.... déjà présents dans son installation acquise par le Frac en 2009, notamment ceux relatifs aux formes et à leur sens, aux points de vue et à leurs jeux au sein d’un espace (celui du hangar G2) à la frontière du dedans et du dehors. Le travail d’Isabelle Cornaro, au travers d’une pluralité de médiums, tend à déconstruire les modes de représentation pour en mettre à nu les valeurs et les structures sous-jacentes.
Chacune de ses productions est ainsi en prise avec une (ou des) histoire(s), une époque, un courant esthétique ou une culture… Ce que Baudelaire aurait pu décrire comme humer « l’époque, la mode, la morale, la passion » pour saisir la quintessence de la modernité traversée par ce qu’elle fut et déjà projetée vers l’au-delà du présent. Aussi, n’est-il pas surprenant que l’artiste ait imaginé ce projet en réponse à l’espace d’exposition si particulier du Frac Aquitaine, chargé de sens (un ancien entrepôt de marchandises) et d’histoire (un lieu inauguré dans la première moitié du XXe siècle ouvrant une nouvelle ère commerciale promise au déclin quelques décennies plus tard).
De ce passé d’entrepôt, le Frac a conservé la dimension de stockage avec ces caisses en bois conditionnant les oeuvres, livrées à l’import-export journalier.
Jouant de cette image que l’on pourrait croire extraite d’un tableau de Magritte avec cet amoncellement de caisses qui alimente le mystère de ce qu’elles contiennent, Isabelle Cornaro reprend ce motif du « socle », familier dans son travail et ici largement représenté. Sur ce support, sont exposés différents objets décoratifs et manufacturés, chinés par l’artiste. Se joue aussi une nouvelle opposition : d’un côté, des objets d’art de la collection du Frac (dissimulés aux regards), assimilés à la culture savante et conservés dans l’ombre et, de l’autre, des objets populaires ou « sans qualités », faisant ainsi écho aux antagonismes charriés par l’histoire coloniale et portuaire de Bordeaux marquée par la domination d’une culture jugée « supérieure » à celle des « indigènes » (ou plus largement des minorités).
Dispersé dans l’espace d’exposition, cet ensemble de socles de bois de grand format dessine ainsi un paysage métaphorique.
Au mur, des dessins, peintures et impressions sérigraphiques empruntant à des styles hétérogènes issus de l’histoire de l’art moderne et contemporain viennent perturber les volumes, en proposant de nouvelles représentations et points de vue sur l’espace d’exposition. Au sein de ce système abstrait, accentué par des mobiles peints évanescents réfléchissant la lumière extérieure, ces éléments figuratifs, porteurs d’une histoire, culturelle et peut-être même personnelle (l’artiste a passé son enfance en Afrique), semblent se révéler et apparaissent tels des fétiches de l’art décoratif. Pas de linéarité qui tienne, l’exposition semble construire et déconstruire, assimiler et mettre à distance, comme une invitation au visiteur à élaborer sa propre grille de lecture du monde à partir d’une expérience de l’ici et maintenant.
Isabelle Cornaro
Née en 1974, Isabelle Cornaro vit et travaille à Paris. Lauréate du Prix de la Fondation d’entreprise Ricard en 2010, elle a notamment exposé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Palais de Tokyo et au Sculpture Center à New-York.
Exposition de Isabelle Cornaro - « Figures, Ornements, Représentations » - du 4 octobre au 29 décembre 2012 au FRAC Aquitaine
Hangar G2, Bassin à flot n°1 — Quai Armand Lalande — 33 300 Bordeaux — France
Tél. +33 (0)5 56 24 71 36 — Fax. +33 (0)5 56 24 98 15 — www.frac-aquitaine.net
Ouverture : lundi-vendredi de 10h à 18h / samedi de 14h30 à 18h30 / Entrée libre