Constituée par Anne-Marie et Jean-Jacques Lesgourgues, la collection Quasar compte 780 œuvres de 92 artistes majoritairement français, acquises entre 1980 et 2000, avec la collaboration éclairée de l’artiste Stéphane Hazera en qualité de conseiller artistique.
L’exposition évoque les premiers pas de la collection née en 1980 du désir de comprendre l’art de son temps – l’art en train de se faire – et de suivre pendant vingt ans le parcours des artistes retenus au gré des coups de cœur des collectionneurs.
Elle traduit également l’univers de cette décennie, son contexte d’euphorie, de liberté, de fête : des années « furieuses » regardées depuis le prisme de notre époque.
François Boisrond, La peinture, 1987. Acrylique, 300 x 200 cm © Collection Quasar
"Viser une cohérence interne pour l’ensemble de la collection en créant des ponts possibles, des correspondances, des résonances entre les artistes sélectionnés et les œuvres acquises." - Jean-Jacques Lesgourgues
La Collection Quasar
Collection privée de Anne-Marie et Jean-Jacques Lesgourgues, la collection Quasar, qui se nommait C.A.VI.A.R (Collection d’art vivant animée en réseau) dans les années 1980 à 2000, comptait alors 780 œuvres d’artistes majoritairement français.
Avec l’adjonction de dons et legs postérieurs à ces deux décennies, la collection comprend aujourd’hui quelque 1 150 œuvres - peintures, sculptures et dessins - de 92 artistes dont 75 peintres et 17 sculpteurs.
De l’abstraction lyrique à la figuration libre, en passant par l’expressionnisme abstrait, le nouveau réalisme, les mouvements Fluxus et Supports/Surfaces ou encore l’art conceptuel, entre autres, elle représente un remarquable témoignage historique des grands courants esthétiques de la scène artistique contemporaine française des années 1980 à 2000. L’une de ses particularités réside notamment dans la relation forte que le mécène noue avec les artistes collectionnés et qui se traduit à la fois par des amitiés profondes et un accompagnement intime des créations sur vingt ans.
La collection Quasar est devenue, par un acte juridique, un fonds de dotation d’utilité publique en mars 2016. Reconnue d’intérêt général, elle entend désormais perdurer et accomplir sa mission de diffusion pour s’offrir au regard du plus grand nombre.
©Alexandra Vaquero
©Alexandra Vaquero
©Alexandra Vaquero
Entretien avec Jean-Jacques Lesgourgues, fondateur de la collection Quasar
Propos recueillis par Laurent Boudier
Comment en êtes-vous venu à collectionner de l’art ?
Depuis toujours, et spécialement depuis l’enfance, j’ai eu un goût pour le dessin et l’art. Au point qu’au lycée un proviseur a demandé si je pouvais décorer son bureau et j’ai réalisé des copies de tableaux de Gauguin, Cézanne ou un arlequin de Picasso. C’était une reconnaissance de dons qui ne m’ont pourtant pas conduit vers un métier artistique et, bien que j’aie songé à entrer aux beaux-arts, j’ai opté finalement pour une carrière plus scientifique. Pendant mes trois années d’études en agronomie, je me suis mis, en parallèle, à peindre des foulards, tous faits à la main, et j’ai fini par en produire, et à en vendre, plus d’une centaine. Avec l’argent collecté, j’ai acheté mes premiers tableaux, que je conserve encore aujourd’hui, comme un paysage coloré de Gérard Calvet. Plus tard, en accompagnant comme perchiste son une équipe de tournage qui réalisait un documentaire sur les processions religieuses à Cuenca en Espagne, j’ai découvert l’école de Cuenca et son musée d’art abstrait. Je me suis mis à acheter beaucoup de gravures signées de Chillida, Saura, Romero. J’avais, il faut le dire, peu de moyens pour acheter des œuvres. Pourtant, peu à peu, les affaires ont prospéré, je me suis marié et, avec mon épouse Anne-Marie, nous avons acheté, entre 1969 et 1980, pas mal de choses, en commençant par des œuvres des primitifs flamands ou des primitifs italiens. C’étaient des acquisitions à l’instinct et selon nos intuitions, par coups de cœur…
Vous achetiez alors plutôt des œuvres classiques ?
Nous recevions les catalogues
Titi Parant -Sans titre ©Alexandra Vaquero
Quel a été le déclic pour vous intéresser à l’art contemporain ?
J’ai fini par convenir, à l’été 1980, lors d’une conversation avec ma femme, que nous passions complètement à côté de l’art de notre temps. Il nous fallait aller dans ce sens. Mais nous nous sentions très incompétents. Et pas toujours à l’abri de marchands qui voulaient surtout placer leurs propres artistes. Aussi, nous avons commencé à rechercher un conseiller. J’ai contacté Jean- Louis Froment, qui a décliné car il était lié par contrat à sa charge de directeur du CAPC de Bordeaux. Et puis un jour, lors d’une exposition de peintres de moins de trente ans qui se tenait au Carré Bonnat, espace annexe du musée de Bayonne dédié à l’art contemporain, nous avons découvert une suite de peintures très fortes, presque violentes, de Stéphane Hazera.
En lui rendant visite dans son atelier, j’ai été frappé par son intégrité et sa rigueur intellectuelle. Il était peintre, avait été formé à l’école des beaux-arts de San Francisco et il se préparait également à enseigner la théorie de l’art contemporain dont il avait une grande connaissance. Nous sommes allés voir ensemble quelques expositions à Bordeaux et à Toulouse, et là, en écoutant ses avis qui étaient parfaitement argumentés, j’ai compris que nous pourrions travailler ensemble.
Comment procédez-vous pour, pendant plus de vingt ans, découvrir et acheter les artistes qui constitueront le cœur de votre collection ?
Comme tout chef d’entreprise, j’avais délimité un temps de prospection mensuel dans toute la France, dans les ateliers, dans les galeries, avec un budget annuel d’achats. Robert Combas -Lidoaraboindou
©Alexandra VaqueroEt nous avons édicté une charte dans laquelle nous précisions le cadre de ces acquisitions : n’avoir aucune intention financière ou spéculative ; ne pas acheter une œuvre sans avoir rencontré au préalable l’artiste ; ne pas acheter une œuvre, si l’un ou l’autre n’était pas en accord ; ou encore, si achat, faire en sorte de suivre l’artiste pendant vingt ans. Cette collection relève bien sûr du goût de l’acquisition mais aussi d’une très forte envie de la rencontre. Certains artistes sont d’ailleurs devenus des amis. C’est un échange humain qui enrichit : dès l’instant où je me retrouve dans un atelier, je quitte les règles du monde de l’entreprise, où tout est rationnel, compté et performant, pour aller dans un autre monde du subjectif, du sensible et de l’émotionnel. Ce basculement permanent d’un monde à l’autre m’a beaucoup nourri… Dès que j’avais un moment, après mes rendez-vous de dirigeant d’entreprise, je filais en fin de journée retrouver un artiste dans son atelier, c’était formidable ces échanges et excitations intellectuelles…
Comment a évolué la collection ?
Elle comprend à ce jour quelque 780 œuvres achetées mais nous recevons aujourd’hui des dons d’artistes vivants qui nous confient leurs œuvres ou des legs d’artistes à la suite de leur décès. Ce qui amène à plus de 2 500 œuvres. C’est à la fois une reconnaissance de notre travail passé à bâtir cette collection mais aussi une responsabilité car nous devons montrer au public ces artistes. C’est une collection faite pour le regard. Au gré de nos achats, comme nous avions de la place dans les locaux de l’entreprise, nous avons installé des cimaises sur lesquelles nous pouvions voir tous les tableaux achetés. C’était très utile car nous nous disions : « Nous avons un grand format de tel artiste, nous devrions compléter par plusieurs de ses petits formats… » Ou encore nous pouvions voir les évolutions de nos artistes, ou au contraire leurs moments de doutes…
Votre choix fut d’axer la collection Quasar principalement sur des peintres, sculpteurs et dessinateurs ?
Au début des années 1980, l’art devient vraiment pluriel. Les artistes abordent la photographie, la vidéo ou encore l’installation. Ce qui nous a évidemment interpellé. Les discours semblaient plutôt pencher pour une extinction des outils traditionnels de l’art et ce faisant de la peinture. Mais, même en étant tentés de faire écho à ce jaillissement et pluralisme des médias - et il m’est arrivé de trouver certaines vidéos tout à fait passionnantes ! - nous avons pourtant choisi de garder le cap d’une cohérence : dans notre collection, cohabitent différentes générations comme celle des artistes du mouvement Supports/Surfaces avec Claude Viallat, Pierre Buraglio ou le sculpteur Bernard Pagès ou encore les peintres de la Figuration libre, qui s’opposaient au conceptuel et au minimalisme, avec François Boisrond, Robert Combas ou encore Jean-Charles Blais. D’une abstraction, que l’on qualifie de lyrique, de François Arnal à la peinture, presque monochrome, de Stéphane Bordarier ou aux compositions de Marie- Cécile Aptel, la collection Quasar a fait le choix de croire aux peintres et aux sculpteurs du visible. C’est une ligne qui peut la définir… Et, comme nous avions la règle de rencontrer les artistes en amont de nos achats, la collection porte principalement sur les artistes français à 99 %. Mais en 1992, année de l’Europe, nous avons fait une exception en achetant douze artistes européens, de l’Italien Piero Pizzi Cannella à l’Anglais Peter Briggs en passant par l’Espagnol Jaume Plensa…
La collection Quasar réunit aussi de nombreux jeunes artistes. Est-ce une volonté de soutien à la création ?
Notre budget n’était pas illimité, il était parfois inutile de songer à acquérir des peintres ou des artistes qui étaient déjà fort chers sur le marché. En lieu de quoi, cette contrainte nous a obligés à porter notre attention sur des artistes majeurs mais encore vraiment accessibles ou encore des artistes plus jeunes et donc peu connus sur la scène française. Découvrir un jeune artiste, le soutenir et continuer d’acheter son œuvre pendant de longues années relève d’un fort engagement. Je le redis, nous n’avons jamais eu le désir de spéculer avec notre collection, mais par l’ensemble de ses choix, elle définit à merveille plus de vingt ans de création française.
Quel est l’avenir de la collection ?
Nous avons eu le souhait, par la création en 2016 d’un fonds de dotation d’utilité publique, dirigé par mon fils Emmanuel qui est artiste plasticien, de nous en dessaisir et de la rendre publique. Nous avons plusieurs contacts avec des municipalités de la région Sud-Ouest pour la déposer dans un lieu qui sera ouvert au public. L’art est un partage qui doit toucher chacun, qu’il s’agisse de la jeune génération ou celle des amateurs d’art. L’élégante exposition à La Villa Beatrix Enea à Anglet, où nous ne sommes jamais intervenus dans les choix, en donne tout son sens : c’est un premier pas pour que la collection perdure et vive demain…
Bernard Pagès - Arête céramique ©Alexandra Vaquer
Les artistes exposés
PEINTURE
Pierre André (1964-)
François Arnal (1924-2012)
Georges Autard (1951-)
Ben (1935-)
Jean-Charles Blais (1956-)
François Boisrond (1959-)
Stéphane Bordarier (1953-)
Jean-Pierre Bourquin (1950-2020)
Joël Brisse (1953-)
Jean-Pierre Bruneaud (1950-1997)
Pierre Buraglio (1939-)
Damien Cabanes (1959-)
Philippe Cognée (1957-)
Robert Combas (1957-)
Erró (1932-)
Sylvie Fanchon (1953-)
Daniel Gerhardt (1939-)
Stéphane Hazera (1950-)
Fabrice Hybert (1961-)
Denis Laget (1958-)
Luc Lauras (1960-)
Loïc Le Groumellec (1957-)
François Martin (1945-)
Titi Parant (1947-)
Jean-Pierre Pincemin (1944-2005)
Jean-Claude Pinchon (1944-1998)
Claude Viallat (1936-)
SCULPTURE
Vincent Barré (1948-)
Didier Béquillard (1949-)
César (1921-1998)
Bernard Pagès (1940-)
Florence Valay (1955-)
©Alexandra Vaquero
DR
Stéphane Bordarier - Sans titre
©Alexandra Vaquero
EXPOSITION FANS DES ANNÉES 80 REGARD SUR LA COLLECTION QUASAR - LA VILLA BEATRIX ENEA
du 20 novembre 2021 au 26 mars 2022
ENTRÉE LIBRE
Du mardi au samedi, 10h-12h / 14h-18h Fermé les jours fériés
Ouverture dans le strict respect des règles sanitaires en vigueur
VISITES COMMENTÉES
Les mercredis et samedis à 11h et 15h