Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliés

"Tromelin, l’île des esclaves oubliés" ou l'histoire vraie de 15 ans de survie dans l’océan. Jusqu'au 5 novembre la dernière exposition du Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne accueille cette exposition itinérante qui raconte l’histoire rocambolesque de l’équipage d’un navire négrier de la Compagnie des Indes.

Tromelin- L’île des esclaves oubliés
Tromelin- L’île des esclaves oubliés

Parti de Bayonne le 17 novembre 1760, l’Utile, un navire de la Compagnie française des Indes orientales, s’échoue le 31 juillet 1761 sur l’île de Sable (aujourd’hui île Tromelin), un îlot désert de 1 km2 au large de Madagascar. Il transporte 160 esclaves malgaches achetés en fraude, destinés à être vendus à l’île de France (l’Île Maurice actuelle). L’équipage regagne Madagascar sur une embarcation de fortune, laissant 80 esclaves sur l’île, avec la promesse de venir bientôt les rechercher. Ce n’est que quinze ans plus tard, le 29 novembre 1776, que La Dauphine, placée sous le commandement de Tromelin approche l’île. Les esclaves survivants, sept femmes et un enfant de huit mois, sont sauvés.

À travers le naufrage et la survie des rescapés de l’Utile, c’est un pan de l’histoire maritime et la question de la traite et de l’esclavage dans l’océan Indien qui sont abordés. Cette exposition est l’occasion de présenter les résultats des travaux conjoints, terrestres et sous-marins, du Groupe de recherche en archéologie navale (Gran) et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) aux abords de l’île. En effet, l’étude de ce naufrage et de la vie des rescapés a fait l’objet d’une recherche pluridisciplinaire, afin d’élucider les circonstances du drame et de documenter au mieux les conditions de vie des survivants.

Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliés

L’ORIGINE DE L’EXPOSITION

La découverte d’un grand nombre de documents d’archives a permis d’éclairer le contexte historique, l’armement, le voyage et les circonstances du naufrage de l’Utile. Mais les informations recueillies concernant les années passées sur l’île par les Malgaches rescapés se réduisaient à peu de chose. Les recherches archéologiques, sous-marines et terrestres, ont donc permis d’étudier les conditions de survie et de replacer cette tragédie dans l’histoire de la traite et de l’esclavage dans l’océan Indien.

Quatre missions archéologiques ont été menées conjointement par le Gran et l’Inrap entre 2006 et 2013. La première a mis au jour une partie de l’habitat des esclaves et des objets de la vie courante, fournissant les premiers éléments de réflexion sur les conditions de survie. Trois bâtiments ont été découverts lors de la mission de 2008. Ils mettent en évidence une zone de vie avec de nombreux ustensiles et des restes de faune consommée (essentiellement des sternes et des tortues). Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliésLes restes de deux corps humains ont également été exhumés. Les missions de 2010 et 2013 ont confirmé la présence d’une sorte de hameau comprenant une douzaine de bâtiments, groupés autour d’une cour centrale. L’exposition est le fruit d’un partenariat, dans le cadre d’un programme de recherche.

Les recherches effectuées ont nécessité une équipe pluridisciplinaire, dépassant le dialogue entre sources historiques et vestiges archéologiques : géomorphologue, anthropologue, archéozoologue et ornithologue. Tromelin est un rare exemple de fouilles sous-marines et terrestres simultanées. Cette approche était indispensable : c’est en effet avec les débris du bateau que les naufragés ont fabriqué les objets de leur vie quotidienne (outils et ustensiles de cuisine). Avec du bois flotté, ils ont alimenté un feu et construit par deux fois des radeaux pour tenter de fuir l’îlot.

Au-delà, Tromelin forme un champ d’étude particulier. Il s’agissait d’analyser les vestiges du séjour d’un nombre déterminé d’individus pendant une durée connue, sur un espace restreint et parfaitement délimité. L’étude des productions d’objets et de déchets, et de l’impact sur l’environnement du séjour des naufragés, aura constitué un laboratoire archéologique unique.

Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliés

PARCOURS DE L'EXPOSITION

Le drame n’étant que partiellement documenté, seul le dialogue entre les sources historiques et archéologiques permet d’en offrir l’appréhension la plus complète possible. Reflet de ce dialogue, le parti pris muséographique invite le visiteur à une découverte progressive des connaissances désormais acquises, à travers deux séquences résolument distinctes. L’exposition s’ouvre sur une présentation de l’île Tromelin théâtre de cet épisode tragique.

Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliésUn focus sur la Compagnie des Indes et la guerre de Sept Ans en précise le contexte historique. Puis le visiteur peut suivre le parcours de l’Utile (de sa construction à son arrivée à Foulepointe) en regard de celui des esclaves à Madagascar, retraçant ainsi le circuit de l’équipage et de la cargaison du navire. Le naufrage, survenu le 31 juillet 1761 en pleine nuit, crée un point de rupture dans le récit, tout comme dans l’exposition. Le visiteur est en effet plongé dans un univers totalement différent du premier, à travers l’évocation de l’île et des fouilles menées. Dans l’atmosphère singulière de Tromelin, les visiteurs découvrent les questionnements des scientifiques et les réponses qu’ils y ont apportées.

SCÉNOGRAPHIE

Une des volontés de l’équipe de conception était de plonger le visiteur dans deux univers différents. Le visiteur est tout d’abord confronté aux faits historiques, puis a l’impression d’être transporté sur cette île désertique, au milieu du chantier de fouille, entouré de mer et de vent...Ancre de l'Utile / Bayonne : exposition Tromelin, l’île des esclaves oubliés

Le parti pris scénographique de l’exposition compose avec la contrainte de créer un matériel à vocation itinérante qui va ainsi voyager de musée en musée pendant plusieurs années. L’agence de Pascal Payeur a ainsi imaginé un mobilier qui intègre sa propre solution de transport et donc son caractère multi-utilisable et modulaire, sans rien sacrifier à son esthétique.

Au sein de son Atelier éponyme, Pascal Payeur, associé à Sylvie Josserand et Samuel Mola signe la scénographie de l’exposition. L’atelier Pascal Payeur est déjà intervenu sur des expositions du Château des ducs de Bretagne : Miroir, mon beau miroir... (2008) et La soie et le Canon (2010), ainsi qu’à la Cité des sciences et de l’industrie pour Gaulois, l’expo renversante (2012), co-produite par l’Inrap. On leur connait également des réalisations majeures au plan national comme le parcours permanant de la Cité internationale de la dentelle et de la mode à Calais (2005), celui dela cité nationale de l’histoire de l’immigration (2008), ou encore la galerie des enfants au Muséum National d’Histoire Naturelle (2008).

Le graphisme est signé par Patrick Hoarau et son équipe. Allié à la scénographie, il joue un rôle important dans l’immersion du visiteur dans les différents univers de l’exposition.


L'Ile aux esclaves oubliés : l'incroyable survie d'esclaves malgaches

MUSÉE BASQUE ET DE L’HISTOIRE DE BAYONNE 37 quai des Corsaires – Bayonne
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