Pasteur mit en particulier en évidence, la bonne influence de l’air/oxygène dans l’évolution des vins, mais aussi indirectement une durée nécessaire à une certaine stabilisation, et les bases des pratiques oenologiques pour une valorisation qualitative.
Le sujet et le vocabulaire de l’élevage furent durant plusieurs décennies une référence qualitative, des châteaux comme des négociants (aussi dénommés alors négociants-éleveurs), mais cela a quasiment disparu du langage oenologique des professionnels, signifiant par là-même un désintérêt, voire un abandon.
Ainsi, on parle surtout de techniques, de process ou de technologies pour amener les vins en bouteilles, sans aborder les objectifs, sans se préoccuper de la nécessité ni de l’adaptation de la bonne application de celles-ci à la matière première d’origine, et du vin que l’on veut élaborer. Cette tendance a commencé assez largement pour les vinifications, mais elle s’amplifie pour l’élevage. Comme si l’important n’était pas de comprendre la matière première issue de différents terroirs, les différences entre les vins de multiples constitutions possibles, ni de les accompagner dans les évolutions et leurs stabilités respectives. Pourtant, c’est durant cet élevage que les vins doivent « transformer l’essai » de leurs qualités initiales, exprimer leur singularité/personnalité, et parallèlement acquérir différentes stabilités : de couleur, de limpidité, microbiologique, et tartrique ; ainsi que de peaufiner leur expression, leur équilibre tanique et gustatif global.
Peut-être faut-il rappeler que le vin n’est pas un liquide « simple » (solution vraie), mais un liquide « complexe », c’est-à-dire une solution dite « colloïdale », contenant des éléments (ensemble de macromolécules, dont les polyphénols donnant la couleur et la structure), mais aussi certains polysaccharides nécessaires à leur stabilité (mannoprotéines), et d’autres participant à la « matrice » qualitative de leur densité, texture et équilibre. Sans élevage, ces colloïdes peuvent précipiter seuls ou en association sous forme d’agglomérats, ou avec des particules (dont cristaux de tartre, ou des levures). Dans ce sens, les alternatifs boisés (copeaux, staves) n’apportent qu’une expression boisée (et pas toujours des plus élégantes), mais pas de réelle contribution à l’élevage, à la bonne évolution « colloïdale », en comparaison à l’élevage en barriques. De plus, l’élevage permet aussi d’éliminer l’excès de gaz carbonique des vins rouges, qui empêche l’introduction d’air/oxygène, inhibant ainsi une bonne évolution/stabilisation des tanins, pénalisant la dégustation et la meilleure évolution ; ce qui peut être bon pour les vins blancs, ne l’est pas pour les vins rouges !
Pour obtenir une bonne stabilité globale, il faut du temps, des dégustations, des observations, du travail, et des opérations oenologiques. Le temps est nécessaire à certaines réactions chimiques lentes et complexes. Celles-ci permettront d’avoir une couleur plus stable, d’associer (de polymériser) les tanins entre eux, en les rendant moins agressifs, mais surtout solubles et stables ; formant alors peu de lies, pouvant passer très facilement les étapes de collage et de filtration, et permettant une meilleure stabilisation, présentation, et évolution en bouteilles.
Ainsi, un des enjeux majeurs est/devrait être une grande réflexion et attention sur l’élevage, pour l’adapter au mieux à chaque vin en fonction de sa constitution, de son potentiel, et du profil souhaité, pour permette de conserver le plus d’éléments issus du raisin lors de la vinification.
Dans ce sens, il est vain/illusoire d’extraire certains éléments, si l’on ne doit/peut pas les solubiliser/stabiliser, pour qu’ensuite ils précipitent dans les lies, et alors ne pas les mettre en bouteilles. Sans continuité logique de l’élevage, sans appréhension de la complexité de la composition spécifique de chaque vin, et sans maîtrise des opérations oenologiques nécessaires, le vin est « mal élevé », devient fragile, perdra de son potentiel et sera sans perspective. Il peut alors perdre une partie de ses qualités naturelles, avant la mise en bouteilles, mais aussi après, et ne pas offrir le développement et la qualité attendus.
De plus, dans de nombreux cas de non-intervention oenologique où l’on observe des mauvaises évolutions (surtout microbiologiques, et particulièrement par les levures Brettanomyces), il est très fréquent qu’il y ait finalement recours à des technologies agressives avec des effets très dommageables et irréversibles, comparées aux opérations oenologiques classiques souvent critiquées à tort, alors que plus respectueuses si elles sont maîtrisées.
En conséquence, contrairement à une communication assénée, le vin ne peut/doit pas être seulement une matière première vinifiée, et la vinification n’est pas l’opération « terminus » de l’élaboration des vins. La qualité d’un vin ne réside pas seulement dans le terroir, le raisin et l’extraction, voire l’assemblage, mais aussi et surtout dans le travail de l’élevage, adapté, raisonné, maitrisé, dans une logique, en accompagnement de la matière première et en anticipation de l’embouteillage.
Jean Ribereau-Gayon, théorisa la nécessité d’une trilogie « sciences-empirisme-technologie » particulièrement nécessaire en OEnologie, pour l’obtention des meilleurs vins, où la technologie ne peut/doit donc pas se substituer aux 2 autres, et surtout pas pour l’élevage. Et on peut en définir une autre, par les 3 piliers fondateurs et aussi indissociables de la qualité des vins : « Raisin-Vinification-Elevage ».
Articles Elevage Vitisphere Federation des Grands Vins UG
Crédit Rédactionnel HERVE ROMAT - OEnologue, Docteur en OEnologie