacun aura fait son office, allégeant d’autant le poids restant de la fusée qui doit continuer à accélérer. Le nombre de ces étages, deux ou trois, en fonction de la masse de la charge à mettre en orbite et de son altitude. On ne sait pas faire autrement compte tenu des performances des carburants et des moteurs disponibles aujourd’hui. Que la fusée de L’Astronaute qui n’en comporte qu’un, réussisse quand même à mettre sa capsule sur orbite relève donc pour l’instant de la fiction. Cette mise au point sur le carburant étant faite, je précise que pour le reste, le film est, dans son ensemble, sur le plan technique, exact.

Vous avez été son conseiller technique. De quelle manière êtes-vous intervenu ?

En amont de l’écriture de son scénario, nous avons eu avec Nicolas plusieurs réunions au cours desquelles je lui ai donné des informations sur les types de propulsion et de trajectoires des vols spatiaux. Et je lui ai dit qu’à partir de ces données, s’il voulait que son histoire de décollage d’une fusée à un seul étage soit crédible et réaliste, le seul point sur lequel il allait pouvoir donner cours à son imagination, c’était celui de la mise au point d’un nouveau carburant d’une performance jamais encore égalée. Pendant la phase d’écriture, mon rôle a été de répondre à toutes les questions techniques et scientifiques qu’il se posait. Nous avons alors beaucoup échangé par SMS ou par emails. Plus tard, quand j’ai lu scénario, je me suis dit : « c’est dingue, mais c’est chouette ». Nicolas avait tout fait pour respecter au maximum la réalité de la préparation et du lancement d’une fusée dans l’espace. J’étais en relation directe avec Christophe ou Nicolas pendant le tournage, notamment pour les séquences d’essais et de lancement de la fusée où nous échangions à distance pour commenter des séquences vidéos, puis je me suis rendu sur place pour la scène de la sortie de Jim dans l’espace. Les prises de vues étaient techniques et concrètes. On a beaucoup discuté sur une multitude de détails : par exemple sur la combinaison, ou sur la vision de la terre quand on est en orbite, comment reproduire le champ de vue, son défilement, son ensoleillement… On a cherché à être visuellement le plus vraisemblable possible.

Seule la distance de sécurité des personnes autorisées à assister aux essais du moteur n’est pas conforme à celle de vrais essais. Alors que dans la réalité, en raison du danger potentiel, elle est au moins égale à 1 km, dans le film, elle est de 30 mètres. Mais, pour des raisons de prises de vue, il était impossible de faire autrement. Ce petit arrangement avec la réalité est d’autant moins grave qu’au-delà de son enveloppe technique, reconstituée de manière très rigoureuse, L’Astronaute est avant tout le récit d’une aventure humaine. La vision du premier montage du film m’a bouleversé. Voir Jim se préparer puis réussir son vol dans l’espace m’a fait revivre ce que j’avais ressenti lors de mes propres missions spatiales.

Avez-vous été surpris qu’un cinéaste « généraliste » s’embarque, pratiquement seul, dans un film de fiction scientifique pour raconter la réalisation d’un rêve d’espace ?

Cela aurait pu m’étonner de n’importe quel cinéaste, mais pas de Nicolas, qui est loin de l’image qu’on se fait habituellement des réalisateurs. D’abord c’est un passionné d’espace et il a de bonnes connaissances en matière de propulsion. Ensuite, il est enthousiaste, porté, emporté même, par ses idées. Nicolas est quelqu’un qui est dans la transcendance, à la limite du mystique. Il est sensible à la connexion invisible aux choses. Je lui ai parlé de mon rôle de coach du troisième groupe d’astronautes de l’ESA après avoir été membre de leur jury de sélection. Ces éléments ont probablement nourri la réflexion de Nicolas, dans la personnalité de Jim et dans l’intervention d’un ancien astronaute, un peu décalé mais compétent, joué admirablement par Mathieu Kassovitz.

Êtes-vous un cas particulier parmi les ingénieurs en astronautique ?

Nous sommes tous différents, mais 90 % d’entre nous et de ceux qui travaillent dans l’aérospatiale sont des passionnés. Ils ne font pas ça pour de l’argent, ils ne comptent pas leurs heures. Ce sont souvent des idéalistes. La plupart d’entre nous construisions déjà dans notre enfance des micro-fusées. Et si certains postulent, adultes, pour aller dans l’espace, c’est avant tout pour concrétiser leur rêve et d’une certaine façon aussi, pour quelques-uns, une manière de se connecter avec l’invisible, c’est-à-dire le cosmos. Je me démarque probablement en sortant plus facilement de la démarche cartésienne habituelle de l’ingénieur rigoureux que nous sommes tous.

Photo7 2021 Nord Ouest Films Orange studio Artémis Productions Frères Zak