Les chochin du Japon au madd-bordeaux

Le madd-bordeaux consacre une exposition à un mode d'éclairage qui est devenu, au fil des siècles, constitutif de l'identité culturelle du Japon et dont la fabrication a été reconnue « artisanat traditionnel » par le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie. Il s'agit des chōchin, ces lanternes constituées ....

As movable as butterflies : les chōchin du Japon, une exposition du 31 janvier au 19 mai 2019 - Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux
As movable as butterflies : les chōchin du Japon, une exposition du 31 janvier au 19 mai 2019 - Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux

.... d'une structure en bambou recouverte de papier, que la légèreté semble condamner à une vie éphémère. À travers des objets, des estampes, des photographies et des films empruntés auprès d'institutions françaises et étrangères, l'exposition présente la fabrication de ces objets, l'évolution de leur usage, leur place dans la mythologie et les rituels japonais, et leur adoption par les designers depuis les années 1950.

Ionna Vautrin, lampes Chouchin, 2011 Edition FoscariniIonna Vautrin, lampes Chouchin, 2011 Edition Foscarini

« As movable as butterflies » : aussi mobile que des papillons, c'est en ces mots que l'artiste américain d'origine japonaise Isamu Noguchi décrit ses akari, une collection de plus d'une centaine de luminaires conçus à partir de 1950 avec le célèbre fabricant de chōchin Ozeki & Co,  à Gifu, île de Honshū. Les akari rencontrent un immense succès commercial aux Etats-Unis puis en Europe, et en particulier en France. Utagawa Yoshimune, Collection de lanternes, vers 1830 © MFA BostonUtagawa Yoshimune, Collection de lanternes, vers 1830 © MFA BostonSur la voie ouverte par Noguchi, plusieurs designers se sont appropriés la technique de fabrication des chōchin ou ont simplement utilisé le papier washi comme élément structurel des luminaires qu'ils ont imaginés. L'exposition sera ponctuée de ces multiples variations lumineuses. 

L'ensemble du premier étage de l'hôtel de Lalande est investi à l'occasion de cette exposition. Les riches boiseries des hôtels de Gascq et Dudevant offrent un écrin de choix pour présenter ces objets, apprécier leur lumière et leur matérialité, et mettre en valeur leur caractère d'objets domestiques.

Organisée dans le cadre de « Japonismes 2018 : les âmes en résonance », cette exposition vient clore une riche série d'événements célébrant le 160ème anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon ainsi que les 150 ans du début de l'ère Meiji (1868-1912).

Entre juillet 2018 et février 2019, l'événement a pour objectif de présenter la richesse de la culture japonaise à travers des expositions et des spectacles dans la France entière.

Avenue Benten-dori à Yokohama, vers 1890 CollectionAvenue Benten-dori à Yokohama, vers 1890 Collection

L'exposition

Si la première mention de ces lampes en papier remonte au XIème siècle, les premières illustrations datent du XVIème siècle et il est encore difficile aujourd'hui d'en retracer une évolution formelle et technique précise. Utilisés à la période Edo (1603-1868), les chōchin adoptent, dès la fin du XVIIIème siècle, la forme que nous leur connaissons aujourd'hui : une structure composée de cercles indépendants de fils de bambou disposés de façon parallèle, recouverte de papier, qui permet de plier l'objet et ainsi disposer aisément la bougie. Porté à la main ou à l'extrémité d'un manche, le chōchin apparaît dans de multiples représentations au cours du XIXème siècle, tantôt comme accessoire lié à la figure de la geisha ou comme élément central d'histoires fantastiques ou mythologiques.Exposition Chochin mdad bordeaux 2019

Avec l'arrivée de l'éclairage au gaz à la fin du XIXème siècle, puis de l'électricité au début du XXème siècle, les modes d'éclairage portatifs à l'image des chōchin tendent à disparaître : les lanternes de papier sont employées de plus en plus comme éléments de décor ou objets hautement symboliques dans le cadre de fêtes et de rituels. Tout au long du XXème siècle, et encore aujourd'hui, les chōchin rouges signalent l'entrée des bars ou restaurants, dans toutes  les villes du Japon.

Reconnu artisanat traditionnel par le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (METI), la fabrication des chōchin fait la renommée de deux villes : Gifu, au centre de l'île Honshū, et Yame, au nord de l'île de Kyūshū. Les lanternes de Gifu et de Yame sont principalement utilisées pendant le festival O-Bon, qui se tient tous les ans au mois d'août depuis plus de 500 ans. Lors de cette fête bouddhiste, les japonais honorent leurs ancêtres en visitant et nettoyant leurs tombes. Afin de guider les âmes des morts qui reviennent sur terre pendant les trois jours du festival et les accueillir, des lanternes sont placées devant chaque maison. Elles forment également de gigantesques guirlandes qui servent de décor aux différentes danses (Bon-Odori) organisées pendant ces trois jours de festivités. À Yame, commune de la préfecture de Fukuoka (ville jumelée à Bordeaux), ce sont les lanternes que l'on célèbre tous les ans à l'occasion d'une fête dédiée, décorées par les habitants et exposées par centaines dans la ville. 

Fabricant d’ombrelles et de lanternes en papier dits « chōchin », vers 1880Fabricant d’ombrelles et de lanternes en papier dits « chōchin », vers 1880

L'évolution de la fabrication des chōchin est intimement liée à celle du papier. Le Mino washi, dont l'histoire remonte au VIIème siècle, est réalisé à partir de l'écorce du mûrier. Plusieurs fabricants japonais, comme Ozeki & Co à Gifu, utilisent un papier spécifique, le Honminoshi, qui désigne à la fois le matériau et son procédé de fabrication. Inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2014, ce papier, fabriqué à partir de mûriers de Nasu (région entre les préfectures de Tochigi et Ibaraki, au nord de Tokyo), se distingue par un grain d'une grande régularité et une texture particulièrement douce au toucher.

Utagawa Yoshimune, Collection de lanternes, vers 1830 © MFA BostonUtagawa Yoshimune, Collection de lanternes, vers 1830 © MFA Boston« As movable as butterflies » : c'est en ces termes que le sculpteur et designer américain, d'origine japonaise, Isamu Noguchi (1904-1988) décrivait ses luminaires conçus avec le fabricant de chōchin Ozeki & Co au début des années 1950. Installée depuis 1893 à Gifu, la société conserve  un savoir-faire, transmis de père en fils, qui a suscité l'intérêt du designer. Encouragé par le maire de Gifu qui connaissait son travail, Noguchi rencontre, en 1951, Tameshirô Ozeki avec lequel il réalise quatre prototypes de lampes qu'il appelle Akari, mot signifiant autant lumière que légèreté en japonais. Des années 1950 aux années 1960, Noguchi réalise plus de cent modèles différents qui rencontrent un immense succès. Les Akari se retrouvent dès 1953 dans les intérieurs modernes et sont exposés et distribués en France dès 1956 par la galerie Steph Simon située à Saint-Germain-des-Prés à Paris, aux côtés du mobilier de Jean Prouvé et Charlotte Perriand.  Le designer s'exprime en 1966 sur ses créations :

« Le nom akari que j'ai choisi, signifie lumière, soit l'illumination en japonais. Il induit aussi la légèreté, qui s'oppose à la lourdeur. […] Semblant plus fragiles qu'ils ne le sont, les akari semblent flotter, diffusant la lumière comme en passant. Ils n'encombrent pas l'espace comme une masse ou comme quelque chose que l'on posséderait […] Je pense que les akari constituent une véritable évolution d'une tradition ancienne. »

Depuis 1991, c'est la galerie Sentou, qui est le distributeur officiel des célèbres luminaires de Noguchi en France.

Sur la voie ouverte par Noguchi, plusieurs designers ont poursuivi les recherches formelles autour de cette typologie, en utilisant la technique des chōchin et en faisant appel aux fabricants japonais établis. L'exposition témoigne de cet intérêt commun des designers pour l'artisanat japonais et l'apparente simplicité des matériaux. Elle montre aussi le succès planétaire des sphères en papier, comme solution à bas coût pour dissimuler une ampoule nue, grâce à leur diffusion par les grandes firmes de l'ameublement. De la lampe Kyo de Toshiyuki Kita aux collections Hotaru (2015) de Barber & Osgerby ou aux Regolit de IKEA, ce sont autant de variations autour du papier et de la lumière qui ponctuent l'ensemble de l'exposition.

Fabricants et décorateurs d’ombrelles et de lanternes en papier dits « chōchin », vers 1880Fabricants et décorateurs d’ombrelles et de lanternes en papier dits « chōchin », vers 1880

Événement et ateliers avec les frères Kojima

Construction d'une lanterne monumentale dans l'exposition - 31 janvier et 1er février 2019

Pendant les deux premiers jours de l'événement, les frères Kojima, fabricants de chōchin installés à Kyoto, construiront, dans l'espace d'exposition, une lanterne monumentale d'1,50 mètre de diamètre. Toutes les étapes de la construction pourront être appréciées des visiteurs : montage de la matrice en bois, cintrage du bambou, pose des cerclages de bambou, pose de la colle, découpe et pose des lais de papier d'écorce de mûrier et démontage de la matrice.

Isamu Noguchi, Akari 1AY, 1954 Fabriqué par Ozeki (Gifu, Japon) et distribué en France par SentouIsamu Noguchi, Akari 1AY, 1954 Fabriqué par Ozeki (Gifu, Japon) et distribué en France par SentouShun (né en 1984) et Ryo Kojima (né en 1989), représentants de « Kojima Shōten », sont les descendants d'une longue dynastie de fabricants de lanternes, qui remonte à la toute fin du XVIIIe siècle. Les Kojima ont fourni pendant des décennies les temples, sanctuaires et résidences des marchands et des samouraïs de Kyoto. Leur spécificité, et certainement la raison de la longévité de l'entreprise, résident dans l'emploi d'une technique différente de la majorité des fabricants de chōchin. Par économie de temps et de moyen, c'est généralement un fil de bambou enroulé en spirale autour de la matrice en bois qui forme la structure de la lanterne – méthode connue sous le nom de « makibone-shiki ». Les frères réalisent, quant à eux, des cercles, à partir de morceaux de bambou plus épais, qu'ils superposent autour de la matrice et qu'ils lient entre eux par des fils de coton. Cette technique, appelée « jibari-shiki », qui nécessite un temps de réalisation plus long, permet de concevoir des lanternes d'une grande solidité. La largeur des cercles de bambou nécessite l'emploi d'un papier d'écorce de mûrier particulièrement épais, conférant à la lanterne une matérialité différente et visuellement forte.

L'atelier des frères Kojima constitue un lieu de vie où se retrouvent les différentes générations de la famille, au milieu des bambous, papiers, matrices, pinceaux et instruments nécessaires à la fabrication, vieilles lanternes et chōchin sur le point d'être livrés. Au mur, une photographie ancienne représente les ancêtres de Shun et Ryo, construisant, à partir d'un échafaudage précaire, une lanterne de plusieurs mètres de haut.

Une reconstitution de l'atelier dans l'espace d'exposition permettra aux visiteurs d'apprécier ce joyeux bric-à-brac où sont fabriqués quelques-unes des plus belles lanternes de Kyoto.

Fabricants de lanternes en papier dits « chōchin » peignant - Début du XXème siècleFabricants de lanternes en papier dits « chōchin » peignant - Début du XXème siècle

Ateliers en famille ...
Fabrication d'une lanterne avec les frères Kojima Samedi 2 et dimanche 3 février 2019 à 14h30 Durée de l'atelier : 1 heure

  • Fabrication d'une petite lanterne led à ramener chez soi.
  • Organisés par les Amis du madd avec le soutien de la Fondation franco-japonaise Sasakawa.
  • Tarif : 10 € par personne - Gratuit pour les Amis du madd, le cercle du madd et la Team junior du madd
  • Nombre de places limité - sur inscription au 05 56 10 14 05

Ce qui'l faut retenir de cette exposition

  • Près de 200 lampes exposées du 18ème au 21ème siècle. Des pièces très anciennes de l’époque Edo ont été prêtées pour la première fois à une institution étrangère par le Musée de La Lumière de Nagano.
  • De nombreuses estampes dont certaines très rares datant du 18ème siècle prêtées par le Musée national des arts asiatiques – Guimet.
  • Les carnets de croquis de Isamu Nogushi, artiste franco-japonais créateur des Akari, qui n’ont à ce jour jamais été présentés au public.
  • Egalement des pièces contemporaines uniques : les lampes Akari PL2 (Sentou) conçues spécialement pour l’exposition – les créations de Jayme Hayon - les pièces produites par Asano, exclusivement vendues au Japon – Les Chouchin (Foscarini) de Ionna Vautrin –

Au cœur de l’exposition

Construction d’une lanterne monumentale par les frères Kojima, fabricants de chōchin depuis la fin du XVIIIème siècle à Kyoto. Pendant les deux premiers jours de l'événement, les frères Kojima construiront une lanterne d'1,50 mètre de diamètre. Toutes les étapes de la construction pourront être appréciées par les visiteurs. Un événement organisé avec le soutien de la Fondation franco-japonaise Sasakawa.