Sur scène, le spectateur découvre le personnage du Père Jean-Joseph Lataste – révolté par le manque de perspectives offertes aux détenues en fin de peine –, et se délecte des textes tirés de sa brochure « Les Réhabilitées ». Mais l'originalité de la pièce tient dans l'adaptation de Virginie Kay, qui ramène ce plaidoyer humaniste à notre époque ; une époque patriarcale dans laquelle les femmes peinent pour se réhabiliter et pour prendre leur juste place.
La pièce ramène le sujet à son origine, le rapport homme/femme dans l’histoire et la société. Une pensée moderne et féministe qui permet de créer un parallèle avec notre époque actuelle et rend le projet artistique encore plus fort.
Synopsis
Le Père Jean-Joseph Lataste, à l’issue de sa réflexion en tant que prédicateur auprès des détenues de Cadillac, rassemble notables et supérieurs hiérarchiques ecclésiastiques afin de plaider une cause, son dernier combat.
Il souhaite convaincre les institutions d’État et religieuses de la nécessité de créer un ordre nouveau visant à réhabiliter les anciennes criminelles au sortir de leur peine : La Maison de Béthanie.
« LES RÉHABILITÉES – Est-ce seulement possible ? », c’est une rencontre. Entre le plaidoyer humaniste du Père Jean-Joseph Lataste – un Dominicain du XIXe siècle qui œuvra dans la prison pour femmes de Cadillac – et la plume de Virginie Kay, autrice bordelaise d’aujourd’hui. Entre ces textes ciselés au rasoir, évoquant la place de la Femme ou les problématiques de la réinsertion, et la verve nerveuse et habitée du comédien Éric Sanson. Entre la scène du théâtre et l’Art Vidéo qui ouvrent un voyage dans le temps et dans l’espace.
Auteur : le Père Jean-Joseph Lataste
Après avoir tenté de devenir comptable et suite à une déception amoureuse, le Père Jean-Joseph Lataste découvre sa vocation religieuse sur le tard. Il a une révélation alors qu’il participe au transfert des Reliques de Marie Madeleine et, toute sa vie, son sentiment sera intimement lié à la figure du féminin.
En septembre 1864, le Père Jean-Joseph Lataste est envoyé par ses supérieurs prêcher aux détenues lors d’une retraite à la Maison Centrale de Force et de Correction de Cadillac, l’un des établissements pénitentiaires les plus durs du pays. Entendant longuement les prisonnières en confession, il découvre la réalité du monde carcéral, et est révolté par le manque de perspectives offertes aux détenues en fin de peine, condamnées doublement car mises au ban de la société au sortir de la Prison.
En mai 1866, il publie une brochure intitulée « Les Réhabilitées », dans le but de convaincre hiérarchie et personnalités publiques de la nécessité d’agir : « Cette plaie, il faut la guérir ! »
Car le Père Lataste a désormais un projet : La Maison de Béthanie. Il s’y consacrera jusqu’au bout de ses forces.
Adaptation : Virginie Kay
Après avoir poursuivi des études littéraires et s’initiant au monde du vin, auteure, adaptatrice, Virginie Kay se lie à l’univers du théâtre par passion, née d’une rencontre. Depuis, elle adapte les pièces de théâtre jouées par Éric Sanson au Petit Théâtre à Bordeaux, dans un style épuré, sensuel et très personnel, comme Micromégas, conte philosophique de Voltaire. Mais ce qu’elle privilégie par- dessus tout, c’est l’univers du vin et ses rituels mystérieux qu’elle porte au théâtre avec ses adaptations de Sanson dans le Vin, et Profondes Joies du Vin tiré des Paradis Artificiels de Charles Baudelaire et des Quatre Saisons de la Vigne de Henri Dubosc. La poésie indissociable de sa vie nourrit ses choix déterminants dans son parcours artistique engagé. Elle travaille encore aujourd’hui sur l’écriture de nouvelles singulières nourries de l’enfance et sur la question du féminin à travers toutes les époques, notamment celle du Moyen-âge qu’elle affectionne particulièrement mais aussi à notre époque, avec sa dernière adaptation la plus aboutie portée à la scène : « LES RÉHABILITÉES – Est-ce seulement possible ? ».
Scénographie : David Mazet
Après avoir étudié les Arts du Spectacle à l’Université de Bordeaux III, David s’est consacré à une carrière avant tout audiovisuelle, en tant que réalisateur de publicités, de clips et de court-métrages au sein de la société bordelaise Heliotrop Films. Durant 15 ans, il multiplie les casquettes et les expériences : tour à tour auteur, photographe, motion designer ; il accompagne également la création du premier BTS Audiovisuel de Bordeaux. Toujours en quête de nouveaux défis, « LES RÉHABILITÉES – Est-ce seulement possible ? » est sa première mise en scène théâtrale, travail pour lequel il apporte sa vision hybride et mix-média de l’Art.
Interview d’Éric Sanson
POUR L’ASSOCIATION DU PÈRE LATASTE
Comment avez-vous découvert le Père Lataste ?
Éric Sanson : Lors d’une exposition lancée par nos scénographes, Éric Charbeau et Philippe Casaban, au Château de Cadillac. Après avoir visité l’exposition magnifique dédiée à des costumes de scène, nous découvrons la prison de Cadillac et toute l’histoire du Père Lataste.
Ce fut une véritable rencontre, forte en émotion et en symboles et aussi la genèse passionnante d’un projet théâtral.
J’aime porter au théâtre des personnages dont la personnalité et le caractère m’émeuvent et m’interpellent. J’aime me nourrir de leurs questionnements et de leurs engagements dans la vie. Puis, le regard d’une femme me touche beaucoup sur le travail que j’accomplis. J’ai besoin d’être confronté à ses interrogations pour pouvoir me remettre en question. Aussi, la collaboration avec Virginie est pertinente dans mes projets. Je lui ai demandé ce qu’elle pensait de ce nouveau sujet et sa volonté de créer un parallèle avec notre époque m’a séduit.
Qu’est-ce qui vous a touché en lui ?
E.S : Sa véritable modernité et sa sincérité.
Un homme de cette époque se penche sur l’idée de la femme et sur le sujet de l’enfermement au-delà de la faute.
Politiquement aussi, il pose une question sociétale : quel avenir est-il probable après la faute ?
Seule, la libération sans la réhabilitation est insuffisante, et, dans un vœu humaniste, le Père Lataste propose une solution matérielle et spirituelle là où la société échoue depuis des siècles. La possibilité de la reconstruction dans un lieu sûr, dédié à la foi certes mais en toute discrétion et sérénité, permet l’émergence de ces femmes dans la société.
Qu’avez- vous ressenti à la lecture des Réhabilitées ?
E.S : Une profonde tristesse car les hommes n’ont de cesse de négliger l’idée de la femme. Puis, une lueur d’espoir quant à la réhabilitation qui peut fonctionner, encore aujourd’hui. Et une estime infinie pour cet homme pieux et humaniste, moderniste avant l’heure.
Comment vous est venue l’idée d’en monter une pièce dans votre théâtre ?
E.S : En partageant ce sujet avec Virginie Kay. Profondément laïque et athée, Virginie ne perçoit pas le sujet comme je l’entends. Nos échanges furent longs et nombreux car sa position libre et impartiale me séduit pour l’adaptation.
Je suis engagé et le débat autour de la croyance, autour de Dieu et de la foi nous animent.
À l’inverse de mon intention, elle n’y percevait pas uniquement l’aspect religieux mais plutôt laïque, à savoir comment transmettre au public l’engouement de cette histoire, en la ramenant à notre époque et à ce que les femmes endurent chaque jour pour se réhabiliter et pour exister dans notre société, malgré le joug de l’homme.
Virginie ramène le sujet à son origine, le rapport homme/femme dans l’histoire et la société. Cela m’intéressait car sa pensée moderne et féministe permettait un pont, un lien avec notre société actuelle et rendait le projet plus fort encore.
Qu’avez-vous envie de faire passer au spectateur à travers ce texte ?
E.S : Une petite voix intérieure, celle du Père Lataste et celle de la femme. Une petite voix qui nous inspire et nous habite en nous rappelant que la réhabilitation n’est jamais finie, qu’elle est l’œuvre des femmes qui ne renoncent pas, mais aussi des hommes qui le respectent. C’est un début, c’est un espoir. La cause de la femme n’est pas un caprice, elle est une réalité. La beauté de l’interrogation consolide la volonté de dépasser ce malentendu.
Fréquenter le Père Lataste et son texte depuis des mois a-t-il eu une incidence sur vous ? Laquelle ?
E.S : Inévitablement. Avec Virginie, nous avons travaillé des heures, nous avons confronté nos avis pendant des jours, pas uniquement féminin/masculin mais aussi croyant/laïque, ce qui rendait notre couple complémentaire et uni dans le travail, malgré nos divergences nourrissant ainsi le texte de force et de sagesse. Je sélectionnais les parties sur l’engagement du Père Lataste et sur sa foi, sur la religion elle-même et la spiritualité, pendant que Virginie adoptait le texte en donnant au Père Lataste une réalité humaine presque politique !
Elle rendait à l’histoire un questionnement sociétal laïque et humaniste, très féminin avant d’être féministe. L’image de la femme est posée, engagée, volontaire mais sereine et indispensable à l’évolution de l’homme dans la société. Comme Virginie se définit elle-même encore davantage aujourd’hui, depuis ce travail.
Ce fut pour elle un travail intérieur spirituel et intellectuel, mais aussi engagé en tant qu’être et en tant que genre réhabilités !
Sur moi, l’impact fut extraordinaire. J’essaie, à l’image du Père Lataste, d’éprouver mon engagement dans la parole d’amour, car le Père Lataste me ramenait à moi- même, dans mes capacités et dans mes impuissances. Jouer son personnage me remet en question à chaque parole.
Sur le plan religieux, il m’encourage à faire exploser mes ténèbres pour rentrer dans la lumière. Car l’appropriation et la réalisation de la parole d’amour ne sont jamais acquises. Virginie et moi-même n’en sortons pas indemnes…
Lire le Père Lataste fut une révélation, mais lire l’adaptation de Virginie fut une réponse. La réhabilitation ne passera pas sans la femme !
Et encore aujourd’hui en répondant à vos questions, nous travaillons sur le sujet grâce à vous !
La quête est infinie.
Tout est possible…
Le Petit Théâtre de Bordeaux
Le Petit Théâtre de Bordeaux est dirigé par Éric Sanson, dont il est le fondateur et où il se produit. S’attachant à un théâtre d’auteur, Éric Sanson incarne Pilate, Cyrano, Don Quichotte, Gauguin, joue des personnages de Baudelaire dans Baudelaire juste avant la nuit, Louis Ferdinand Céline dans Mort à Crédit, Micromégas dans le conte de Voltaire, Oscar Wilde dans De Profundis, Descartes dans Descartes et l’initié, Casanova dans Casanova (un art de vivre), Profondes joies du vin ainsi que La Huitième couleur.
Aujourd’hui, sur une adaptation de Virginie Kay du texte Les Réhabilitées du Père Jean-Joseph Lataste et une mise en scène de David Mazet, réalisateur et metteur en scène bordelais, Éric Sanson se lance un nouveau défi avec ce personnage assez provocateur pour l’époque, mais également véritable humaniste, voire féministe avant l’heure, dans ses prises de positions.
Petit Théâtre - 8/10 rue du Faubourg des Arts - 33300 Bordeaux (quartier des Chartrons / Accès : Tram B)
Réservations : 05 56 51 04 73