En écho aux thèmes historiques et sociaux abordés dans son parcours permanent, le Musée de la Chalosse aborde les aspects contemporains de la ruralité à travers un programme exigeant d’expositions photographiques.
C’est ainsi que, depuis 2010, ont été proposés Village People. Goos de Jean Hincker, La Terre des Paysans de Raymond Depardon, La profondeur des champs de Daniel Maigné, L’anciana via de Kalou Foix ou encore Les Auvergnats au foirail de Robert Doisneau. C’est dans cette même dynamique que le Musée de la Chalosse accueille Lous Darrèrs Chalossés de la photographe Marie Afdjene, du 17 février au 17 mai 2015.
Marie Afdjene - Georges, éleveur de veu sous la mère
« Lous Darrèrs Chalossés ou Les derniers Chalossais est une exposition mettant en avant des hommes et des femmes qui tentent tant bien que mal de faire perdurer des savoir-faire et des coutumes qui sont profondément modifiés voire qui disparaissent. A travers ce reportage, je désire amener les différents observateurs à avoir une autre vision des Chalossais et de la Chalosse, à lutter contre les stéréotypes et les préjugés établis à leur encontre. Enfin, je veux rendre hommage à ces personnes car elles m’inspirent un profond respect. Je souhaite qu’à travers ce témoignage elles puissent se voir différemment, se valoriser et valoriser aussi leur travail qui parfois peut s’avérer difficile et ingrat. » Marie Afdjene
Une douzaine d’objets issus des collections du musée viennent illustrer les thèmes abordés par les 70 clichés noir et blanc de la jeune photographe, dont l'oeuvre se fait trait d'union entre la Chalosse d'hier et d'aujourd'hui, et nous rappelle que le regard des artistes est l'un des meilleurs catalyseurs des choses du passé pour comprendre le présent et envisager l'avenir.
La photographie ou l'art de la rencontre
Par Marie Dourthe, Directrice du Musée de la Chalosse
Marie Afdjene approche son travail de photographe en proposant une synthèse toute personnelle des différentes dimensions de la photographie.
Depuis son invention au début du 19e siècle et son avènement comme genre artistique majeur au siècle suivant, la photographie oscille entre une prise en compte objective du réel, dont se réclament les courants documentaires et photo journalistiques, et une recréation, une transfiguration de la chose vue à travers le prisme de l'objectif [pictorialisme, photographie subjective, etc.). La photographe conjugue ainsi dans son oeuvre artistique comme dans sa pratique professionnelle, reportages sur le terrain, clichés pHs dans le vif de l'action, et prises de vues posées, centrées sur des personnages qu'elle dévoile. Cette proposition instinctive et d'une spontanéité revendiquée ne s'embarrasse pas de discours analytique ou historique. C'est donc ici à une expérience rafraîchissante, ouverte aux interprétations personnelles, à laquelle le spectateur est invité.
Pour Marie Afdjene, ce qui fait oeuvre, c'est le tirage final, qui lui permet bien souvent de poursuivre le lien créé avec le sujet représenté par la matérialisation de l'image élaborée ensemble. Car la rencontre, l'échange, la réciprocité de cet échange font partie intégrante du processus de création, comme le fait de valoriser la personne représentée ici grâce au média photographique.
Devant ces images, composées en dyptiques [le portrait / l'activité) enrichis de tirages sur des détails pour cette exposition, on se sent interpelé par la photographe : elle nous alerte sur la fin d'un monde, dont il est crucial de conserver le souvenir, à défaut de pouvoir le sauver. Elle invite le spectateur à s'intéresser à ses sujets, qu'elle dépeint avec tendresse, et veut susciter le même intérêt, la même curiosité pour leurs savoir-faire qu'elle découvre elle-même bien souvent lors de ces rencontres.
En tant que lieu de conservation et de transmission des traces matérielles et immatérielles du patrimoine chalossais, le Musée de la Chalosse se devait d'accueillir et de faire dialoguer ses collections avec ce travail d'une vitalité réjouissante, pourtant fondé sur une inquiétude face à la disparition silencieuse d'une génération dépositaire de savoir-faire oubliés, et sur une urgence, la sauvegarde de cette mémoire.
Marie Afdjene - Canard attendant la gavage