Cette exposition a pris ses quartiers dans la galerie d'expositions temporaires du musée Despiau-Wlérick depuis le 17 octobre 2020 et restera visible jusqu'au 31 janvier 2021.
Ce temps permettra de découvrir une proposition artistique autour du thème de la danse et du ciel à travers des œuvres issues de la collection du musée Despiau-Wlérick proposées par Christophe Richard, conservateur du musée et Mathilde Lecuyé-Maillé, nouvelle directrice du musée, et des œuvres contemporaines (vidéos, installations, photographies) proposées par François Loustau, commissaire indépendant associé à l'exposition.
'' Cette exposition évoque une relation sensible entre la danse et les mouvements de l’univers. Les pas de danse, le tracé des mains dans l’air, les lignes suivies par les corps, sous le ciel, en écho au tournoiement des astres, aux éclipses, au scintillement des étoiles, dans l’ivresse cosmique. Alors le flamenco sous la Lune, la danse dans le vent, les derviches tourneurs entre ciel et terre, des chorégraphies enjouées dans la douceur de la nuit, tous ces rapprochements apparaissent au croisement d’œuvres contemporaines et de sculptures issues de la collection du musée. Dans le parcours de l’exposition, de la lumière à l’obscurité, les corps s’expriment, fusionnant avec les phénomènes naturels, dans l’euphorie d’un univers qui nous dépasse. '' commente François Loustau lors de notre visite.
Contraint d’annuler le festival initialement prévu en juillet 2020, le Conseil Départemental des Landes a concocté Les Rendez-Vous Arte Flamenco, une programmation automne/hiver à Mont-de-Marsan, Soustons, Capbreton, Mugron et Contis pour patienter jusqu’en juillet 2021. Avec cette programmation, le Département affiche clairement ses objectifs : faire vivre le flamenco dans les Landes jusqu’en juillet 2021, entretenir les partenariats locaux en adaptant et redéployant les actions initialement prévues en 2020 mais aussi soutenir les acteurs du spectacle vivant.
Pour le Musée Despiau-Wlérick et la ville de Mont de Marsan, cette solidarité avec les acteurs culturels du territoire est essentielle. Cette collaboration innovante a permis d’explorer les moyens d’adapter l'offre culturelle au contexte particulier de cette année 2020, afin de garantir l’accès du plus grand nombre à la culture et d’offrir de nouveaux espaces d’expression aux artistes du spectacle vivant et des arts visuels.
Dans ce contexte collaboratif expérimental, la danse - esthétisation du mouvement qui transforme le corps humain en œuvre d’art vivante - s’est imposée naturellement comme le fil rouge de l’exposition. Ce thème a inspiré les artistes de multiples manières à partir du début du XXème siècle. Sujet par excellence de sculpteur, dont tout le jeu consiste justement à « pétrifier » la qualité expressive ou esthétique d'un mouvement, la danse est bien représentée dans les collections du Musée Despiau-Wlérick.
Christophe Richard, le conservateur en chef et Mathilde Lecuyer-Maillé, la nouvelle directrice, ont proposé au commissaire François Loustau de travailler autour d'une quinzaine de sculptures représentants des danseurs et des danseuses, exécutées par des artistes de la première moitié du XXème siècle emblématiques des collections du musée, comme Léopold Kretz (1907-1990), Robert Wlérick (1882-1944), Marcel Mérignargues (1884-1965), Hubert Yencesse (1900-1987).
François Loustau a fait écho à cette sélection en réunissant des artistes contemporains dont les œuvres « abordent les relations sensibles entre la danse et les mouvements de l'univers ». L’idée de cette exposition est d’établir des connivences entre les gestes de la danse et le grand ballet de la nature. Le vent, les marées, les éclipses, le jour et la nuit, l’orbite des planètes sont autant d’éléments qui jouent sur des phénomènes d’attraction, de trajectoire, de rotation. Comme une grande chorégraphie universelle. Le prisme pluridisciplinaire de l’art contemporain permet à l'exposition de faire un pas de coté par rapport à la distanciation parfois intimidante de l’histoire de l’art. Danse danse avec la lune est une proposition, un parcours vibrant et sonore, associant sculptures, installations, vidéos et peintures. Cette sélection à plusieurs voix aborde la danse grâce à un spectre très divers de disciplines, renforçant le positionnement de l'exposition comme passerelle expérimentale avec les arts du spectacle vivant. La dimension immersive du parcours interroge les notions d’espace scénique et d’espace muséal et invite les visiteurs à devenir des « acteurs » de leur visite.


Parmi les artistes contemporains présentés, Laurie-Anne Estaque (1972, vit à Felletin, Creuse), a ainsi conçu l’accrochage de sa série Eclipse comme une installation s’amusant de superpositions de couleurs. Benjamin Artola (1987, vit à Bayonne) présentera sa toute nouvelle série de peintures évoquant couchers de soleils et trajectoires intersidérales. Non loin, La Danse (Hommage à Edouard Lalo) et Les Vendanges, deux bas-reliefs de Robert Wlérick (1882-1944) issus des collections du musée introduisent la présence de la Lune et le cycle des saisons.
Ces rapprochements posent parfois un éclairage inédit sur le rapport du flamenco à la création contemporaine. La gestuelle particulière du flamenco est bien sûr évoquée classiquement, par deux petites terres cuites de Gilbert Privat, (1892-1969), Fandango et Séguédille, issues des collections du musée Despiau-Wlérick. Le flamenco s’invite aussi dans l'art contemporain : deux œuvres vidéo de l'artiste Julie Chaffort (1982, vit à Bordeaux), Barque et Jour blanc, mettent en scène des danseuses en proie aux éléments naturels et on ne sait pas si elles luttent ou dansent avec eux. L'émotivité dramatique et la gestuelle puissante du flamenco servent ici un propos métaphorique et poétique sur la condition humaine, oscillant sans cesse entre la lutte et l'adaptation.
Placée sous le signe de la Lune, l'exposition plonge progressivement le visiteur dans l'obscurité : astre de la nuit qui rend toute chose banale magique, la Lune est associée aux danses ésotériques des derviches, aux transes mystiques des chamanes, des bacchantes et autres sorcières, qui permettent au corps de communier avec le cosmos. Dans la vidéo Dots (2012), des frères Florian et Michael Quistrebert (nés en 1982 et 1976, vivent entre Paris et Amsterdam), le point de vue zénithal réduit les mouvements d'un derviche tourneur à un point blanc abstrait se déplaçant sur un plan noir. La chorégraphie rituelle rigoureusement codifiée des derviches se fonde sur des modèles mathématiques abstraits de représentation du divin, observés dans le courant musulman Soufi. Des mouvements géométriques circulaires répétés permettent aux danseurs d'atteindre un état de transe mystique, grâce auquel leur corps, purifié de leur esprit, entre en communion avec le cosmos et devient le véhicule du divin.
Traditionnellement, la main droite des derviches est orientée vers le ciel et leur main gauche désigne la terre. Les danses concentriques des derviches se retrouvent dans le tracé des délicates ellipses de l'installation Pendulum, de Simon Rulquin (1982, vit à Bordeaux), présentée dans l'exposition. Actionné par l'artiste, le balancement de ce pendule géant devient régulier sous l'effet de la gravité, qui règle naturellement son mouvement sur celui impulsé par la rotation terrestre. Les ellipses dessinées par la pointe du pendule, rendent visible ce mouvement imperceptible pour le corps humain conscient. Comme celle du pendule, les chorégraphies tournoyantes des derviches se calquent intuitivement sur celle des planètes, cette ronde parfaite et immuable inscrite dans les entrailles même de l'Univers : autour du Soleil, la Terre, autour de la Terre, la Lune...
La Lune est aussi le compagnon des bals de nuit, ces grandes manifestations de catharsis sociale et populaire où la danse et la musique libèrent les corps. Dans Dance (all Night, Paris) (2011), l'œuvre vidéo de Mélanie Manchot (1966, vit à Londres) qui clôt l'exposition, des danseurs équipés d'un système de sonorisation au casque règlent chacun leurs pas au son de musiques différentes, sous de désuètes lumières de guinguette. Plongé dans le noir, le spectateur de ce bal perçoit les bruit intimes produits par le mouvement des corps, les souffles courts, les bruissements d'étoffes...On a parfois l'impression qu'on ne devrait pas être là. La diversité des danses se réunit sous un même ciel. L’acte de danser en public, ainsi dépouillé de son décorum musical festif, s'appréhende dans ce qu'il a de plus complexe et de plus humain : une expérience individuelle et sociale, intime et exhibitionniste.