.... un trait sûr et précis, et néanmoins sensible, la donne à voir dans ce fonds exceptionnel commandé par les Archives départementales des Landes. Le propos de cette exposition est de se pencher sur la manière de Dominique Duplantier à travers laquelle il met en évidence l’architecture des Landes dans un département aux paysages multiples. En effet, c’est bien le traitement stylistique de l’architecture locale par ce dessinateur landais qui donne une unité à des édifices dispersés sur un territoire aux multiples visages.
Son travail autour des fragments mobiliers, des façades, les vues en perspective, les plans ou les paysages, réalisés au crayon à papier et à l’encre, puis mis en couleur par l’aquarelle, tout concoure à composer un ensemble architectural cohérent et reconnaissable, alors même que chaque « pays » reste distinct par l’originalité de ses formes ou de ses matériaux. En véritable artisan du dessin d’architecture, Duplantier est passé maître dans l’art du portrait de villes et de bâtiments : il propose ici une image des Landes subtile mais fragile. Paysages et bâtis y sont encore relativement préservés, mais pour combien de temps ?
Le fonds Duplantier des Archives Départementales des Landes en gardera en tout cas la trace… Rencontres avec les artisans d’art, conférences autour des formes de bâtis en Chalosse et dans les Landes, maquette tactile et pédagogique : au cours de ce « Temps du Bâti », le Musée de la Chalosse vous ouvre ses portes et vous accueille, littéralement, dans ses murs…
Poyanne, 2014, Dominique Duplantier
Fragments…
« (…) dans un dessin d’architecture, [le trouble à l’origine exacte de l’émotion artistique] est réduit à quelque chose d’infime, sinon la finalité même du dessin qui est d’énoncer des formes architecturales serait omise (…). » (RECHT, 1995)
Pourtant, comment ne pas se sentir ému au regard du trait de Dominique Duplantier, qui saisit dans ces fragments d’architecture aussi bien, et avec la minutieuse précision de sa manière, la mémoire formelle des motifs en fer forgé ornant les balcons montois, que toute la solitude, l’abandon douloureux d’un escalier en état de délabrement. C’est que l’homme est bien dessinateur et non pas architecte…
L’Histoire de l’art du dessin nous apprend que cette discipline, longtemps assujetti aux autres arts tels que la Peinture, la Sculpture ou encore l’Architecture n’a pris son indépendance qu’au 19e siècle pour devenir non seulement le fondement de tous les arts, mais aussi un art à part entière, à tel point que son enseignement devient essentiel à la formation de base de tous les artistes. Mais un dessin ne résulte pas de la seule mise en oeuvre d’une technique : il s’agit plutôt d’une stratification d’interventions à partir d’éléments matériels tels que les matériaux employés (crayons, pastels, fusains, etc.), les outils d’exécution (plume, gomme, pointe métallique, etc.) et les supports (papier, carton, parfois parchemins).
Au 20e siècle, deux approches du dessin viennent dépasser la seule prise en compte de la technique, largement remise en cause par les Impressionnistes qui se sont affranchis de tout dessin pour produire des images à partir de seules taches colorées.
La première tendance parle de démarche, de croquis et fait du travail préparatoire une oeuvre véritable, considérée comme finie. La seconde revendique la création à travers l’impulsion du geste, matérialisant la liberté de l’artiste. On peut considérer que Dominique Duplantier se situe dans une certaine tradition, puisqu’après des études d’histoire à Bordeaux, il intègre les Beaux-Arts de Paris où il s’initie à la gravure, technique qui l’amène à produire des dessins denses, où la ligne se fait très présente.
Sa carrière de dessinateur débute en 1973, avec sa participation à l’exposition « Drôle de solitude » avec les dessinateurs d’humour Reiser, Chaval, Mose ou Bretecher. Il réalise des bandes dessinées pour les magazines Zinc et Charlie Mensuel. Parallèlement à des réalisations d’affiches et de dessins pour la publicité, il continue une oeuvre personnelle où la vision poétique transcende le sarcasme et l’amertume. Son trait se fait plus synthétique mais reste marqué par une précision incisive. On trouve ce type de traitement dans certains paysages qui composent la dernière partie de cette exposition.
Geaune, 2012, Dominique Duplantier, cote 40FI5/20, Archives Départementales des Landes Son installation définitive dans le Sud-Ouest en 1977, et sa rencontre avec Claude Aubert, architecte chargé de la rénovation du quartier Saint-Pierre à Bordeaux l’oriente vers des dessins de ville. Il réalise des plans axonométriques de Bordeaux et de Bayonne et publie son premier ouvrage sur Bayonne en 1980 avant de dessiner la ville de Pau.
En 1988, à la demande de Pierre Marchand, il crée un atelier à Bayonne afin de participer à l’illustration des Guides Gallimard. Avec une équipe de cinq dessinateurs, il élabore une cinquantaine de plans et villes ainsi que de nombreux dessins d’architecture. C’est dans ce type de productions qu’on perçoit cette dimension de croquis devenu oeuvre, à travers des images dont on a l’impression qu’elles sont réalisées sur le motif.
Or il n’en est rien : pour ces portraits de villes et de maisons qui sont devenues une véritable signature, Dominique Duplantier travaille uniquement en atelier. Il prend des notes, des photos du motif, et travaille méticuleusement à la reconstitution de la vision qu’il a eu d’un bâti, d’un site ou d’un paysage et donne le sentiment au spectateur d’une merveilleuse spontanéité.
Saint-Sever, 2013, Dominique Duplantier, cote 40FI5/74, Archives Départementales des Landes