..... 22 mètres de long sur un mètre de haut une frise ininterrompue de quatre panneaux sur l'ensemble des murs du boudoir. L’œuvre, décrochée dans les années1930, n'a plus jamais été présentée au public dans son aspect originel.
Avant d'être un musée, Arnaga a été un rêve, celui d'un grand auteur du siècle dernier, Edmond Rostand (1968-1918). Cette demeure, il l'a ardemment souhaitée, imaginée et conçue dans ses moindres détails. Il l'a dotée des toutes premières innovations technologiques, architecture en béton et métal, chauffage, eau chaude, électricité, jusqu'à une salle dédiée à l'hydrothérapie. C'est un des sites les plus fréquentés du Pays basque avec plus de 90 000 visiteurs par an.
Le retour du décor constitue un évènement majeur de la saison culturelle basque. Cendrillon, le Chat Botté, Riquet à la houppe, Peau d’Âne et bien d'autres retrouveront leur place après une restauration poussée dans les ateliers du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.
Un thème cher à Edmond Rostand et à Jean Veber
En 1905, sur la recommandation de l'architecte Albert Tournaire, Edmond Rostand fait appel à Jean Veber pour créer un des grands décors d’Arnaga, la nouvelle demeure qu’il fait construire à Cambo-les-Bains. Le peintre conçoit le décor féerique du boudoir de Rosemonde. L’auteur de Cyrano est attiré par l’univers fantastique. Il demande à Veber de s’inspirer des Contes de Charles Perrault. L’amitié née entre eux ne s’étiola jamais.
"Cet ensemble est probablement le plus riche de la villa iconographiquement ; il fourmille de détails que l’artiste a « imaginés, composés, ordonnés, exécutés avec la même minutie, avec la même recherche, avec le même soin." - Gabriel Mourey, "Le boudoir de Mme Ed. Rostand à Cambo" in Les Arts, mars 1910.
Le couple Rostand sensible à la féérie
Il n’est pas étonnant que le couple ait imaginé un décor féérique. En 1888, dans sa correspondance avec Rosemonde, Edmond écrit « Je lis les Contes de fées. C'est écrit avec une finesse extraordinaire, – pas du tout pour les enfants. (...) Le joli temps que celui des fées !… Et quel malheur que nous n'y vivions pas ! J'aurais eu une marraine fée. Elle se serait appelée Rosemonde. La fée Rosemonde, – cela va à ravir…" Ces histoires étaient pour Edmond Rostand une véritable source d’inspiration. Avant même de penser au décor intérieur de sa villa, il imaginait déjà Arnaga comme un monde un peu imaginaire : « Derrière la maison, le jardin sera plus « sauvage », avec sa fontaine et sa grotte pour satisfaire les enfants et les amateurs de contes de fées que nous sommes dans la famille. »
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Peau d’Âne fuyant le château de son père Jean Veber, 1905-1906 |
Autoportrait de Jean Veber |
"Jean Veber, le peintre des fées"
Né en 1864, Jean Veber est un artiste aux multiples talents : peintre, illustrateur satirique, lithographe. Ses peintures se divisent pour une moitié en portraits et pour une autre en tableaux fantastiques ou sociaux.
Avant de décorer Arnaga, il a créé des scènes inspirées de contes : Les maisons sont des visages (1899), Les sorcières (1900), Le diable dans la marmite (1894), le Géant (1905), le Monstre (1907), La Danse devant les nains (1910).
Des œuvres jamais vues du public
« Mes panneaux représentent les plus populaires des Contes de Perrault : Barbe bleue, Riquet à la houppe, la Belle au bois dormant, Cendrillon, le Chat Botté sans parler du mariage du Chat Botté avec la Chatte Blanche et d’une fiction destinée à compléter la série : une princesse captive dans une cage en fils d’or. Je vous assure que j’ai passé des moments exquis à Cambo, à peindre ces toiles dans cette maison si accueillante, où tout respire la haute intelligence et les nobles préoccupations de ses maîtres » Jean Veber dans un entretien accordé au Gaulois du Dimanche en 1910
Pendant de nombreuses années, les visiteurs d'Arnaga n'ont pu admirer qu'une copie de ces splendides toiles. Cette copie, réalisée dans les années 2000, ne présentait non pas les peintures de Jean Veber mais une "restauration" peu fidèle.
Jean Veber dans son atelier parisien
Les toiles ont été réalisées dans l’atelier parisien de l’artiste. Il est ensuite venu passer plusieurs semaines à Cambo pour adapter son œuvre aux contours du boudoir.
"Je travaille d’arrache-pied [à ma petite frise] car je voudrais qu’on en puisse jouir dès le début de l’emménagement. C’est un des panneaux de 5 m. J’y ai représenté L’Oiseau bleu, Riquet à la houppe et Gracieuse et Percinet. On y verra l’enchanteur Merlin et son char de grenouilles et Percinet sera vêtu de mon plus beau vert. C’est un travail délicieux et rarement j’ai eu autant de plaisir à peindre les scènes ingénues et somptueuses."
Lettre de Jean Veber à Albert Tournaire en février 1905.

Jean Veber à Arnaga
Jean Veber tient une correspondance détaillée avec sa femme Juliette et ses enfants, Claude, Rosette et Nino. Il y décrit sa vie à Arnaga et son travail dans le boudoir de Rosemonde.
"Je travaille tous les soirs jusqu'à huit heures un quart à la lueur d'une lampe à acétylène sur un échafaudage et toute la famille Rostand vient me regarder peindre et m'aider de ses conseils" - Extrait de sa lettre du 19 septembre 1905.
Croquis de Jean Veber sur son échafaudage avec la famille Rostand au complet, vue de dos.
Villa Aranaga
A l’écart de la ville, entourée d’un immense parc de trois hectares et dominant un jardin à la française, la villa Arnaga est l’une des premières maisons de style néo-basque. C’est en raison de ses problèmes de santé chroniques qu’Edmond Rostand choisit de venir s’installer à Cambo-les-Bains, cité réputée pour son climat et ses thermes.
Dès 1900, l’écrivain, son épouse, Rosemonde Gérard, et leurs deux enfants, Maurice et Jean, emménagent dans la “petite ville de cure”. Ils attendront 1906 et la fin des travaux pour investir la villa Arnaga, véritable havre de paix. L’auteur de Cyrano de Bergerac s’est réapproprié le patrimoine architectural local pour en faire une œuvre à part entière, sortie tout droit de son imagination, réunissant architecture, mobiliers, décors et jardins.
L’extérieur de l’habitation se veut l’initiateur de nombreuses villas de type néo -basque, qui s’étendent sur toute la côte basque au début du XXème siècle. Façade à colombage, toitures à versants inégaux, décrochements dissymétriques, elle présente les principales caractéristiques de la maison labourdine traditionnelle. Mais il ne faut pas s’y méprendre, l’intérieur de la demeure contraste avec cette façade néo - basque pour laisser place à un univers théâtral, donnant libre cours à l’imagination de l’auteur comme le représente la fresque intitulée « Contes de fées » peinte par Jean Veber dans le boudoir de Rosemonde.
C’est pourquoi, la Commune cherche à restaurer ce grand décor de la maison qui avait été vendu dans les années 30 et a été racheté en 2013. La frise nécessite un important travail de restauration, pour un montant de 156 000 € TTC. Le site classé Monument historique, Musée de France, Jardin remarquable, Maison des illustres bénéficie de subventions publiques. Mais le programme reste une lourde charge pour la commune.
Réalisé en 1905 par Jean Veber dans le boudoir, la peinture s’inspire des Contes de Perrault. La frise ininterrompue de 20m de long sur un mètre de haut se déroule autour de la pièce. Les scènes représentent un moment important du conte, en général proche du dénouement : Cendrillon s’enfuyant du palais, le Prince s’apprêtant à délivrer la Belle aux Bois dormant.
Participez au retour des toiles à Arnaga
Vous pouvez aider au retour de ces toiles en soutenant le financement de leur restauration. La Fondation du Patrimoine accompagne la Ville de Cambo-les-Bains dans cette entreprise. Sur sa plateforme en ligne ou via le formulaire papier, il est possible de faire un don. Au total, 20 000 € sont nécessaires pour achever ces restaurations. Je fais un don pour le retour des toiles à Arnaga.
Je fais un don pour le retour des toiles à Arnaga
Le formulaire papier peut être téléchargé ici ou récupéré à l'accueil de la Mairie de Cambo-les-Bains.