La danse est une poésie muette." Simonide de Céos ".
Vivre |
L’un contre l’autre Si je pouvais prendre ta main une seule fois La poser sur mon front quand j’ai peur la nuit, Si je pouvais enlacer ton âme une seule fois Et la rendre heureuse à chaque fois que je souris, Alors je n’hésiterais pas à ouvrir tout mon univers au tien. J’aimerai que tu me frôles jusqu’à ce que je frissonne. Sache qu’en ce moment je suis éparpillée aux quatre vents, Rassemble moi en douceur, reconstruis moi de tes mains, Fais moi plus solide par tes élans d’amour pour chaque lendemain. Ne renonce pas à caresser mes cheveux ils sont à toi, Ils forment une auréole de lumière autour de ton visage Et je sens que l’éternité après tout n’est pas si loin. Quand je vois tes épaules j’imagine des forteresses Dans lesquelles je me réfugie contre les coups du sort. Viens vers moi encore, même à pas feutrés, même la nuit tombée, Je suis couchée au bord de la route à te dessiner patiemment J’ouvre les grains et les galets pour t’y trouver Et ton sourire me ramène vers la nonchalance des enfants. J’aimerai que tu me frôles jusqu’à ce que je renaisse A l’amour à la mort je suis liée par toutes mes veines à ton être A l’amour à la mort je serai contre toi Tout près, tout doucement, tout contre toi. |
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Rouge vif Me voilà la tête nue dans tes mains tremblantes Tu connais le poids des doutes posé sur mes épaules. J’ai mis ma robe rouge, je suis une flamme, Je me sens flamboyante comme un coquelicot. Je vais tout faire pour garder la tête haute Et si je la baisse, promets moi de la relever encore. Tu as mis ta robe rouge, tu deviens un soleil magenta Majestueuse, tu réchauffes mes sourires et mes éclats de joie. Nous sommes en robes rouges comme un seul cœur ouvert Comme un sang qui palpite dans des veines enthousiastes. C’est cela vivre, c’est sentir cette pulsation rythmée Qui nous dicte tous les pas de danse inspirés et intenses. A chaque battement de cœur, Nous donnons un mouvement sur scène A chaque respiration, Le sang tourne en nous comme nos robes jumelles. C’est merveilleux d’être en vie, Les hommes l’oublient souvent tu sais Mais ce soir dans nos robes rouges, promets moi encore Que nous allons crier au monde entier Combien nous sommes vivantes, Vivantes, vibrantes comme une seule palpitation infinie. Ton horizon est le mien Regarde moi bien, accroche ton regard au mien Nous nous ressemblons comme deux plumes au vent Nous avons le même chemin inscrit dans nos veines. Ecoute mon souffle, je respire comme toi Des milliers d’étoiles nous ont envahies ce soir. Je glisse ma main sur ton visage pour effacer tes larmes Je les conserve au bout de mes dix doigts Et je dessine des paysages liquides avec tes sanglots Ils se remplissent alors de soleil et de champs de jonquilles. C’est ensemble que nous sommes des âmes fortes Ne laisse personne t’inventer une différence Tu es mon double et j’en suis sûre tu me ressembles. C’est dans la lenteur et dans l’émotion Que nous dansons face à face, côte à côte C’est par nos gestes que nous détruisons la haine des hommes. Je sais que nous avancerons main dans la main Dans les chemins boueux et dans les lumières sereines. Nous garderons le poing levé contre l’ignorance Et nous embrasserons le front de ceux qui espèrent Notre chemin ira plus loin, notre force ira plus haut. |
A travers les bleus
Je m’appelle Céline. Rien d’extraordinaire à cela mais quand je mélange les lettres de mon prénom, je deviens Enciel. C’est ce qui me rapproche des anges et du ciel vous diront certains et ils ont bien raison je crois. Enciel est légère, si Céline est malade et en traitement, Enciel, elle, danse toujours aussi légère. Quand je deviens Enciel, je fusionne avec le bleu du ciel, cet azur unique et j’en oublie les bleus à l’âme et le blues de certains soirs. Mon corps a eu des bleus aussi mais Enciel les transforme en contes bleus, en bleuets ou en saphirs. Quand j’ai une peur bleue de souffrir, je m’habille de ciel bleu et d’or bleu, je deviens océan et nuage à la fois et la peur s’enfuit, noyée. C’est vrai, je me suis fait avoir comme une bleue par la maladie mais elle va s’incliner devant notre force, le crabe ne se mesure pas à l’océan il s’y soumet. Je crée des papillons bleus, de l’encre bleue pour écrire sur les lacs, des myosotis, des martins-pêcheurs ou des baleines bleues et je vais mieux. Enciel est une petite fille et j’écoute ses promesses, elle aime les gens, elle aime la vie profondément. Cela me donne la force d’avancer malgré les bleus - Enciel m’aide à ouvrir à chaque regard un nouvel espace de l’azur. Je sais que je vis sur la planète bleue et je veux y vivre encore longtemps. Face à la tristesse, aux doutes ou aux peurs bleues, je me répète « Laisse Enciel, laisse tout cela de côté, laisse Enciel » et je me tourne toujours plus vers l’essentiel. N’oubliez pas, danser me permet d’accéder au ciel, souvent au ciel bleu d’ailleurs, à chaque mouvement je deviens immortelle et je vous entraînerai dans cette éternité coûte que coûte, goutte à goutte. |
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Crépuscule La nuit tombe et trois silhouettes émergent Dans un chaos de tissu noir sans forme. Voici un visage, puis un autre que l'on devine Entre chien et loup, la lumière est sombre. Une danseuse s'avance et tournoie seule Les deux silhouettes au fond sont rattachées Par une longue bande de tissu élastique, Cordon ombilical de la nuit entre deux âmes. Le tissu noir se tend, se gonfle et s'envole Le ventre féminin tout à coup se dévoile Comme une mélodie du centre essentiel, Le ventre blanc comme seule lune au crépuscule. Les danseuses virevoltent une à une habitées Par une nuit qui s'installe en elles lentement. Rassemblées, elles se courbent en arrière Les unes contre les autres, les cheveux abandonnés La nuit tombe et les trois silhouettes émergent Blotties, portées, ventre lumineux et yeux fermés. |
Échange
Figures blanches et figures rouges se rencontrent |
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Amour amor Voilà ma robe rouge d’opéra et ses voiles, Je te la remets comme un trésor mon amie. Danse ce soir, étoile unique, Pour ton frère qui s’est envolé Vers cet au-delà lumineux. Porte ma robe sur scène tu veux, Tu danses seule mais je serai là mon amie, Ma robe sera moi, elle t’enveloppera, Te soutiendra, t’admirera. Tu danses seule mais nous serons là La scène sera nous, elle te portera. Tu danses légère face au fardeau lourd, Tu illumines face à la noirceur du chagrin, Tu resplendis, fragile et solide. Ton frère te regarde, immensément beau, Terriblement absent, magiquement là pourtant. Quand tu tombes c’est toute la souffrance que tu portes Quand tu t’élances c’est toute la splendeur que tu répands. Vole, vole, petite aile, vole hirondelle, Lance ta robe comme un rire chatoyant Lance ta jambe comme un espoir inchangé. Nos larmes ont été les tiennes tu sais, Mais ta beauté nous sauvait de la torpeur. Petite sœur, mes sanglots étaient dans ma robe C’est pour cela qu’elle coule si bien sur toi. Tu demandes à ton frère de retrouver la lumière Mais il ne l’a jamais perdue, il l’a sous ses yeux Toi sa lumière qui danse, qui donne et qui crie en silence Tout ton amour pour cet absent qui t’inspire, Toute ta grâce pour ces vivants qui t’admirent. Petite sœur, ton courage est beau, magnifique même, Et la trace rouge de ta danse coule encore dans notre sang. |
Amour amer Toi la jeune fille blessée par l'amour Toi qui as perdu l’illusion du bonheur Apprends nous à danser ton monde intérieur. Regarde nous dans nos robes roses, légères, Nous sommes deux papillons féminins sans diadème Et nos partenaires en noir sont l’espoir de l'échange. Trouve la Dans chaque battement de cœur Dans chaque souci Garde la encore dans ton cœur Notre quatuor explore l'espace de la rencontre La fille en robe satinée et l'homme en noir se découvrent Et cela en miroir, de part et d'autre de la scène. Le mimétisme nous rend universelles et différentes pourtant Tu es la femme d'un couple désuni, en souffrance, en errance Je suis la femme d'un couple en harmonie, en osmose, en écoute. Comment quelqu'un peut-il se sentir comme nous là-bas ? As-tu perdu le rêve qui était dans nos mains ? Notre couple est porté vers un ciel ensoleillé pourpre Et quand je touche les astres, toi tu tombes à terre, désastre, Le visage en sang et le coeur en cendres. Reviens vers moi, l'image de ton miroir, de l'autre côté, Je suis Alice au pays des merveilles de l'autre côté Et tu restes la petite marchande d’allumettes, rejoins moi. Les voiles roses nous dévoilent dans nos couples Le voile me sert de coiffe de mariée, de tissu vers les étoiles Le voile te bâillonne, t’emprisonne et te cache. Notre quatuor accélère, nous sommes à l'unisson Je me retrouve face à toi, les mains contre les tiennes Mais tu ne traverses pas le miroir, tu hurles à la place Une dernière fois tu tombes, seule au milieu de la scène en crise Perdue au milieu des peintures de femmes solitaires grises Tu t'enfuis et je ne peux rester - est-ce ton temps ou le mien ? Est-ce notre temps ? Je suis portée vers les étoiles, mon voile de mariée à bout de bras Et de là-haut je te vois par terre les yeux en larmes L’âme en exil et le corps en fœtus. |
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Danse des quatre éléments Les quatre amazones forment un seul arbre, Elles ont un corps de terre et de glaise Elles portent du lierre dans leurs cheveux Comme des bacchantes danseuses, des ménades unies. Au bout de leurs doigts, elles portent des branches Le bois pousse au-delà de leurs mains, de leurs ongles Elles élèvent leur écorce vers le ciel émeraude. Elles étalent de l'argile au creux de leurs paumes, Puis sur leurs jeunes visages de dryades enfantines, Et l'argile verte glisse sur l'intérieur de leurs bras. L’air se lance sur scène, en blanc, en voile irisé Tout en suspension, en souffle et en respiration Portant la légèreté et le vent dans leurs mains. Yulunga les chants profonds soulèvent les visages Et les bras se tendent vers le ciel, les arbres poussent. Les notes des percussions explosent la lenteur alanguie Les amazones deviennent des danseuses tribales Elles battent le rythme en tapant fort du pied Faisant résonner les battements de coeur du monde. L'eau coule sur scène, gouttes liquides bleues, Et roule autour de l'air et de la terre, Gouttes de rosée, vagues, pluies et rivières. Les flammes jaillissent, groupe incandescent Un clan dansant le feu dans sa flamboyance Sauts de rouges, d'oranges et d'ocres mélangés Explosion d'énergies volcaniques et lave de braises. L'air et la terre s'entrecroisent et cheminent Au milieu des retours de flamme et des ruisseaux. Je tue ma soeur-amazone avec mon arc et ma flèche Elle tombe blessée et elle me tue à son tour Je me fige le lierre en sang, elle me porte sur son dos - Nous avons dansé comme quatre guerrières de la forêt Imitant les arbres, le vent dans nos branches, la sève en nous, Quand nous renaissons sur scène, Des feuilles sont dans nos ventres. Les quatre éléments se balancent au même rythme sacré Sur la dernière note nous, les amazones, Accouchons de la verdure À genoux, nos branches laissent tomber la verte fertilité Et tous les éléments lèvent les bras au ciel ensemble Pour rendre un mystérieux hommage au monde Et à ses forces. |
Guernica J'ai attendu, j'ai attendu longtemps Dans l'ombre sombre des tours brunes Dans l'ombre sombre des tours de pluie Vous me verrez attendre toujours Un jour il reviendra Par-dessus les mers, par-dessus les champs Tout est immobile sauf le regard. La condamnée aux yeux bandés entre, Se repose sur l'épaule bienveillante Saute au cou de la protection masculine Et se renverse contre l'homme agenouillé, Le tableau alors s'ouvre et se meut, Respirant par sa gravité et ses larmes De sa noirceur et de sa candeur, il émeut Dénonçant l'horreur du sang et des armes. Les danseurs vêtus de noir se ressemblent Ils portent au bout de leur bras la guerre Et tout son cortège de souffrances. La chute et l'envol se dessinent Entre toutes les lignes horizontales. Les jambes, élevées vers le ciel, prient Comme les imposantes cornes du Minotaure Implorent la fin des meurtrissures. Tous les danseurs sont au diapason La course de l'un, le saut de l'autre Puis tout est immobile sauf le regard. Un jour il reviendra, Par dessus les campagnes, par dessus les mers Reviendra le vent vert Et emportera avec lui mon cœur blessé M'emportera sur les chemins Il reviendra, chargé d'embruns Dans l'ombre sombre des tours noires Grâce à son souffle, je serais emporté Loin dans le courant, dans un autre pays Je serais emporté, grâce à son souffle Loin dans le courant, selon son désir Selon son désir, loin de ce monde Entre la mer et les étoiles Les hommes s'affrontent torses nus, âmes nues, Et tombent à terre comme des frères. Les danseuses, statues ombrageuses, se lamentent Pleurent avec leurs bras, leurs mains et leurs visages. La colombe est fusillée en plein vol Les danseurs tombent à terre comme des frères. L'enfant meurt sur scène, criblé de blessures, La mort lui dépose un linceul léger Pour cacher davantage l'émotion à vif. Les hommes portent le martyre à bout de bras Et sous ce portique humain, les femmes passent Les larmes aux yeux, les coquelicots à la main Pour oublier toutes ces vies qui, une à une, trépassent Sans connaître la belle promesse des lendemains. Picasso reconnaît l'effroi dans leurs pupilles Et elles traversent cette porte qui mène au deuil. Une nouvelle porte alors s'érige et se forme Les bras tendus vers le ciel hissant les coquelicots Les têtes vers le ciel pour y retrouver la colombe L’espoir peut alors renaître, les danseurs ont donné Leur grande émotion, leur souffle et la fraternité. |
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Hommage Oiseaux blancs, battez des ailes ensemble Comme un nuage à plusieurs visages. Portez votre gant blanc jusqu'au coude Et sentez l'air qui l'entoure encore. Balancez vos têtes, balancez vos corps Réapprenez la légèreté et l'abandon. Lancez vos bras tout autour de la scène Imitez les ailes des oiseaux clairs Et l’écume liquide qui ondule. Rendez hommage à celle qui guide Qui entoure de sa présence maternelle. Oiseaux blancs, battez des ailes ensemble Les limites de la scène n'existent plus Seul l'horizon s'inscrira dans vos respirations. |
Impatience Nous voilà sous les horloges insoutenables, Toi mon double qui attend avec moi sur scène Impatiemment. Un seul de nos bras, une seule de nos jambes Portent des bas noirs et nous nous ressemblons Et nous formons un seul corps de danseuse. Nous sautons, nous glissons ensemble Et nos bras imitent les aiguilles des montres Impatientes nous lançons nos têtes partout. Je te porte sur mon dos, tu deviens le temps Et ta jambe tendue vers le ciel rappelle le zénith Comme si les horloges s'étaient arrêtées : C’est là que commence l'impatience. Notre bouche ouverte sur scène crie Crie encore combien nous sommes la jeunesse Combien nous voulons tout vivre et tout de suite. Toi mon double tu danses ivre avec moi sur scène Toi aussi tu détestes le temps qui passe Et pourtant malgré tous les jours perdus Nous continuerons à danser toujours Impatientes de recommencer encore Impatientes de se ressembler à jamais. |
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Insomnie Insomnie, toi, masse rouge aux mille chaînes, Tu rassembles dans ta caverne sans fin Toutes ces âmes dans un état de léthargie Qui somnolent sur scène et s'éveillent nombreuses. Le grand corps rouge enchaîné se déploie En dix danseurs, prisonniers de la nuit vorace. Puis pareils à des esclaves de la torture nocturne Les danseurs tapent ensemble de leurs pieds enchaînés Faisant résonner ce sang qui pulse sous les paupières Quand ces âmes cherchent le sommeil et qu’il se dérobe. Les chaînes se tendent et tombent lourdement Refermant le piège sur les âmes insomniaques, Dans un fracas métallique et un rouge démoniaque. La ligne de danseurs se forme, esclaves qui errent, Puis se rompt en plusieurs identités – Un duo aux chaînes d'acier qui rencontrent le sol Un quatuor aux draps rouges qui tournoient, Voiles rouges qui embrument les silhouettes hagardes Et un quatuor aux statues féminines et masculines Qui hurle son impuissance et son désarroi. Puis imitant le cercle vicieux de l'insomnie Les danseurs courent en ronde, chutant et sautant, Ils sortent de la torpeur dans des gestes forts Des accents marqués, des poses suspendues Puis retombent, éparpillés, essoufflés. Sur les dernières notes de musique prenantes Ils se rassemblent, entre chaînes et voiles rouges, Entre abandon et solidité, entre hauteur et stupeur. |
Prisonnières La prison des femmes rassemble des âmes déchues Des âmes déçues, des femmes perdues. Les barreaux de leur carcan sont rigides, Les gardiens sur leurs escaliers sont immobiles, Leur regard reste impassible, insensible à leur sort. Elles entrent sur scène en mouvements amples Comme pour souligner que leur énergie existe encore. Pareille à une armée, elles avancent à l'unisson Dans des mêmes gestes, dans des mêmes attitudes. Sous leurs habits rayés et leurs longues chaussettes Elles laissent exploser toute leur ressemblance. Elles sont femmes, coupables et prisonnières. Deux quatuors s’affrontent dans des espaces carrés, Qui évoquent l'espace confiné de leur cellule. Accablées par leur incarcération, les prisonnières chutent Et dans une même intention, rampent, couchées sur le sol. Elles se relèvent toutes solitaires, similaires, solitaires Et semblent répéter des postures rituelles. Après leur ronde dans la cour, seul espace de liberté, Elles dansent par deux au cœur du demi-cercle de femmes Qui les encouragent par des gestes de combat, De lutte acharnée pour survivre dans l'enfermement. Rassemblées dans des soubresauts communs, Elles s'immobilisent à leur tour, impassibles, figées. Deux prisonnières, par leur ondulation dernière, Marquent la fin de cette liberté accordée. Immobiles, rayées, elles sont encerclées par les barreaux, Enfermées à nouveau par les gardiens, leurs bourreaux. Elles ont su danser pour oublier leur néant et leur haine Elles ont su danser pour simplement conjurer leur peine. |
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Sirènes urbaines L'espace du béton et de la ville nous envahit Dans un désert de ciment, nous explosons à poings fermés, Nous nous ressemblons à point nommé. Sous nos capuches, nous avons tant à dire, Nous tapons du pied en silence, en rage, Nous avançons, urbaines, le regard soutenu. Après notre impulsive gestuelle, Nous ressentons l'océan en nous un peu, Et nos bras se balancent et nos corps se balancent Comme les vagues que nous nous ne connaissons qu'en songe. Nos rythmes sont fluides, Nos silhouettes de danseuses coulent, Nos bustes imitent l'onde aquatique. Le ciment nous rattrape d'un seul coup, Nous devons encore nous battre solidaires La musique se saccade, s'automatise, se robotise Et nous explosons à nouveau, revanchardes, Nous avançons, urbaines, le regard soutenu. La mer nous appelle encore, nous sommes liquides Nous tournons, nous vacillons comme la houle, Nos battements de cœur se répètent en nous Comme si nous respirions déjà sous l'eau. Mais dans un dernier élan, la ville nous assaille Nous luttons contre elle, contre nous-mêmes La musique accélère, le combat se renforce Coups de pied, poings serrés, capuches sans visage. Dans cette ultime lutte, transpirantes, éreintées, À bout de souffle après tant d'explosion et de résistance Nous montons la dune l'une après l'autre Et nous cinq, dans notre habit bleu abyssal, Nous regardons au loin. Les capuches tombent une à une Le regard se perd à l'horizon, le souffle s'entend, Et nous tenons debout, apaisées, face à l'océan, Comme des sirènes qui se ressemblent dans les embruns. |
© Poèmes Céline Boyer. Photographies FrédérickMadsen. |
© Poème Céline Boyer. Photographies Frédérick Madsen.