Petite histoire du flamenco
Sources Sandoval, Gabriel, 2003, flamenco attitudes, Editions Solar
L’histoire flamboyante du flamenco est faite de grandes individualités, de grands destins souvent chargés de peine (comme celui de la danseuse Carmen Amaya ou, plus près de nous, du chanteur Camarón de la Isla), de douleurs et de nostalgies. Mais le flamenco est surtout l’expression musicale d’une région, l’Andalousie, d’un peuple, les Andalous, qui ont créé un art que les gitans ont profondément influencé par leur frénésie de vivre, leur sens de la fête et du spectacle.
Cet art, en perpétuelle évolution, rayonne aujourd’hui dans le monde entier. Il y a dans le flamenco, tout comme dans le blues, les chants arabes ou africains, un mystère, un frisson chargé d’une émotion universelle, celle de la voix gardienne du passé d’un peuple, d’une communauté qui nous parle, qui nous émeut, sans que l’on soit ni spécialiste ni érudit en la matière. […]
Plaçons-nous devant un olivier, devant cet arbre flamenco, et plongeons nos mains dans la terre fertilisée par tant d’influences orientales et occidentales, à la recherche de ses racines ; levons les yeux au ciel pour suivre ses branches, danseuses andalouses aux allures guerrières. L’imaginaire inconscient du cante jondo (« chant profond », terme dont on se sert depuis le début du XXe siècle pour désigner le flamenco originel), le mystérieux métissage des sonorités andalouses, juives et arabes, en totale communion avec la danse et la guitare, nous transportent à chaque fois au centre de cette envoûtante fête flamenca, familiale et universelle. […]
Au XVIe siècle, les gitans fascinaient déjà les peintres, comme en attestent les toiles du Caravage ou de Bosch. En Espagne, dès 1613, le grand Miguel de Cervantès témoigne des moeurs et coutumes gitanes dans La Gitanilla (Nouvelles exemplaires), instantané magique des premières manifestations du flamenco au rythme des romances, ancêtres des tonas.
La mode espagnole a déferlé en Europe au cours de la première moitié du XIXe siècle, à travers la littérature des Romantiques qui ont voyagé dans la péninsule ibérique ou qui ont tout simplement décrit une Espagne fantasmatique : Chateaubriand (en 1807 à Grenade), Victor Hugo (Les Orientales, 1828), Balzac (El Verdugo, 1830), Musset (Contes d’Espagne et d’Italie)… Plus tard, Théophile Gautier (Voyage en Espagne, 1843), Gustave Flaubert et Alexandre Dumas se sont également passionnés pour l’Espagne ; mais c’est le peuple andalou, son mode de vie et surtout celui des gitans qui ont inspiré leurs écrits. […]
Le chant flamenco originel ne s’est pas développé dans un univers musical espagnol inexistant ; au contraire, il s’est nourri des chants et de la musique populaire andalous. Ses premiers cris ont parfois été solitaires, empreints de la souffrance inspirée par les grandes tragédies universelles de l’homme, et plus particulièrement de toutes les communautés marginalisées ; mais la fête et le sens du partage les ont également illuminés.
Le chant flamenco s’est transmis oralement au sein des clans sociaux bien déterminés (gitans, paysans, bandits, gens du voyage), généralement a cappella, mais parfois accompagné de danses au son des tambourins ou des crotales – la guitare ne viendra l’enrichir que bien plus tard. Son universalité réside, entre autres, dans sa thématique et sa densité émotionnelle. […]
Tous les drames de la vie, les sentiments les plus profonds, les émotions les plus intimes constituent la sève nourricière du flamenco, qui joue ainsi un rôle de catharsis. Aujourd’hui, le flamenco connaît un véritable renouveau et irradie le monde, grâce à l’inventivité nourrie de tradition des artistes contemporains. Mais il ne suffit pas de s’installer dans un fauteuil pour écouter ou voir du flamenco. Le flamenco est avant tout une façon d’être, une attitude de vie, une expression de l’émotion profonde de l’être humain. […]
Du chanteur El Planeta, de la période primitive, au danseur Antonio Gades et au charismatique et révolutionnaire chanteur Camarón de la Isla, le chemin a été douloureux, torturé, pavé de compromis, de convulsions libératrices et d’émotions festives. Ils ont été nombreux ceux qui, par leur voix, leur guitare ou leur danse ont contribué à structurer cet art sans le momifier, à le polir sans le dénaturer, à le modifier sans le détruire. Le flamenco appartient désormais à ceux qui lui donnent vie, aux artistes eux-mêmes. […]
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