Partie prenante des principaux conflits ayant jalonné le Moyen Âge, son abandon a bien failli provoquer sa ruine. Et pourtant...
Et pourtant il est de ces passionnés qui refusent la fatalité, de ces initiatives qui transforment la ruine en splendide écrin où peuvent s’épanouir des idées. La perle qui s’y loge en l’occurrence, est un musée dont le concept a été patiemment mûri au fil des ans. Aujourd’hui, le château de Castelnaud — qui semble respirer tant sa restauration s’est faite renaissance — abrite donc le Musée de la Guerre au Moyen-Âge.
Véritable outil de transmission du savoir, son arsenal pédagogique a remplacé les équipements militaires castraux. Quoi que pas tout à fait : les innombrables épées, armures et canons exposés ici tissent ce lien permanent entre la vocation originelle des lieux et sa nécessaire compréhension par le plus grand nombre, entre passé et présent.
Il ne s’agit bien sûr pas de glorifier, mais de donner à comprendre. Et en la matière, le château de Castelnaud est on ne peut mieux armé ; il fait de nos jours figure de référence muséale et pédagogique si l’on en croit son succès populaire toujours croissant.
Castelnaud au rendez-vous de l’Histoire
.... Il était une fois, un repaire cathare entre ciel et terre
Nous sommes au tout début du XIIIe siècle. Bernard de Casnac, maître des lieux, est un seigneur puissant. Il possède les places fortes voisines de Domme, Aillac et Montfort. Mais voilà, il est aussi un fervent défenseur de la foi cathare (dite albigeoise) et se montre particulièrement cruel à l’égard des catholiques...
En 1214, l’illustre chevalier Simon de Montfort mène précisément une croisade contre les Albigeois. Averti des agissements de Bernard de Casnac, il se présente devant le château de Castelnaud et s’en empare... pour un temps.
En 1215, Bernard de Casnac reprend son bien qui est finalement brûlé quelques mois plus tard sur l’ordre de l’archevêque de Bordeaux.
Il ne reste du château de Bernard de Casnac que quelques pierres rougies par le feu... Certaines ont probablement été réemployées lors de la reconstruction du château qui suivit ce sinistre.
De cette remise à neuf, il subsiste aujourd’hui le donjon carré et la courtine juchés sur leur éperon rocheux. Le château est également doté à cette époque d’une barbacane, et l’épais mur du corps de logis domine déjà la Dordogne.
1337, la Guerre de Cent Ans
1337 entre France et Angleterre...la Guerre de Cent Ans éclate. Le château, par le mariage de son unique héritière Magne de Castelnaud avec Nompar de Caumont, entre dans la famille de ce dernier… qui soutient les Anglais. Le site est prospère et s’impose comme l’une des principales puissances du Périgord, à l’image du château de Beynac, son voisin direct et frère ennemi. Les barons de celui-ci, en l’occurrence, sont favorables aux Français…
En un peu plus d’un siècle que dure le conflit, le château change sept fois de camp ; l’opportunisme et l’intérêt étaient déjà de mise à cette époque…
En 1442, le roi de France ordonne le siège du château, alors tenu par les partisans du roi d’Angleterre. Le comte du Périgord, appuyé par plusieurs seigneurs locaux et aidé financièrement par les bourgeois de Sarlat, reprend Castelnaud sans même combattre ; le capitaine en charge de la place, Pascal de Theil, se décide à livrer les clefs du château contre la vie sauve et quatre cents écus, après trois semaines de siège. Les Anglais quittent définitivement Castelnaud et, onze ans plus tard, la victoire française de Castillon met fin à la guerre de Cent Ans (17 juillet 1453).


L’ère moderne : splendeur et décadence
Après le conflit, les Caumont récupèrent leur bien et le reconstruisent. L’ancienne carapace féodale s’ouvre en espaces plus vastes mais les impératifs de défense demeurent : une nouvelle enceinte percée de canonnières protège la basse-cour, et on construit une barbacane dernier cri protégée à son entrée par un pont-levis. Des fouilles archéologiques récentes ont permis de déterminer que l’imposant bastion, qui flanque le château au Nord, date de cette même période. Castelnaud reste le centre névralgique de la seigneurie et s’adapte aux pratiques militaires du temps ; la tour d’artillerie construite en 1520 en témoigne.
Au XVIe siècle, les Caumont adoptent la religion protestante. Le capitaine huguenot Geoffroy de Vivans, né au château de Castelnaud, défend la place et s’emploie à combattre férocement les catholiques. Il est craint de toute la région et ses exploits sont légendaires.
C’est grâce à ce redoutable personnage que personne n’osa s’en prendre à Castelnaud durant les Guerres de Religion. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Caumont connaissent la fortune et tant de distinctions glorieuses qu’ils en oublient leur vieux château périgourdin bien trop éloigné de la Cour... Après la Révolution, la végétation envahit les lieux. Castelnaud devient un encombrant fantôme.
Pire, il sert de carrière de pierres : en 1832, lorsque le trafic fluvial et l’émancipation du village de Castelnaud exigent la construction d’une cale pour le port, les maçons trouvent plus facile de faire dévaler des pierres de la partie Sud du château plutôt que d’en faire tailler sur mesure. Ainsi va l’Histoire ! Pour un temps en tous cas. Car en 1966, le château est classé Monument Historique à la demande de ses nouveaux propriétaires, Philippe et Véronique Rossillon, qui achètent le bâtiment qui était alors, clin d’œil de l’Histoire, convoité par des Anglais.
Le Musée de la guerre au Moyen Âge
Outre les reconstitutions de machines de guerre alignées sur le bastion, les murs du château recèlent un trésor : le Musée de la Guerre au Moyen Âge, qui présente armes d’hast, épées, arbalètes, et bien plus encore.
En sus d’une situation géographique avantageuse et d’une architecture tant louée, se déploie donc au sein du château une des plus belles collections privées d’armes, qu’elles soient de jet, à feu, ou de poing. Et que dire des armures étincelantes, sentinelles immobiles veillant sur la quiétude des lieux ?
Est-ce un hasard si un public bien plus pacifique qu’autrefois se presse désormais ici, faisant du château le site le plus visité du grand Sud-Ouest de la France ?

