Les Brigades du Tigre au Musée de Libourne

André Raffray - Les Brigades du Tigre - Exposition Musée de LibourneAndré Raffray travaillait pour la Gaumont maisc’est en free-lance qu’il réalisa les gouaches pour la série télévisée culte, Les Brigades du Tigre (1974 -1983). L’exposition du Carmel à Libourne, réalisée grâce au prêt consenti par la galerie Semiose de Paris, présente une centaine de gouaches originales qui servaient au ...

... générique et aux fondus enchaînés des épisodes successifs. André Raffray nous transporte dans les années 1900 et 1920 mais avec une modernité que la jeune génération de dessinateurs française admire aujourd’hui. L'exposition « André Raffray, Gouaches originales de la série télévisée Les Brigades du Tigre » se déroulera au musée des beaux-arts de Libourne du 9 novembre au 1ier février 2014.

« André Raffray ou comment le dessin épouse le cinéma » par Thierry Saumier Directeur du musée des beaux-arts de Libourne

[…] La série Les Brigades du Tigre fut l’un des gros succès de la télévision française dans les années 1970-1980. On le doit indubitablement au générique, « la Complainte des Apaches », créé par le jazzman Claude Bolling (né en 1930) et interprété par Philippe Clay (1927-2007), et à l’originalité des scénarios écrits par Claude Desailly (1922-2009). Tout le génie de cette série policière au charme désuet repose en effet sur la bonne cohésion du scénario de chaque épisode, où se mêlent fiction et faits réels. Les aventures des trois policiers, Valentin, Pujol et Terrasson, que l’on retrouve au fil des épisodes, se greffent bien souvent sur un contexte politique, diplomatique, social, voire scientifique ou sportif, collé à la réalité historique.

André Raffray - Les Brigades du Tigre - Musée de LibournePour sa part, André Raffray se doit de restituer dans ses dessins les décors et les ambiances d’un début de siècle révolu, celui de la Belle Époque (1900-1914) pour les quatre premières saisons et celui des Années folles (les années 1920) pour les deux dernières. De ce point de vue, les gouaches d’André Raffray pour Les Brigades du Tigre sont de véritables scènes narratives qui peuvent être considérées comme des « espaces de cinéma ».

Certaines gouaches sont ainsi conçues comme un plan de cinéma. Elles ont le même format, celui du trois-quarts cinéma, c’est-à-dire trente centimètres de haut et quarante centimètres de large, utilisé pour la réalisation télévisuelle ; ce format permet à l’oeuvre d’être totalement encadrée et filmée par la caméra. André Raffray, à la manière du réalisateur, adapte donc à la caméra son travail, qu’il anticipe et projette dans l’image du film et de la mise en scène.

D’ailleurs, on peut retrouver dans ses dessins de nombreux procédés cinématographiques, comme l’importance de la projection horizontale ; un cadrage qui place le spectateur en situation d’observateur privilégié ; un recours à l’échelle des plans (plans d’ensemble pour situer les protagonistes, l’action, et donner aux spectateurs suffisamment d’informations et de points de repères pour appréhender les situations ou, au contraire, plans rapprochés qui permettent davantage d’entrer dans la psychologie et l’intimité des personnages).

André Raffray effectue tout d’abord une esquisse au crayon, au moins pour situer les grandes masses, puis il utilise la gouache. Ce medium autorise un dessin très technique et précis qui correspond parfaitement à la sensibilité de l’artiste. Il se prête à toutes les audaces, autorise tous les rendus. Les pigments colorés, alliés à la gomme arabique, donnent un fini mat et velouté, aux teintes puissantes.

Du fait de son opacité et de son onctuosité, la gouache se travaille en superposant les couches : humide sur sec, humide sur humide, matière pure non diluée, etc. La plupart des oeuvres combinent ces différentes techniques du lavis à celles des aplats. L’artiste ajoute enfin une succession de détails, d’ombres et de lumières, pour créer du contraste. Il serait illusoire de ne voir en André Raffray qu’un simple illustrateur. En fait, avec ces dessins, il met au point une écriture moderne, à l’intérieur d’un parfum rétro. Il parvient à imposer un regard du présent sur le passé.

Mais plus intéressant encore, ses dessins font la synthèse entre savoir – celle du cinéma, de l’histoire, de la sociologie, etc. – et vulgarisation – évidence du dessin, couleurs soutenues, vérité de la scène, faits divers, etc. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles une jeune génération de dessinateurs s’empare désormais d’André Raffray, en percevant dans sa démarche artistique une contribution singulière et résolument contemporaine.

André Raffray - Les Brigades du Tigre - Musée de Libourne