Créée par la Garonne qui est sa raison d’être, Bordeaux déclame son amour du fleuve tous les deux en alternance avec le vin.
L’eau et le vin …. Véritable Alpha et Omega de ce « front de rivière » qui s’offrit il y a plus de deux mille trois cents ans aux Bituriges-Vivisques qui décidèrent de s’y installer pour fonder celle qui devint métropole en ce début d’année 2015. Il est vrai que, lovée le long de l’ample courbe formée par le port de la lune, la Garonne dispose des meilleurs atours pour séduire. Des cinq fleuves français, la Garonne est une fille du Sud souvent dépeinte comme une brune au sang chaud à l’accent rocailleux de la Guyenne et de la Gascogne. Impétueuse à sa source, naissant dans les monts maudits du massif de la Maladeta en Espagne, elle devient docile en devenant Gironde à l’estuaire, pour achever son parcours hydrographique à Cordouan aux pieds du Versailles des mers.
Pendant longtemps, les bordelais ont tourné le dos à leur plantureuse rivière que Mauriac qualifiait de boue liquide, séparés des berges du fleuve par une enfilade d’austères entrepôts de béton à la noirceur lugubre. Pour marquer un peu plus cette frontière encombrant la vue, les grilles oxydées du port autonome faisaient, il y a encore vingt ans, office de second barrage, séparant deux mondes.
Le bing bang pour transformer la berge de la rive gauche de la Garonne en un lieu dédié à la promenade et à la flânerie dura dix ans.
Aménager les quais comme un jardin, entre les façades et le fleuve, éviter l’encombrement, partager l’espace entre les différents modes de transport et mettre en valeur la beauté évidente du site, tel fut le leitmotiv de l'architecte paysagiste Michel Corajoud.
Les échassiers gris laissés en héritage par les dockers, symboles de l'activité portuaire grouillante des années cinquante, devenus au fil des ans des carcasses oxydées sans vie au cœur d’une friche industrielle urbaine, s'envolèrent.
Les façades enthracites retrouvèrent leur blondeur originelle du XVIIIème. Les murs tombèrent pour remettre en perspective le « Bordeaux Cœur de Lune » et profiter aussi bien de la verdure de la rive droite que de l’architecture classée par l’UNESCO de la rive gauche.
La fête du fleuve est le symbole de cette réconciliation célébrant la Garonne et les quais qui lui servent d’écrin. L’activité nautique s’est depuis quelques années mise au diapason de cette réussite urbaine. Le tourisme fluvial connaît une forte croissance, les escales de grands paquebots se développent et des opérateurs de plus en plus nombreux et imaginatifs proposent aux touristes et aux habitants de la région de découvrir le fleuve, son histoire, ses paysages de vignobles, ses richesses naturelles et patrimoniales.
Véritable succès populaire, pendant les 10 jours de l’édition 2015 de la Fête du Fleuve, les bordelais ont pu rêver de grand large et d’embruns en accueillant pour la seconde fois les concurrents de l’une des plus célèbres courses du monde, la Solitaire du Figaro.
Vendredi 22 mai vers 23 heures les 40 solitaires ont fait une entrée magistrale à Bordeaux, dans le sillage du Belem, accompagnés par un spectacle très justement baptisé : « La parade des Héros ». Pour célébrer l’arrivée dans le Port de la Lune de ces « héros » des océans, David Proteau, créateur d’événements pyrotechniques majeurs un peu partout dans le monde a imaginé une grande parade nautique, musicale, lumineuse et pyrotechnique.
Toute la semaine les propositions ont été multiples sur les deux kilomètres des quais : une Grande Cabane en pin des Landes abritant des expositions et des œuvres, plus particulièrement tournées vers les liens qu’entretiennent « l’Arbre et le fleuve », des balades nautiques originales, des concerts gratuits avec de grands noms de la chanson française et internationale.
Samedi 30 mai à 17h45, les navigateurs ont salué Bordeaux une dernière fois pour régater en 4 étapes durant un mois de course. La 46ème Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire a largué les amarres de la Garonne direction Pauillac pour répondre à l’appel du grand large.
Enfin dimanche, les 40 navigateurs à peine partis, ce sont 500 nageurs qui ont défié le fleuve et ses eaux tumultueuses pour la traversée à la nage de la Garonne. Le plus dur est de se jeter à l’eau ! Il est vrai que de prime à bord la couleur café au lait et floculeuse du fleuve n’incite pas à plonger sans une certaine retenue … voire une appréhension avant de parcourir les 1700 mètres en eau vive pour relier les deux rives de la Garonne.
Concert gratuit avec notamment Charlie Winston, Thomas Dutronc, Izia qui assurera la promotion de son album « la vague » ou bien encore Cali en tête d’affiche, ambiance festive, défi sportif, expositions thématiques, le succès populaire de « Bordeaux Fête le Fleuve » confirme la réappropriation de la Garonne par les Bordelais.
Cette édition 2015 fut un grand millésime qui s’acheva comme elle débuta 10 jours plus tôt par une écume de feu et d’éclats scintillants embrasant la nuit et le fleuve.
Au même titre que le vin, la Garonne est un marqueur de l’identité des girondins des deux rives et des Bordelais en particulier. Tel un peintre impressionniste, la Garonne a contribué à donner aux terroirs viticoles les subtiles couleurs qui font la particularité des crus et appellations des vins de Bordeaux.
De l'eau pour faire du bon vin, les ponts sont jetés entre ces deux rives ... Entre ces deux rendez-vous des quais du port de la lune qui esquisse chacun un début d’été en pente douce. Rendez-vous l'année prochaine pour la fête du vin.