Raphaël Zarka Paving Space Palais de Tokyo, Paris, 2016
Skateur : Sylvain Tognelli - Photo: Maxime Verret Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris/Brussels
Sculpteur, essayiste et collectionneur, Raphaël Zarka inscrit son œuvre dans la continuité de ses recherches liées à l’histoire et à la culture du skateboard qu’il pratique lui-même. Invité par La Villa Beatrix Enea, centre d’art contemporain d’Anglet, il présente l’exposition Suite galiléenne, comprenant une série de photographies en noir et blanc de skateurs évoluant sur des sculptures dans l’espace public, des modules skatables conçus par l’artiste, des vidéos, ainsi qu’une série de sculptures et de peintures murales inédites créées spécifiquement pour le centre d’art et produites par ce dernier.
Raphaël Zarka Paving Space, Partition Régulière W9M1 9 modules en chêne massif, 168 x 336 x 294 cm
Vue de l’exposition Partitions Régulières, FRAC Franche-Comté, Besançon, 2018
Photo: Blaise Adilon Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris/Brussels
Suite galiléenne ou une histoire de formes et de skateboard
Artiste plasticien, Raphaël Zarka inscrit son œuvre dans l’abstraction géométrique. Il se passionne pour les formes et explore leur histoire tel un collectionneur ou un archéologue. Son travail repose essentiellement sur la découverte des formes préexistantes : des formes géométriques principalement (plans inclinés, courbes, arcs de cercle...) appartenant au monde de l’art et de la science, mais aussi des objets scientifiques, historiques, artistiques, objets trouvés, objets du quotidien... Il les collectionne, retrace leur histoire et construit un univers à la manière d’un cabinet de curiosités dans lequel les formes et les objets semblent être des outils de compréhension du monde.
Remontant ainsi dans le temps, Raphaël Zarka joue de l’anachronisme qui en résulte quand il ramène ces objets au XXIe siècle pour les interpréter, comme un musicien exécute une partition, en changeant les formes, échelle, facture et matériaux. Parallèlement à l’histoire des formes qui le passionne, Raphaël Zarka s’intéresse à l’histoire et à la culture du skateboard qu’il pratique lui‐même et dont il est devenu l’un des rares historiens [1].
Il observe que le skateur, qui exploite librement toute une série d’obstacles (rampes, escaliers, bancs...), en maîtrise les matériaux et textures variés, comme un sculpteur. Il note également que le skateboard est porteur d’une forme de réappropriation de l’espace public, thème qu’il aborde souvent. Ce constat marque le début d’une réflexion rigoureuse et de recherches documentaires minutieuses. Entrecroisant la pratique artistique et celle du skateboard, il recense les analogies qui peuvent exister entre les instruments imaginés par Galilée notamment pour étudier la chute des corps, la géométrie des espaces liés à la pratique du skateboard, les volumes de sculpture minimale et des cadrans solaires monumentaux conçus en Inde au XVIIIe siècle.
Raphaël Zarka Première Déduction de Nollet 2009, 2 cônes en fonte d’aluminium, 120 x 120 x 120 cm (chaque) Photo: Studio Z
Un ensemble de sculptures galiléennes et de peintures murales gnomoniques inédites, créées pour La Villa Beatrix Enea
Les cimaises des salles d’exposition de La Villa Beatrix Enea ont l’apparence de tableaux monumentaux, une spécificité qui retient l’attention de Raphaël Zarka et qui dictera son intervention. Celle‐ci se fera in situ, sous la forme d’un cycle de peintures murales aux motifs géométriques colorés sur fond noir qui se répètent d’une pièce à l’autre. Un ensemble de treize formes géométriques constitue l’alphabet de l’artiste, des formes inspirées des cadrans solaires multifaces érigés en Écosse au XVIIe siècle.
Cette intervention marque une première pour Raphaël Zarka qui signe ici une création associant la liberté de la peinture aux codes des arts décoratifs et du papier peint. Elle permet de révéler l’espace et d’offrir un écrin à l’ensemble de sculptures présentées également à La Villa Beatrix Enea.
Dans l’entrée, l’installation Première Déduction de Nolletse compose de deux cônes en fonte d’aluminium, inspirés des cônes que l’abbé Nollet, physicien du XVIIIe siècle, avait réalisés dans ses travaux de mécanique. Prenant ses distances avec la conception scientifique de l’objet initial, l’artiste les détourne et les interprète ici en jouant sur le matériau, l’échelle et le rapport à l’espace.
Les salles d’expositions accueillent Seconde Déduction de Nollet, Synchrone et Synodale, des sculptures planes faites de planches de contreplaqué aux découpes droites ou courbes, reprenant parfois les codes couleur des peintures murales.
Reconstitutions fictives d’objets qui n’ont jamais existé, ces sculptures post‐galiléennes sont inspirées d’études théoriques élaborées par des physiciens du XVIIIe siècle, modélisées sous forme de diagramme par des mathématiciens du XXIe.
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Elles sont composées de plans inclinés ou en arc de cercle d’où seraient lancées des billes pour observer la chute des corps.
Riding Modern Art et Paving Space, des séries de photographies et de sculptures skatables présentées à la Galerie Georges‐Pompidou La galerie Georges‐Pompidou présente Riding Modern Art, une série de photographies en noir et blanc, collectées par Raphaël Zarka, où des skateurs évoluent sur des sculptures dans l’espace public. L’artiste‐collectionneur repère ces images dans les magazines spécialisés et acquiert les droits de reproduction. Il effectue lui‐même les tirages et intègre la légende dans la composition, mentionnant systématiquement : le nom du sculpteur ainsi que le titre et l’année de production de l’œuvre, le nom du skateur, le nom de la figure exécutée, la ville où est située l’œuvre et enfin le crédit du photographe.
Trois acteurs sont mis en lumière : le sculpteur, le skateur et le photographe. L’artiste propose une nouvelle perception de la sculpture dans l’espace public : si en art, l’esthétique et l’idée sont les critères pour juger la qualité d’une œuvre, un autre jugement est ici introduit, lié à l’exploitation par les skateurs des qualités mécaniques de ces sculptures.
Raphaël Zarka Abstractions Gnomoniques 2019
Série de 14 peintures murales, dimensions variables Seconde Déduction de Nollet 2019
Contreplaqué 3 plis épicéa, peinture acrylique, 100 x 480 x 240 cm Photo: Studio Z
Raphaël Zarka présente également Paving Space, un ensemble de sculptures skatables qu’il a réalisées. L’artiste s’est intéressé aux volumes géométriques recensées par le mathématicien allemand Shoenflies (1853‐1928) et particulièrement à un module, le 329, sorte de U à bords biseautés. Il en a fait réaliser plusieurs exemplaires et a ensuite assemblé ces modules de différentes manières pour réaliser plusieurs sculptures aux contours variés. Invités à s’en emparer à leur tour, les skateurs deviennent alors de véritables acteurs qui amènent du sens et de l’esthétique à l’installation de l’artiste. Grâce à ce dialogue entre les œuvres et les skateurs, Raphaël Zarka renverse les valeurs traditionnelles du monde de l’art.
Villa Beatrix EneaLa Villa Beatrix Enea, centre d’art contemporain, s’inscrit comme un pôle de création, de diffusion et de production, et veille à mener à bien sa mission de sensibilisation auprès des publics les plus diversifiés. Elle travaille en collaboration avec les galeries, centres d’art, musées ou Frac. Elle est membre du réseau des acteurs des arts visuels de Nouvelle‐Aquitaine (ASTRE). Depuis 2016, elle a exposé Pascal Convert, Gilles Barbier, Tadashi Kawamata, Stéphane Pencréac’h. En 2019, elle a réuni pour la première fois Ben, Robert Combas et Jean‐Luc Parant qui se sont livrés à une création inédite à quatre et six mains. Raphaël Zarka Suite galiléenneDu 7 décembre 2019 au 7 mars 2020, La Villa Beatrix Enea |
[1] Raphaël Zarka a publié divers ouvrages sur la mécanique du skateboard, parus aux éditions B42, dont Une journée sans vague. Chronologie lacunaire du skateboard 1779‐2009 (2009), Free Ride, skateboard, mécanique galiléenne et formes simples (2011), La Conjonction interdite (2011) et Riding Modern Art (2017).