Le Makhila : objet basque à l’origine mystérieuse

L’origine du makhila (oumakila) reste un mystère. Peu d’écrits ont été consacrés à cet objet qui fut à une époque si usuel. Utilisé comme compagnon de marche par les Basques, le makhila ("le bâton" en langue basque) faisait partie du quotidien des habitants du Pays Basque et plus particulièrement dans la province du Labourd.

A une époque où les moyens de transport étaient peu développés et les chemins pas toujours sûrs, il était à la fois une aide à la marche et une arme permettant d’intimider l’ennemi ou de le combattre au besoin.

Indissociable du Basque depuis plusieurs siècles

Le makhila est un bâton en bois de néflier qui possède une pointe dans son manche. C’est ainsi que les visiteurs le décrivent au XIXe siècle. Des aquarelles de cette époque témoignent de son lien étroit avec le Basque. L’historien Philippe Veyrin commente ces représentations du costume Basque de l’époque: «Le pantalon commence à se substituer à la culotte du siècle précédent qui résiste encore. Le makhila d’aspect plus débonnaire remplace dards, piques, poignards ou épées.».

Makhila : bâton traditionnel des Basques

Un atelier à l’épreuve du temps

Larressore abrite un atelier témoin de ces siècles d’histoire. Autrefois, ce village se trouvait sur un des chemins de Saint Jacques de Compostelle et sur la route des échanges commerciaux entre la Navarre et l’Océan Atlantique (port de Bayonne). C’est certainement dans cette localisation géographique qu’il faut chercher l’origine de cet atelier de fabrication. Cela fait maintenant au moins sept générations que la famille Ainciart Bergara transmet fidèlement, au sein de ce lieu, les savoir-faire et les règles de l’art indispensables à la fabrication d’un makhila artisanal.

A côté du fronton du village, on trouve cet atelier, ombragé par des tilleuls et un bosquet de chênes têtards. La maison est ancienne. Son nom de « Killoteia » vient du mot basque qui désigne la quenouille. C’est un ancien atelier de tissage du lin réputé, la famille Ainciart y fabriquait des quenouilles et des makhilas. Seule la fabrication de makhila a subsisté.

Makhila : bâton traditionnel des Basques

Makhila Ainciart Bergara ....
.... De nombreux savoir-faire rares, pour certains gardés secrets

Le bois, au cœur de l’objet

Le néflier est un arbuste qui pousse dans les forêts du Pays Basque et du Béarn. C’est dans ces forêts que les pieds sont incisés après 9 à 10 années de pousse. Le bois va cicatriser sur pied pendant une année végétale avant d’être coupé. Les tiges sont ensuite passées au four et écorcées grâce à la chaleur.

Lorsque le bois est encore chaud et malléable, c’est le moment propice pour le redresser. Ce passage au four n’est que le début d’une longue préparation avant que la tige écorcée ne soit montée. C’est à l’écorçage que se révèlent l’ampleur et la beauté des « scarifications ». A tous les stades est opérée une sélection sévère qui entraîne beaucoup de pertes.

Intervient ensuite la coloration du bois, mise au point par les ancêtres et gardée secrète. Ce procédé naturel est imprévisible : même en agissant à l’identique, le résultat est toujours différent. Chaque bois réagit à sa manière et obtient sa propre couleur. Un entretien en nourrissant régulièrement le bois pendant plusieurs années termine cette très longue phase de préparation.

Le métal, ornement et finition

Les viroles sont découpées dans des plaques métalliques (laiton, maillechort ou argent massif 1er titre) puis mises en forme et brasées. Elles sont ensuite décorées grâce à différentes techniques: gravure à l’échoppe et au burin, guillochage, ciselure aux poinçons et travail à l’aide de limes.

La main de l’artisan fait de chaque virole une pièce unique. Aucun outil électrique ni produit chimique n’intervient.

Un des motifs de gravure « signature » de la maison est la fougère. L’origine de ce choix familial se trouve dans le nom du village Larressore: en basque Larre (lande) et Soro (prairie). La fougère est l’espèce reine des landes du Pays Basque

Le tressage du cuir, un secret de famille

L’atelier utilise du cuir de chevreau pour la tresse et pour la dragonne, provenant d’une tannerie du Pays Basque. La tresse comporte un savoir-faire très particulier, le diamètre étant différent d’une extrémité à l’autre. Ce tressage nécessite un cuir mince très résistant et de la poigne pour un résultat bien serré. C’est un des savoir-faire transmis de génération en génération et gardé jalousement secret. La tresse se termine en bas par deux pièces tête bêche comportant des lanières que l’on unit une à une.

Le montage, quand l’objet final prend vie

La tige de néflier est choisie en fonction de la morphologie de la personne à qui le makhila est destiné. Le choix du bois est primordial, les artisans de l’atelier disent souvent « pas de beau bois, pas de beau makhila ».

Puis, les pièces en métal sont fabriquées sur mesure en fonction du diamètre du bois. Le bas se termine par un trèfle en fonte malléable. Lors de cette phase, on cherche une harmonie de ligne tout en respectant l’équilibre qui facilitera la marche. La ligne du bois est prolongée par des pièces métalliques aux extrémités, le bout fin en haut et le plus épais en bas.

Le montage est réalisé sans aucun emploi de colle, de résine ou de plomb. Les pièces sont ajustées par forçage entre bois et métal. C’est une opération très minutieuse d’emboîtement et de calage. De manière générale, le montage est étudié pour rendre les raccords invisibles.

Makhila : bâton traditionnel des Basques

Des pièces uniques, fabriquées sur mesure

Un objet réalisé à la commande et personnalisé

Chaque makhila Ainciart Bergara est fait sur mesure. Comme évoqué précédemment, le bois est choisi en fonction de la morphologie de la personne, suit le travail du métal. Le travail ne peut donc commencer qu’après la commande et la communication du poids et de la taille de la personne à qui il est destiné.

Le nom et le prénom de la personne sont systématiquement ciselés sur la virole supérieure. Lors de la commande, le client doit aussi choisir une devise qui sera traduite en basque puis ciselée à son tour sur la virole du haut.

Tous les makhilas Ainciart Bergara sont faits sur commande avec un délai de quelques semaines ou mois selon la charge de travail. Ils sont tous signés « Ainciart Bergara, Larressore» et possèdent l’année de fabrication sur la virole inférieure.

Sur les modèles avec pommeau en métal les initiales sont gravées en lettres anglaises. Quand le pommeau est en argent, il est possible de faire graver des blasons, dessins, symboles.

Respecter ses racines, rester fidèle à l’objet

Une fabrication artisanale sans compromis

Durant la première moitié du XXe siècle, les fabricants se multiplient. Certains simplifient l’objet à des fins commerciales et le fabriquent -ou le font fabriquer- en série de manière industrielle.

La fabrication du makhila suit dès lors deux chemins distincts : celui de l’industrie et celui de l’artisanat. La famille Ainciart opte pour le maintien de sa fabrication artisanale. Les générations se succèdent avec une attention particulière portée à la qualité et à l’authenticité du makhila de Larressore. Le choix d’un mode de fabrication artisanal est le choix du respect de la tradition.

Makhila : bâton traditionnel des BasquesUn savoir-faire artisanal transmis et reproduit

Les symboles qui figurent aujourd’hui sur les makhilas Ainciart Bergara gardent cette histoire en mémoire. Ils font partie de la transmission du savoir-faire et sont reproduits de génération en génération.

L’évolution des moyens de transport et des habitudes n’en font plus l’objet du quotidien qu’il était il y a plusieurs siècles. Toutefois, quelqu’en soit sa destination finale, le makhila Ainciart Bergara est toujours fabriqué avec la même attention aux détails et les mêmes gestes ancestraux.

Transmission et respect ne signifient pas que le makhila soit figé. On peut ainsi observer l’évolution du makhila : de sa ligne, des décorations et symboles gravés dans le métal, du pommeau (élargi) dont l’ergonomie a été retravaillée pour mieux s’adapter à la main de l’Homme. Les viroles d’aujourd’hui sont plus grandes et plus ornementées. On peut observer au Musée Basque de Bayonne, depuis 1924, une collection de makhila de différentes époques.

Dans le respect de sa fonction première

Le makhila reste de par son processus de fabrication artisanal l’objet utilitaire qu’il était à ses débuts. Tant par le choix du bois de néflier, solide et adapté à la morphologie du client, que par le savoir-faire accumulé des siècles durant, qui garantit ses qualités de canne de marche. Il fait d’ailleurs encore le plaisir de nombreux marcheurs. Loin d’être réservé uniquement aux Basques, le makhila est commandé par des marcheurs du monde entier qui reconnaissent son aide précieuse.

L’atelier Ainciart Bergara reçoit ainsi de nombreux courriers vantant les mérites de ce compagnon de marche. Des marcheurs en pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle l’utilisent, ramenant ainsi cet objet à son usage premier.

Il faut plusieurs milliers de kilomètres de marche pour venir à bout du trèfle ! Objet de décoration, produit de l’artisanat d’art, compagnon de marche, objet fidèle transmis à sa descendance, distinction honorifique, emblème du Basque, le makhila Ainciart Bergara est tout cela à la fois.

Makhila Ainciart Bergara

L’entreprise est inscrite depuis 2011 à l’inventaire des Métiers d’Art Rares de l’UNESCO. Elle a également été labellisée, en 2011, EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) Cent ans et Plus. Les makhilas sont réalisés sur commande et personnalisés (nom, prénom et devise de la personne à qui il est destiné). Il existe 3 modèles différents, disponibles dans divers matériaux. 
→ Site internet de l’entreprise : www.makhila.com et http://blog.makhila.com/
→ Réseaux sociaux : Facebook : Makhila-Ainciart-Bergara / Twitter : @MakhilaBergara
→ Adresse : Fronton – 64480 Larressore
→ Contact du gérant de l’entreprise : Nicole Bergara – 05 59 93 03 05

Crédit rédactionnel et photographique Les makhilas Ainciart Bergara