Parmi les pierres précieuses qui la composent, l’une d’elles attire plus particulièrement l’attention : c’est un rubis de grande valeur, le Black Prince, serti dans un cadre en diamants ornant la face avant de la couronne. Cette pierre exceptionnelle provenant d’Afghanistan et ayant appartenu à un prince Maure, fut acquise par le Prince Noir lui-même en 1366 au Château de Condat, à Libourne…
De l’abbaye de Westminster à la Chapelle de Condat !
Après le mariage d’Aliénor avec le futur roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, l’Aquitaine devint l’apanage de la Couronne anglaise. De nombreuses bastides, villes nouvelles du Moyen Âge en Aquitaine, furent créées profitant d’un contexte économique et social favorable, afin de protéger les populations d’éventuelles attaques ennemies. En effet, si l’Aquitaine revenait de droit à l’Angleterre, elle restait vassale du roi de France déterminé à la reconquérir à tout prix !
Parmi ces bastides, la plus belle de toutes, selon les sources anglaises, était celle de Libourne. Dressée au confluent de trois rivières, l’Isle, la Dordogne et le Lour, elle semblait jaillir de l’eau telle une nef géante.
À quelques encablures du centre-ville, le long de la Dordogne, s’élevait un château de villégiature au cœur d’une forêt verdoyante et giboyeuse. Construit par l’arrière grand-père d’Aliénor d’Aquitaine, il accueillait régulièrement la cour des ducs d’Aquitaine puis la cour royale d’Aliénor après son sacre.
Ce palais, nommé château de Condat (du premier nom de Libourne signifiant confluent) jouxtait une chapelle millénaire que la reine avait fait agrandir pour accueillir les pèlerins toujours plus nombreux en direction de Compostelle.
Parmi les nombreux hôtes royaux qui résidèrent au château, les plus illustres furent certainement les enfants d’Aliénor : Richard Cœur de Lion et Jean Sans Terre mais aussi ses descendants dont Edouard de Woodstock, fils d’Edouard III, plus connu sous le nom de Prince Noir !
Débarqué en Aquitaine avec son épouse en 1363, il y resta près de 11 ans, séjournant régulièrement au château de Condat que sa femme, la belle Jeanne de Kent, appréciait particulièrement. C’est elle qui fit restaurer à grands frais la jolie chapelle de Condat pendant que son époux sécurisait la bastide par d’épaisses murailles.
Le 23 septembre 1366, Edouard de Woodstock signait le traité de Libourne avec Pierre Ier de Castille surnommé Pierre le Cruel, chassé de son trône par les troupes françaises de Bertrand Du Guesclin, ennemi juré du Prince Noir.
En plus de ses nombreuses promesses, Pierre le Cruel, lui offrit en gage un rubis gros comme un œuf (qu’il venait de dérober au prince Abu Saïd après l’avoir assassiné).
Le rubis, qui s’avèra être un spinelle, fut le seul et unique bien que le Prince Noir récupéra de la guerre du trône de Castille, il prit dès lors le nom de Black Prince.
Le sort voulut qu’en rentrant d’Espagne, Du Guesclin fut fait prisonnier par les soldats du Prince Noir et emprisonné au Château de Condat. Une prison dorée pour un hôte d’honneur qui avait le droit de festoyer, de se déplacer ou de se recueillir dans la chapelle de Condat pour y vénérer l’épine de la Couronne du Christ offerte par Charlemagne.
© Camille Desveaux
C’est ici que Du Guseclin, pétri d’ennui, aurait déclamé à tout rompre : « Je sais que toutes les fileuses de France, fileront la laine et la vendront pour vous verser ma rançon !»
Rançon digne d’un roi qu’il évalua lui-même à 460 kilos d’or !
Les gens venaient de Bordeaux et de tous les environs pour tenter d’apercevoir derrière les murailles du château celui qu’on surnommait déjà le Dogue Noir de Brocéliande ! Et c’est Jeanne de Kent, elle-même, qui offrit les 10 000 premiers florins (sur 60 000) pris dans sa cassette personnelle.
Selon la légende, la Chapelle de Condat qu’elle fit richement restaurer, aurait été érigée sur un ancien de lieu de culte druidique près d’une source sacrée. Les miracles qui s’y opérèrent tout au long des siècles, la hissèrent au rang de sanctuaire marial (dédié à la Vierge Marie) au même titre que Lourdes aujourd’hui. Les nombreux ex-votos qui tapissent les murs de la sacristie en attestent.
Au Moyen Âge, la chapelle de Condat était devenue si célèbre que même après la destruction du château de Condat par l’armée française victorieuse, au lendemain de la bataille de Castillon, les soldats ne touchèrent pas à l’édifice sacré.
© Camille Desveaux
Le roi Louis XI vint en personne à Libourne en 1462 et, touché par le lieu et l’histoire de la sainte Épine, finança la restauration entière des murailles de la bastide et celle de la Chapelle de Condat qui prit l’allure de la chapelle basse de la Sainte Chapelle à Paris.
Ce détail, s’il en est, n’échappa pas à l’œil averti du célèbre architecte Violet-le-Duc qui, quatre siècles plus tard, dépêcha ses élèves afin de redorer la chapelle laissée à l’abandon après la Révolution Française. Elle devint un véritable joyau du néogothique, paré des couleurs les plus somptueuses filigranées à la feuille d’or. L’ocre-rouge représentant le pouvoir spirituel, le bleu azur orné de lys : le pouvoir temporel et la voûte couleur de nuit constellée d’étoiles rendant hommage à la Vierge Marie, hôtesse éternelle du lieu.
Ainsi, si Libourne avait perdu le Black Prince en 1473, elle gardait à jamais en son sein, le plus beau des trésors : la Chapelle de Condat !
Camille Desveaux
Au coeur d'un grand méandre, caprice de la Dordogne, se dresse une chapelle sortie du fond des âges, joyau des pierres aux murs décorés dont la silhouette frêle semble rejoindre le ciel... Suivez-moi! Je vous emmène à la rencontre de ce lieu exceptionnel, monument emblèmatique et sacré qui reste et restera toujours pour moi l'âme de Libourne, là où tout a commencé...
Pour en savoir plus, le livre « Il était une fois la Chapelle de Condat » est en vente dans toutes les librairies libournaises, l’Office de Tourisme du Libournais, la Fnac ou sur le site : camilledesveaux.com, au prix de 18€