Ballet de Noël de l'Opéra de Bordeaux : "La Fille mal gardée"

C'est sur la scène du Grand-Théâtre que le plus célèbre ballet du XVIIIe siècle a été créé par Dauberval en 1789… La Fille mal gardée fait son grand retour à ses sources bordelaises du 11 au 31 décembre 2018. Un « ballet-pantomime champêtre » mêlant humour british et tableaux bucoliques, présenté ....

Un évènement à Bordeaux : le ballet La Fille mal gardée retrouve son berceau d’origine presque 230 ans après sa création au Grand-Théâtre !
Un évènement à Bordeaux : le ballet La Fille mal gardée retrouve son berceau d’origine presque 230 ans après sa création au Grand-Théâtre !

.... avec la chorégraphie de Frederick Ashton et l'accompagnement musical de Ferdinand Hérold. Cette entrée au répertoire offre aux futurs spectateurs la perspective d'un réjouissant ballet de Noël bordelais, comptant trois invités de prestige, et une collaboration avec deux d'entre eux illustrant le partenariat signé en début de saison entre le Ballet de l'Opéra National de Bordeaux et le Ballet de l'Opéra national de Paris.

La fille mal gardée, un ballet de Noël "feel-good" né à bordeaux !

Rubans qui virevoltent, décors de campagne et mariage d’amour l’emportant sur le pouvoir et l'argent : ce ballet a tout d'un conte de Noël ! Ce spectacle de fin d'année aura d'autant plus une saveur particulière
qu'il est né ici même, au Grand-Théâtre, à l'inspiration de Dauberval en 1789. 130 ans plus tard, La Fille mal gardée, monument du répertoire, retrouve ainsi ses sources…

Ballet de Noël de l'Opéra de Bordeaux : "La Fille maal gardée"

Au pays de l’éternel printemps

FREDERICK ASHTON nous présente ce projet artistique

« On m’a souvent demandé pourquoi j’ai choisi de monter La Fille mal gardée plutôt que de mettre mes idées dans un ballet nouveau. Bien entendu, j’aurais pu garder le sujet et le moderniser. Lise aurait pu être Tottie, une fille de fermier qui refuse de travailler, qui s’habille et se maquille pour ressembler — croit-elle — à une star de cinéma, qui a des rendez-vous avec les soldats de l’armée de l’air américaine stationnés non loin de là, et qui rentre tard à la ferme, grisée, en transe et sentant l’alcool — avec pour amoureux un jeune fermier « beatnik » grattant sa guitare par-dessus la barrière pendant que la mère fait travailler Lise et tente d’occuper son attention. À la fin, emportée par son goût du luxe et de la facilité, Lise rejetterait le jeune rock’ n’ roller pour épouser le riche père du mollasson !

Mais il se trouve qu’à l’époque je lisais les Journaux de Dorothy Wordsworth, qui m’entraînaient dans la nostalgie de la campagne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle — la campagne d’aujourd’hui semblant, en comparaison, sans charme et bruyante. Dans mon imagination, il existe, en effet, une vie au pays de l’éternel printemps, une pastorale luxuriante de soleil perpétuel et de bourdonnement d’abeilles, l’immobilité suspendue de ma chère contrée du Suffolk, calme et lumineuse. Ballet de Noël de l'Opéra de Bordeaux : "La Fille maal gardée"

Une fois le décor mis en place, le reste suivit. John Lanchbery réalisa une orchestration, qui devait s’avérer excellente. Son enthousiasme était contagieux. Une rencontre fortuite avec la déesse de la sagesse, Tamara Karsavina, fit le reste. Je la suppliais de m’accorder un peu de son temps, ce qu’elle fit volontiers. Elle me communiquait son enthousiasme, m’expliquant la signification historique du ballet. Elle racontait de façon claire et charmante, de sorte que je visualisais tout. Elle me donna sa bénédiction en me disant : « Voici le ballet, prends-le et brode dessus ». Il ne fait aucun doute qu’après l’avoir vue j’ai pu avancer clairement. Elle ajouta : « Tout le ballet devrait baigner dans un état de charme innocent, sans qu’aucune autre humeur ne l’interrompe ».

 Ce fut une chance extraordinaire que de pouvoir m’abreuver à  ce puits de connaissance, d’intelligence et de charme, qui  faisait le lien avec les grands jours du Mariinski. Je me suis peut-être écarté très loin de l’idée qu’elle avait du ballet — elle est Russe, moi Péruvien et Anglais, n’en ayant vu aucune version auparavant — mais quelque part, l’esprit doit être le  même. J’ai copié le livret français à la main, lors d’une longue matinée de travail au British Museum. La seule action indiquée dans la partition d’Hérold était le « lever de rideau ». C’était pénible car cela impliquait beaucoup de travail supplémentaire.

Je fis une première ébauche de l’action, que je découpai en séquences de danse et de mime, puis un minutage, avant de me mettre au travail avec Lanchbery. Ce fut un vrai plaisir. Il arrivait dans ma minuscule maison plein d’énergie, de bon sens pratique et d’envie de travailler. Ensemble nous tirâmes, mutilâmes et tordîmes ce pauvre Hérold dans tous les sens, changeant les tempi, ajustant ses petites mélodies flexibles pour qu’elles collent à l’action.

J’ai eu beaucoup de chance avec tous mes collaborateurs sur ce projet. Mais il ne faut pas pour autant oublier Dauberval, sa conception magistrale du ballet, ses personnages étoffés et sa façon de mener l’action à bonne fin. Ce spectacle fait preuve d’un très vif sens du théâtre dans l’organisation astucieuse de tableaux charmants et de situations qui font de l’effet. Pour maintenir l’intérêt jusqu’à la fin, j’ai ajouté au tout dernier moment le retour d’Alain, comme un coup final.

La popularité de ce ballet n’est certainement pas due à l’originalité du sujet, mais au fait que l’on peut toujours lui insuffler une nouvelle vie. Je voulais exploiter à nouveau ma fibre comique, donner au ballet une franche gaîté et un lyrisme naturel, et aussi développer le thème des rubans comme un genre de leitmotiv ou de thème symphonique.

Ballet de Noël de l'Opéra de Bordeaux : "La Fille maal gardée"

Une œuvre à l’épreuve du temps

Avant de recevoir son titre définitif (La Fille mal gardée), lors des représentations du Kings Theatre de Londres en 1791, Le Ballet de la paille ou Il n’est qu’un pas du mal au bien, ballet-pantomime en deux actes, avait été créé par Jean Dauberval sur la scène du Grand-Théâtre de Bordeaux le 1er juillet 1789.

A quelques heures de la Révolution, sur un ton gai et d’une exquise fraîcheur, il met en scène un couple de jeunes paysans amoureux, Lise et Colas, à la manière d’une pastorale villageoise et pittoresque, où l’amour finit par triompher d’un mariage arrangé.

S’abreuvant à la source de la philosophie des Lumières, délaissant les sujets mythologiques au profit de thèmes plus légers, ce ballet porte en lui à la fois la veine comique des comédies-ballets — introduites par Molière au XVIIe siècle avec ses personnages hauts en couleurs mêmes hérités de la commedia dell’arte — et la fraîcheur de la vérité naturelle du « ballet d’action » naissant porté par Jean-Georges Noverre, où l’expressivité, la gaité et la simplicité sont mises en avant. Ce ballet forme avec Les Caprices de Cupidon créés en 1786 à l’Opéra royal du Danemark par Vincenzo Galeotti, la plus ancienne trace vivante du ballet d’action de la fin du XVIIIe siècle.

Fille mal gardee by Julien Benhamou

Les Chorégraphies de DAUBERVAL à SIR FREDERICK ASHTON

Avec ses personnages typés : deux amoureux malicieux, la fantasque Mère Simone (jouée par un homme), pleine de suspicion à l’égard de sa fille, et ses scènes de pantomime, ce ballet séduit le public au point d’être rapidement diffusé et transmis tant en Europe qu’aux Etats-Unis dessinant jusqu’à aujourd’hui une véritable géo-esthétique. Mais c’est essentiellement grâce aux scènes britanniques et russes que l’ouvrage perdure, alors qu’en France il quitte progressivement l’affiche à la fin du XIXe siècle. Au début du XXe siècle, la lignée russe, complétée par les apports venus d’Allemagne, irrigue à nouveau vers la France, les Etats- Unis et l’Angleterre grâce notamment aux artistes issus des Ballets Russes.

LA FILLE MAL GARDEE ballet 2018eLa version de Frederick Ashton, créée en 1960 pour The Royal Ballet de Londres, scelle la rencontre entre les traditions françaises, anglaises et russes. Encouragé par l’ancienne soliste du Théâtre Mariinski, Tamara Karsavina, puisant dans les sources historiques et les multiples avatars du ballet, le chorégraphe anglais conçoit avec La Fille mal gardée une œuvre virtuose particulièrement réjouissante. Un véritable chef-d’œuvre d’humour et de poésie. Il jalonne sa chorégraphie de multiples détails puisés dans les diverses versions à l’image des fameux rubans de soie, symboles de la fidélité de nos deux amoureux. La version Ashton a contribué à pérenniser l’ouvrage.

La partition

La musique de La Fille mal gardée traverse les époques avec plusieurs partitions. Le pot-pourri original, composé d’airs populaires alors en vogue, donné à Bordeaux en 1789 est profondément remanié par Ferdinand Hérold en 1828 à Paris. Pour le chorégraphe Jean-Pierre Aumer, Hérold modernise la partition, y ajoute ses propres compositions et introduit quelques pastiches de l’opera buffa faisant notamment divers emprunts à Rossini. En 1864, lui succède la partition de Peter Ludwig Hertel composée à Berlin  pour la version de Taglioni, elle supplante celle d’Hérold dans les productions allemandes, russes, italiennes ou américaines. Par la suite, les chorégraphes utiliseront l'une ou l'autre des partitions, les deux parfois, ou s’associeront à un nouveau compositeur — à l’instar de Joseph Lazzini sollicitant Jean-Michel Damase lors de la version de La Fille mal gardée présentée au Grand-Théâtre de Bordeaux en septembre 1997.

Pour sa chorégraphie, Frederick Ashton fait appel à John Lanchbery. Ensemble, ils décident de repartir des sources musicales et effectuent un énorme travail sur les rares vestiges de la partition bordelaise, mais aussi sur les partitions d’Hérold et de Hertel. Le duo Ashton/Lanchbery compose également quelques pages entièrement nouvelles accentuant ici ou là le piquant, la nostalgie ou les contrastes favorables à la  progression  de  l’intrigue. La chorégraphie d’Ashton et la musique de Lanchbery apparaissent indissociables.  Parmi  les  passages  les  plus représentatifs de l’ouvrage, signalons  la  «  danse  des sabots » inspirée à Lanchbery par Ashton lui-même. Le chorégraphe voulait introduire cette danse dans son spectacle et a sollicité Lanchebery pour imaginer une musique dans « l’esprit paysan ». Le compositeur a fait plusieurs propositions mais aucune ne parvenait à séduire Ashton. Ce dernier s’est alors mis à fredonner un air que Lanchbery a développé au piano. C’est ainsi qu’est née la fameuse « danse des sabots » .

Du 11 au 31 décembre 2018 - Durée : 2h environ
Opéra National de Bordeaux - https://www.opera-bordeaux.com/
Place de la Comédie - 33000 Bordeaux - 05 56 00 85 95