La région médocaine est riche de patrimoines de plus de 2000 ans, et cette commune avait la particularité de posséder les fondations d'un hôpital ayant servi de lieu d’accueil des pèlerins passant par la voie littorale des chemin de Saint-Jacques de Compostelle du 12ième jusqu'au 18ième siècle. Située à moins de 15km de la basilique de Soulac, Notre Dame de la fin des Terres inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco dans le cadre des chemins de Compostelle, la chapelle de Saint Jean-Baptiste de l'Hôpital fut reconstruite en 1880 sur les vestiges de l'hôpital de Grayan.
Au contraire d’être une contrainte, l’exigence stimulait l’imagination de l’artiste et il se voyait aussitôt parmi les jacquets entreprendre à son tour ce difficile voyage d’initiation qui mène à l’expérience de la transcendance.
Et c’est bien ceci le thème de la sculpture qui fut achevée en 2009. Elle symbolise le dur chemin du pèlerin menant de l’opacité à la clarté spirituelle. L’aménagement au sol qui entoure la sculpture fait allusion au chemin qui conduit à travers le Médoc, les Landes et les Pyrénées situant ainsi la commune dans le plus large horizon du pèlerinage.
Depuis ma jeunesse, j’ai entrepris des voyages que l’on peut considérer comme des préfigurations des voyages initiatiques. Chaque fois, il s’agissait pour moi d’aller vers l’inconnu dans le désir d’une expérience de la transcendance, comme je le dirais aujourd’hui. Je cherchais toujours, comme un pèlerin, mais sans déjà en avoir la conscience, le dur chemin qui devait me mener de l’opacité qui nous entoure et qui est en nous à la clarté spirituelle. Je m’apercevais plus tard que ce que je ne cessais d’entreprendre dans la réalité vécue n’était finalement rien d’autre que d’extérioriser ma démarche ascétique comme artiste. Il est vrai que pour moi l’art et la vie ont toujours été deux modes d’être inséparables. Novembre 2022, Walter Notz
Pour décrire la sculpture de Notz, les propos de l’artiste offrent une véritable indication de lecture de cette œuvre monumentale qui mène le spectateur du chemin concret à l’acte créateur en passant par la métamorphose progressive de l’homme quotidien en créateur illuminé.
Toutes ces expériences intérieures prennent corps dans la création de ma sculpture monumentale sur le thème du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle qui fut achevée en 2009. Elle symbolise ainsi ce qui, depuis toujours, a été le but de ma recherche artistique et que j’ai l’habitude de résumer en le paradoxe suivant : «Rendre visible l’invisible par le visible. » Novembre 2022, Walter Notz
Lecture de l'oeuvre des pélerins de Saint-Jacques à Grayan
Plusieurs lectures de l’œuvre sont possibles. A première vue, on remarque deux pèlerins découpés et leurs silhouettes ajourées. Le premier se retourne pour montrer au second la direction à prendre. Si l’on ne se tient qu’à ce que l’on voit, à savoir un simple dédoublement, l’on n’a devant soi qu’un petit nombre de pèlerins. Mais aussitôt qu’on laisse libre cours à son imagination, le petit groupe peut facilement se transformer en une foule de pèlerins. Les deux figures découpées symbolisent alors les pèlerins qui font partie de tous leurs semblables passés et à venir. Les deux silhouettes ajourées représentent comme leurs ombres qui se prêtent sans effort à cet agrandissement imaginaire.
La quête du pélerin : recherche intime et éveil personnel
L’esprit ainsi libéré, une autre lecture, toujours sous l’égide de l’imagination, devient possible. Les figures ajourées peuvent être considérées comme des personnages désincarnés ; exprimé plus précisément, elles représentent les deux pèlerins, mais aussi tous les autres indiqués ci-dessus, libérés de leurs corps et de toute matérialité. Elles sont l’image des pèlerins qui ont déjà passé le premier seuil du chemin vers la pure spiritualité. Alors, la topographie sur le sol prend à son tour un sens symbolique. Il désigne le chemin rocailleux, épineux, aride que le pèlerin doit parcourir pour atteindre à l’illumination. Il évoque ainsi la vie ascétique dans le renoncement et le dépouillement où rien ne distrait de l’essentiel.
A ce stade, l’imagination conduit le spectateur à une lecture des ombres et des personnages découpés plus approfondie encore. Les deux parties opposées se transforment maintenant en leur contraire. L’ombre silhouette est déjà la clarté et, en revanche, le pèlerin découpé est l’opacité. Ce qui semble évident, la découpe concrète, est opaque, et la silhouette noire est la transparence, le noir ou le vide d’où émane la lumière de la vraie vie.
Reste un dernier détail à observer. L’ombre silhouette du second personnage est placée derrière le premier et celle du premier derrière le second. Ainsi, il n’est pas seulement indiqué que le premier sera le dernier et le dernier le premier mais aussi qu’en fait, il s’agit toujours du même personnage. Cela revient à dire que la sculpture monumentale représente le moment crucial de l’illumination du pèlerin sur son chemin initiatique alors qu’en même temps, elle déploie cet instant dans son avènement successif. Ainsi, la sculpture du moment initiatique est-elle aussi la représentation monumentale de l’instant créateur de l’artiste lui-même. Finalement, force est de constater que toute lecture est possible dès que l’imagination a libéré l’esprit de l’homme et le guide suivant la logique interne de l’œuvre.
Article rédigé par Sieghild Bogumil, Reportage photographique ©VatarDeJ
Intégration de l'oeuvre dans l'espace public
L’œuvre d’art publique implique une prise en considération de son emplacement, environnement urbain ou rural, par exemple dans ce cas précis sur le rond-point de Grayan-l'Hôpital, la situation par rapport à la circulation, les angles de vue etc.Le devoir de l’artiste est de bien gérer l’argent public et de ne pas créer n’importe quoi, - si tant est que ce n’importe quoi est encore une œuvre d’art. Il s’agit donc de trouver un consensus entre l’œuvre d’art et le public.
L’œuvre d’art est toujours quelque chose de nouveau, d’inattendu, mais le goût du public change. L’œuvre d’art a donc toujours une résonnance éducative. C’est en cela que réside, comme dirait Victor Hugo, l’utilité du beau. En effet, qui dit œuvre d’art dit beauté.
Restauration en 2019 de l'oeuvre sur les jacquets en pélerinage
Toute oeuvre exposée en plein air est soumises aux aléas du temps, sous les formes les plus variées que le climat peut nous proposer sur les côtes du littoral atlantique, allant des intempéries au forte chaleur, de l'exposition continue aux ultra-violets, du vent iodé jusqu'au brouillard salin. Treize ans après son implantation à Grayan-l'Hôpital, une restauration s'imposait.
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Grayan-l'Hôpital, patrimoine
Les Amis de la Chapelle de Saint Jean-Baptiste de l'Hôpital participent à la restauration et sauvegarde du patrimoine local.
Notre Dame de la fin des Terres inscrite au patrimoine Unesco
La basilique du XII ième siècle d'architecture romane, ensevelie après des décennies d'oubli, ressurgit dans les années 1860 après un an de travaux de déblaiement du sable. Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France en 1998, elle se trouve sur la voie du littoral où les pélerins en provenance du nord de la Gironde, Saintes, Talmont arrivaient à Soulac par bateau après avoir traversé l'estuaire.
Reportage photographique ©VatarDeJ