La vigne cultivée en agriculture biologique, a permis de développer un Médoc d’exception, disponible auprès de distributeurs agréés ou sur le site du château Loudenne.
Au fil des siècles !
Ici, le premier travail date d’un million d’années : depuis que la Gironde traverse le Médoc pour se jeter dans la mer. Elle dépose progressivement pierres et alluvions au fil des glaciations et réchauffements successifs. Dépôt, érosion, dépôt, érosion… Le fleuve travaille. Après chaque glaciation il creuse son lit pour rejoindre la mer dont le niveau baissait. Galets, graviers, sables, argiles… Après la dernière ère glaciaire, il y a 20 000 ans, tout un processus, avec les nombreuses rivières perpendiculaires à l'estuaire, les « esteys », a concouru à la formation des croupes, ces collines constituées de graves.
Puis à partir du 17ème siècle, c’est le travail humain qui a pris la relève : avec la création de digues et d’écluses, les marais ont été asséchés, des terres fertiles ont été cultivées, libérant les croupes pour qu’y soit plantée… la vigne ! Le décor millénaire est cultivé, un climat très doux protège la vigne du gel, et en automne favorise la maturation du raisin… et nous arrivons en l’an 1670, dans un Château bien singulier, en bordure de Gironde, situé entre deux chemins de Saint-Jacques de Compostelle, la voie littoral passant par Soulac, et la voie jacquaire en provenance de Tours Via Tunorensis, qui après une traversée de l’estuaire depuis Talmont, ou Blaye classé UNESCO aujourd’hui, permettait de rejoindre les rives du Médoc, à Saint-Christoly-Médoc, Port de By … et poursuivre leur chemin.
Laissons-nous conduire par Philippe de Poyferré directeur, depuis 2017, de Château Loudenne, qui va nous révéler bien des choses.
Quand une petite chartreuse devient la petite Angleterre du Médoc
Vraiment singulière cette histoire que nous raconte Philippe de Poyferré avec ferveur !
En 1670 une petite chartreuse est construite de plain-pied, sans étage. L’un de ces petits châteaux de l’époque, dans un Médoc qui était plutôt pauvre. Rien à voir avec les grands châteaux construits dans le Médoc au 19ème siècle. Une famille noble bordelaise a été propriétaire de Château Loudenne qui était sa résidence secondaire jusqu’en 1875. C’est donc un bonheur qu’il ait été conservé, car beaucoup de petites chartreuses ont laissé place aux constructions fastueuses que l’on admire aujourd’hui. Et c’est alors que commence une histoire singulière, car les nouveaux propriétaires sont des négociants anglais, les Frères Alfred et Walter Gilbey, négociants en Gin qui voulaient devenir négociants… en vin. Loudenne est au Nord de Saint-Estèphe, c’est la partie sauvage du Médoc.
Les Frères Gilbey ont acheté un château qui était proche de l’embouchure pour éviter d’amener leur bateau jusqu’à Bordeaux… ça leur économisait trois jours de navigation. C’est la seule propriété qui jouisse d’un port privé dans l’estuaire de la Gironde. Les berges de l’estuaire, en effet, appartiennent toutes au domaine maritime, sauf à Loudenne. Nous sommes toujours propriétaires des berges, ça date des Anglais, nous dit Philippe de Poyferré.
Les bateaux partaient de Londres, chargeaient les barriques dans l’estuaire et repartaient à Londres. Ça leur évitait sans doute aussi quelques taxes et Octrois prélevés à l’arrivée à Bordeaux. Loudenne devient donc une véritable plateforme logistique, en même temps qu’un immense chai modernisé par nos fortunés anglais qui y impriment immédiatement une dimension nouvelle : en 1876, ils construisent un nouveau chai qui utilise le principe de la gravité.
Mais ils impriment leur marque plus largement. Loudenne a toujours été producteur et négociant. Un double statut qui en fait un lieu de production et un lieu de représentation… avec ses heures de gloire à deux périodes ! Les années folles et l’après-guerre.
Le château rose
Loudenne, le château rose du Médoc, c’était une petite Angleterre au sein du Médoc. Les anciens se souviennent bien qu’avant de dîner, il y en avait toujours un qui jouait de la cornemuse et amenait tout le monde en procession jusqu’à la salle à manger. Il y avait aussi un terrain de cricket. Les Anglais ont vraiment façonné Loudenne tel qu’il est aujourd’hui. Ils ont construit le chai, le parc, les quatre petites tours en haut des buttes de grave. Aujourd’hui le château rose est très proche de ce qu’il était au moment de la période de gloire des Anglais.Au fait, nous avons des quantités de rosiers à Loudenne ! L’emblème de Loudenne, c’est la rose. Nous avons une roseraie ancienne qui est assez unique et les murs du château sont roses. Loudenne est connu comme le château rose.
Aujourd’hui, c’est toujours un lieu de réception, loué exclusivement dans un cadre d’activités professionnelles et utilisé pour recevoir des clients. Avant le Covid au château j’ai reçu 250 personnes, en dégustation, repas et qui ont pu y dormir. Nous ouvrons les portes à des critiques qui veulent faire des dégustations, à des acheteurs… Nous avons 14 chambres et plusieurs lieux où on peut déjeuner de façon informelle, notamment la cuisine des vendangeurs… ou dans la salle à manger qui a été entièrement redécorée en partenariat avec Baccarat. On peut faire des grillades sur la terrasse, dans la cuisine des vendangeurs ou recevoir de façon extrêmement formelle dans la salle à manger.
Mais à qui appartient Loudenne aujourd’hui, à tous ?
Déjà il appartient au Médoc. C’est la base. C’est un site emblématique que personne ne sortira du Médoc. C’est un site ouvert. Il n’y a pas de barrières à Loudenne. Tout le monde peut venir s’y promener. Au contraire, j’encourage tous les médocains et toutes les personnes qui vivent autour à venir s’y promener. De plus, la visite est gratuite et sans rendez-vous, ce qui est assez inhabituel. Dans le monde bordelais il faut généralement montrer patte blanche. Là c’est un lieu de promenade, absolument magnifique, que l’on peut partager, où les gens peuvent venir faire leur jogging.
Pour le reste j’aurais plutôt tendance à dire qu’on a des actionnaires qui ne se comportent absolument pas comme des propriétaires. Ce qu’ils veulent c’est préserver ce site et le développer. L’actionnariat de Loudenne est une association entre un producteur de spiritueux chinois de Baiju (Kweichow Moutai), qui est une appellation contrôlée et produit la célèbre eau-de-vie Maotai, et les Cognacs Camus qui appartiennent à Cyril Camus. Les Cognacs Camus existent depuis 1863. Cette maison, créée par Jean-Baptiste Camus est dirigée par la famille Camus depuis cinq générations. Kweichow Moutai et les Cognacs Camus sont associés avec un mode de gestion simple : toutes les grandes décisions stratégiques se prennent ensemble et la gestion quotidienne du domaine est assurée par les Cognacs Camus.
Chinois et Cognac sont dans le même bateau
Les Chinois ont d’abord tout acheté puis se sont rendu compte que c’était difficile de gérer un château à distance. Ils sont allés voir Cyril Camus avec qui ils avaient un accord de partenariat pour la distribution de leur spiritueux en Duty Free et lui ont demandé de gérer le quotidien.
Le Cognac et le Médoc c’est très différent… C’est bien pour cela qu’ils sont venus me chercher. Cela dit Cyril Camus possède 180 hectares de vignes en Borderies. Les Borderies, au Nord de la rivière Charente, possèdent un sous-sol partiellement décalcifié, ce qui confère aux Eaux de vie un bouquet très spécifique aux tons de violette ; le vignoble des Borderies, quant à lui représente à peine 5% du vignoble de la région.
A Loudenne, j’interviens pour donner les grandes orientations stratégiques car je connais très bien le secteur du vin et les marchés. Les cognacs Camus interviennent assez peu ; on fait un reporting mensuel et ils gèrent la relation avec les Chinois. Les équipes de Camus nous ont aidés sur des questions techniques. Nous sommes par exemple certifiés Haute Valeur Environnementale (OCACIA) et en transition vers le bio. Cela permet de travailler en équipe.
Certification environnementale et douceur
La certification environnementale dépasse le simple cadre du produit. On s’intéresse à tout ce qui fait l’écosystème : protection des ruisseaux, les haies, la faune, la flore, ne pas polluer… C’est une certification Française et que nous avons mené dans le cadre d’une démarche collective du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux. La certification HVE est celle qui correspond au niveau le plus élevé pour les exploitations agricoles.
Nous l’avons mis en place en 2017. Seules 750 propriétés étaient alors certifiées HVE. Cela nous a amenés à modifier tout le traitement de nos effluents, qu’ils soient viticoles ou vinicoles.
Quand je suis arrivé en 2017 j’ai supprimé tous les produits CMR (cancérogènes, reprotoxiques et mutagènes). Nous sommes repassés au travail du sol pour supprimer le glyphosate. Ensuite nous sommes passés en conversion au bio en 2019. C’est une démarche qui implique aussi bien des changements de mentalité que de méthode de travail et de matériel. C’est une démarche qui se prépare avec rigueur si on veut la réussir. En deux ans nous avons changé de directeur d’exploitation, racheté cinq tracteurs, cinq pulvérisateurs… et recruté cinq tractoristes. Tout cela a un coût.
Le bio est complémentaire à la démarche Haute Valeur Environnementale, car cela revient à se préoccuper de la santé des consommateurs en n’utilisant que des produits naturels. Il faut faire revivre la terre et cela prend du temps. La plante doit aussi réapprendre à se défendre toute seule. A force de traiter systématiquement on a supprimé la défense immunitaire de la vigne. La vigne est un être vivant. Elle doit créer ses défenses. Et ça prend un peu de temps quand on repasse en bio.
Cette année, vous le savez, tout a été gelé. Mais à Loudenne, la vigne n’a pas gelé. Nous avons des conditions climatiques extrêmement particulières du fait de la présence de la Gironde : la proximité de la rivière et les très nombreux cailloux du sol qui reflètent les rayons du soleil.
Nous avons beaucoup de biodiversité. Nous sommes entourés de prés salés. Nous les avons prêtés à notre voisin qui les utilise pour faire de l’élevage. A l’entrée de la propriété, on a un nid de cigognes qui sont revenues depuis cinq ans. Nous utilisons des produits de bio contrôle. Ils ont un impact pour empêcher le développement de certaines maladies.
Ce qui est complexe dans la viticulture biologique, c’est qu’il n’existe que des produits de protection. Il n’y a aucun produit curatif. Nous n’avons par exemple que du cuivre pour protéger du mildiou, la principale maladie du bordelais. Si vous n’en mettez pas sur les feuilles avant qu’il pleuve, il va s’implanter et vous ne pourrez plus rien faire pour le supprimer. Vous pouvez perdre toute votre récolte. C’est pourquoi nous avons racheté des pulvérisateurs, car il faut que nous soyons en mesure de traiter les 50ha de vigne en une seule journée. Donc il nous faut cinq tracteurs, cinq pulvérisateurs et cinq tractoristes. Nous devons traiter plus souvent mais nous utilisons le cuivre à des doses extrêmement faibles à chaque fois.
Marchés, renommée, et avenir
Etant donné son histoire, Loudenne est une marque qui a une certaine renommée, notamment dans les pays anglo-saxons : Angleterre, Etats-Unis, le Canada… etc. Mais il y a eu une quinzaine d’année d’oubli et d’absence de dynamique commerciale. Le château a été revendu par les Anglais en 2000, puis repris par Camus en 2016. Cette renommée, nous sommes donc en train de la reconstruire.
Nos plus gros marchés ce sont la Chine, grâce à notre actionnaire, mais aussi la France où nous ne sommes pas du tout vendus en grande distribution. Nous sommes donc connus dans un créneau de consommateurs avertis. Nous sommes également très présents aux Etats-Unis et au Japon. Ces quatre pays sont nos marchés les plus importants mais nous sommes vendus dans une soixantaine de pays. L’une des particularités de Loudenne c’est que nous n’avons pas de distribution par le négoce de place de Bordeaux. Nous avons des distributeurs exclusifs sur chacun des marchés. En Chine, par notre actionnaire et dans le monde, par la force commerciale des cognacs Camus. Nous essayons d’être vendus plutôt chez des cavistes et dans des restaurants.
La crise du Covid nous a fait du mal car les deux circuits qui ont développés leurs ventes ont été internet et la grande distribution. Nos bouteilles sont assez chères et distribuées dans des tranches de prix entre vingt et vingt-cinq euros. Ce sont des bouteilles que vous achetez quand vous recevez des amis chez vous. Or en confinement vous ne recevez pas, donc vous n’achetez pas. C’est pourquoi nous avons beaucoup souffert de la crise sanitaire mais aussi de la surtaxe Trump.
Actuellement, avec les Etats-Unis, nous sommes dans un moratoire de quatre mois et l’Europe est en train de renégocier toutes les taxes et de les annuler d’un côté comme de l’autre. Nos expéditions sont bien reparties grâce à tous ces facteurs. Mais il est vrai que cela nous a amené à nous poser des questions et à nous remettre en question. Nous avons ainsi développé ainsi la vente par internet directement via notre site mais aussi avec d’autres partenaires.
Notre principale production à Loudenne est le vin rouge. Nous avons aussi une particularité à Loudenne ce sont des vignes de blanc. Loudenne a le plus ancien vignoble de blanc du Médoc, implanté par les Anglais en 1880. Loudenne a toujours produit du blanc. Historiquement dans le Médoc il y a toujours eu quelques vignes de blanc pour une production personnelle mais Loudenne a produit du blanc pour le commercialiser. Le deuxième plus ancien c’est Margaux dans les années 1920.
Nous produisons aussi un tout petit peu de rosé, mais un vrai ! Souvent à Bordeaux les rosés sont des sous-produits de vinification des rouges. A Loudenne, le rosé, c’est une petite parcelle de jeune Merlot dédiée, récoltée avant maturité, obtenu par pressurage direct… c’est un vrai rosé type Provence à la couleur très pale.
Des projets, toujours
Nous avons un projet de restructuration du chai. Nous avons prévu de rénover les bâtiments et de de refaire la cuverie. Ce projet devait se faire en 2022 mais avec la crise du COVID, il a été mis en attente pour le moment. Mon vœu pour Loudenne c’est que les actionnaires poursuivent ce projet et aillent au bout.
Pour ma part je serai à la retraite dans deux ou trois ans. Je suis un passeur. J’ai repris la direction de ce château qui n’était pas en très bon état. Loudenne c’est un bijou. C’est un endroit qu’il faut absolument venir visiter. Si je me préoccupe de la partie environnementale et bio, c’est précisément parce que nous ne sommes que des passeurs. C’est un site historique. Il appartient au Médoc. J’ai envie que ce site vive et continue à vivre pour les générations à venir. Ça c’est mon vœu à titre personnel.
Merci à Philippe de Poyferré, qui est aussi un passeur d’histoires !
Et vous, quel est votre vœu ?
Bien évidemment d’aller se promener dans cette région du Médoc et découvrir Château Loudenne avec son jardin remarquable, dans ce site magnifique et singulier.
Et puis, se procurer ces bouteilles qui se partagent avec des amis !
Ah ! Vous êtes loin de ce magnifique parc, de l’estuaire, du merveilleux petit port ?
Loudenne vient à vous : https://chateau-loudenne.com/collections/tous-les-produits