.... dont Séverine Hubard est l’une des douze artistes invités.
Avec l’exposition Refuge, La Villa Beatrix Enea se trouve au centre de toutes les attentions. En effet, saisie par l’élégance et l’opulence feutrée de la maison, Séverine Hubard s’intéresse tout particulièrement à la notion de protection que lui inspire la maison dont l’esprit fut préservé lors de sa rénovation en 2017.
En présentant une sélection de sculptures, vidéos, dessins à la défonceuse électrique, des œuvres datées de ces vingt dernières années mais aussi des installations réalisées en interaction avec le lieu et spécifiquement pour l’exposition, l’artiste tisse un dialogue étrange entre tension, réconfort et légèreté où la maison est au cœur des échanges.
Séverine Hubard, Have you got any matches ?, 2002, bois d’allumage, env. 5 000 chevilles, dimensions variables. Do you want to be part of a world of sleeping people ?, 2021, miroir, 93 x 145 cm. Production Ville d’Anglet – Centre d’art contemporain La Villa Beatrix Enea © Alexandra Vaquero
La maison, entre refuge et bastion
Pour qui pénètre dans la villa Beatrix Enea, l’irrésistible charme de cette maison de villégiature édifiée au tout début du XXe siècle opère instantanément. Son architecture cossue en moellons et pierres de taille, son escalier de bois aux balustres moulurées, ses fenêtres en ogive aux dimensions imposantes, ses baies vitrées largement ouvertes sur le jardin arboré, tout ici respire l’élégance, l’harmonie et la tranquillité d’un havre de paix à l’abri des agitations. C’est ce même sentiment rassurant qui s’est emparé de Séverine Hubard.
Révélant le potentiel protecteur de cette maison, elle y établit son refuge. Dans la première salle du rez-de-chaussée, refuge dans le refuge, siège l’œuvre Tipi, une construction pyramidale de bois de récupération, édifiée au-dessus d’une sculpture de facture classique d’Édouard Cazaux, La Marne, lui offrant ainsi une protection dérisoire mais symbolique avant tout.
Pour autant, l’artiste ne baisse pas la garde. Car la menace -illusoire- n’est peut- être pas loin. Dans le hall, déjà, quelque 5 000 chevilles et bois d’allumage s’amoncellent au centre de la pièce, débordent de la cheminée, se répandent dans la salle voisine, grimpent à même les murs et l’escalier, se propagent, envahissent, dans un élan de contamination irrépressible. Have you got any matches ? interroge l’artiste non sans humour. Trônant au-dessus de la cheminée, le miroir semble prolonger à l’infini cette terrible invasion et lance une mise en garde : Do you want to be part of a world of sleeping people ? Dans le sous-sol de la villa, dévorant, engloutissant sans relâche, le feu ravageur est lui bien là, dans les vidéos où l’artiste se met en scène dans une performance destructrice et libératrice à la fois. Il est temps de réagir.
La salle d’exposition suivante se mue dès lors en salle des opérations. Autour de la massive table monastère, il est facile d’imaginer un état-major prenant place pour échafauder une stratégie défensive, salvatrice. Ici, se dessine La danse des signes, celle qui par un vaste réseau de lignes relie signes astrologiques, constellations et autres étoiles d’un firmament imaginaire. Finalement, l’espoir d’un renouveau n’est-il pas dans ce libre et fougueux enchevêtrement de liens, comme le suggère aussi la Carte du monde Air France défoncée ? qui fait fi des frontières terrestres et géopolitiques, tissant son propre réseau affranchi et pacificateur ?
Action / Réaction, c’est sur l’ensemble des fenêtres de la villa que le réseau poursuit son déploiement, concluant ici son action protectrice. Des scotchs de peintre aux tons pastel collés sur les carreaux des vitres dessinent des compositions géométriques à l’esthétisme singulier.
Rappel des protections que, durant la Première Guerre mondiale, les commerçants posaient sur leurs vitrines pour les renforcer et les protéger des vibrations occasionnées par les bombardements, ces motifs décoratifs sont aussi un clin d’œil aux vitraux de l’église Saint-Léon, voisine de la villa. Une dernière touche d’élégance dont ne se départit pas La Villa Beatrix Enea, entre refuge et bastion.
Séverine Hubard
Née en 1977 à Lille.
Formation : DNAP Dunkerque (1999). DNSEP Nantes (2001).
Artiste sans atelier fixe, Séverine Hubard participe à de nombreuses résidences et expose en France ainsi qu’en Europe, au Québec, en Afrique, en Asie ou plus récemment en Amérique du Sud. Ses œuvres sont présentes dans des collections publiques.
Si l’axe principal de son travail reste sa propre lecture de l’architecture, d’autres sont aussi importants : l’attention au public, l’importance de la mémoire, l’utilisation de point de vue et l’investigation dans des espaces publics.
L’artiste définit ainsi sa démarche artistique : « Je réalise des constructions tridimensionnelles en utilisant les règles du bricolage, en ce sens où j’utilise des matériaux pour en faire ce dont j’ai besoin et non pour ce à quoi ils sont destinés. Qu’il s’agisse de petites ou de grandes constructions, à chaque fois je mets en œuvre un langage, une technique, une méthode spécifique qui dérègle systématiquement aussi bien vocabulaire et syntaxe que les notions d’échelle et d’espace. Toujours en prenant en compte la vie telle qu’elle semble organisée, je détourne ce que j’en extrais et l’agence selon mes désirs, afin de dérouter, de déséquilibrer le spectateur en lui proposant un regard enjoué et subversif. »
Séverine Hubard est représentée par les galeries :
→ Lily Robert (Paris) : www.lilyrobert.com
→ Laurence Bernard (Genève, Suisse) : www.galerielaurencebernard.ch
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