Avec Qui a peur Virginia Woolf ?, d’Edward Albee, Dominique Pitoiset commence
l’exploration d’un nouveau continent : celui des grands auteurs américains du XXe siècle.
Avant Arthur Miller, Tennessee William et Truman Capote, c’est le grand classique
contemporain d’Albee, dans une nouvelle traduction de Daniel Loayza, qui sera créé au
mois de mars sur le grand plateau du TnBA. Quatre personnages y partagent la scène,
deux couples de deux générations différentes.
Au cours d’une longue nuit, sur le campus
universitaire d’une petite ville de la Nouvelle Angleterre, ils se livrent un combat cru, dur,
sans faux-semblants, qui nous interroge sur nos choix de vie et de société, sur nos peurs,
sur notre capacité à construire un monde où le désordre, la folie et l’art auraient leur
place.

Sur le campus universitaire de la Nouvelle Carthage, un samedi soir. Les enseignants et
leurs épouses sont invités comme chaque semaine chez le président de l’Université, le
père de Martha, pour y faire la connaissance des nouveaux venus.
Quand Martha et son
mari George rentrent chez eux à deux heures du matin, ils sont saouls et épuisés, mais
Martha annonce à George qu’ils ont des invités, un jeune enseignant et sa femme, nouveaux
sur le campus.
Lorsque Nick et Honey arrivent, ils sont entraînés dans des jeux et des règlements de
compte, dont ils ne se contentent pas d’être les arbitres, mais des joueurs à part entière,
malgré eux, sans connaître les règles complexes et mouvantes fixées par George et Martha.
C’est le début d’une guerre des mots où tout est permis.
Au coeur de cette guerre, il y a l’allusion au fils de George et Martha, qui doit rentrer le
lendemain pour son anniversaire, et que les deux personnages utilisent comme arme l’un
contre l’autre. Mais il est aussi question des parcours de vie de ces deux couples que tout
oppose, et des spécialités respectives de George et Nick, l’Histoire et la Biologie.
C’est d’abord George qui fait les frais des attaques, humilié par Martha qui décrit son
incapacité à reprendre la direction de l’Université et son manque de virilité, puis c’est
contre les invités que la violence se retourne, quand George raconte l’histoire d’un jeune
couple arriviste et sans amour ressemblant trait pour trait à Nick et Honey.
Quand George annonce à Martha que leur fils a été tué et qu’il ne rentrera pas, on comprend
avec les invités que ce fils n’était qu’une invention une illusion construite tout au
long de leur vie commune par les deux personnages, et dont ils doivent à présent se passer.
Les masques tombent et chacun va se coucher au petit matin, seul avec ses peurs.

Une question d’humanité notes sur "Qui a peur de Virginia Woolf ?" Dominique Pitoiset, 28 décembre 2008
La guerre ? Oui, on dirait la guerre, celle qui n’en finit pas de revenir, sous toutes ses
formes : guerre des sexes, des générations, des clans, des savoirs ; guerre aussi entre soi
et soi-même. Une guerre aux mille facettes, ou mille lignes de front qui s’enchevêtrent,
mille stratégies mouvantes, mille et une ruses tactiques qui ne cessent de transformer
l’aspect du terrain. Une question d’humanité. À chacun de s’y reconnaître comme il pourra,
d’être sensible à tel ou tel enjeu. L’essentiel, c’est que cette guerre soit ressentie comme
étant la nôtre, et donc comme actuelle, encore et toujours.
À sa création en 1962, Who’s Afraid of Virginia Woolf? s’inscrivait dans l’époque, dans
l’Amérique du début des sixties, sans distance aucune.

Pour ne prendre qu’un exemple de
ce qui est une évidence, c’est bien pendant la seconde guerre mondiale que George avait
occupé un poste de responsabilité à l’université – et cette guerre se situait bien vingt ans
plus tôt, pendant la jeunesse du personnage. Depuis, un demi-siècle ou presque s’est
écoulé : les sixties se sont éloignés, Qui a peur de Virginia Woolf ? est toujours là avec nous,
toujours présent, et même plus que jamais.
Comment faire pour que la pièce, jouée en
2009, n’apparaisse pas comme une pièce historique, sans plus ? Edward Albee lui-même
semble s’être posé la question. En 2005, à l’occasion d’une reprise à Broadway, il a en effet
retouché en ce sens son texte sur certains points (les allusions à un avortement de Honey
ont été fortement atténuées : de fait, depuis la décision de la Cour Suprême américaine
dans le cas Roe vs Wade en 1973 qui a décriminalisé l’interruption de grossesse, le choix
de Honey ne porte plus la même charge de scandale).
Comment faire, donc, pour que le public d’aujourd’hui accède à la profonde actualité de
l’oeuvre? En jouant le texte dans un décor qui se fasse oublier – lumière nocturne, grand
canapé, bouteilles – et en le jouant dans tout son tranchant, dans une traduction nouvelle,
scrupuleusement fidèle, de sa version la plus récente. À titre personnel, et peut-être parce
que je vais me charger de ce rôle-là, je suis particulièrement sensible à la lutte qui oppose
George, l’homme des lettres et du «passé» (qui se rêve plus ou moins consciemment en
père de son jeune hôte), à Nick, l’homme des sciences et de l’«avenir» (qui tient
fugacement lieu de fils imaginaire de son aîné).
C’est-à-dire au conflit entre ceux qui n’ont
pas su ou voulu se mesurer au pouvoir et ceux qui trouvent tout naturel d’être ambitieux
et de réussir à tout prix. Car il me semble que cette bataille-là fait rage aujourd’hui. Mais
les autres ne sont pas moins importantes. Et si je parvenais à faire éprouver, l’espèce de
paix désespérée qui demeure, par-delà le fracas de toutes les armes, comme l’ultime
secret unissant George et Martha – si je parvenais à faire entendre comment ils
parviennent à se tendre la main et à se toucher à travers toutes les ruines, j’aurais
vraiment atteint mon but.

Du 5 au 21 Mars 2009 Salle Antoine Vitez (Grande Salle) au conservatoire
Metteur en scène et scénographe de "Qui a peur de Virginia Woolf " la pièce de Edward Albee, Dominique Pitoiset en est également l'interprète aux côtés de : Nadia Fabrizzio, Cyril Texier, Deborah Marique
Dominique Pitoiset
Né à Dijon, il suit des études en architecture, puis en arts plastiques aux Beaux-Arts.
Il rejoint ensuite l'École supérieure d'art dramatique du Théâtre National de Strasbourg
(TNS). Dès sa sortie, en 1981, il est assistant auprès de Jean-Pierre Vincent, Manfred
Karge et Matthias Langhoff. À partir de 1983, il crée en parallèle sa propre compagnie.

En 1996, il est nommé directeur du Théâtre national Dijon Bourgogne (fusion du Centre
dramatique national de Bourgogne et du festival Théâtre en Mai). La même année, il
crée Le Procès d'après Kafka, présenté au Festival d'Avignon et au Théâtre de la Ville à
Paris, puis La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, Les Brigands de
Schiller, Le Réformateur de Thomas Bernhard, Don Giovanni de Mozart à l'Opéra National
de Paris Bastille.
En 2000, il est nommé directeur du Théâtre national de Chaillot avant qu'un changement
ministériel n'invalide cette nomination. Il monte alors une trilogie autour de
Shakespeare : Othello au Théâtre national de Bretagne et au Théâtre national de
Chaillot, La Tempesta, au Teatro Farnese di Parma pour le Teatro Due (et à Nantes et à
Sceaux pour la version française), Macbeth opéra de Verdi au Teatro Regio di Parma -
Festival Verdi.
Ces deux créations marquent le début des années italiennes de Dominique Pitoiset.
Il devient metteur en scène associé au Teatro Due de Parme et au Teatro Stabile de
Turin.
Depuis janvier 2004, il dirige le TnBA-Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Il y
signe en 04/05 deux mises en scène : La Peau de chagrin d’après Balzac et Albert et la
bombe, son premier spectacle pour enfants. En 05/06, il termine son cycle shakespearien
en créant La Tempête, avec Roland Bertin dans le rôle de Prospero (spectacle en
quatre langues : français, allemand, italien, tunisien).
En 06/07, il met en scène la
dernière pièce de Biljana Srbljanovic, Sauterelles (Equinoxe), puis recrée La Tempête où
il incarne lui-même le rôle de Prospero. La tournée les mène notamment à l’Odéon,
Théâtre de l’Europe pendant cinq semaines.
En mars 2008, il met en scène avec Stephen Taylor l’opéra tragique de Henry Purcell
Didon et Énée à l’Opéra national de Paris.
En mai 2008, il crée au TnBA Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face,
commande à l’auteur contemporain libanais Wajdi Mouawad. Ce spectacle part en
tournée française dès septembre 2008 (ouverture de saison du Théâtre de la Ville à
Paris).
Dominique Pitoiset propose Le Soleil ni la mort… dans sa version allemande en octobre
2008, à la Schaübuhne de Berlin, dans le cadre du Festival FIND.
Il présente la mise en scène de l’opéra Le Tour d’Écrou, de Benjamin Britten, en
novembre 08 à l’Opéra national de Bordeaux, dans le cadre de novart.
Dominique Pitoiset dirige l’éstba, l’école supérieure de théâtre de Bordeaux, qui a ouvert
ses portes en septembre 2007.

Source : Canalcom