Pour la première fois des dessins de ces deux artistes sont réunis et exposés.
Paysages Bordeaux 2017, le musée des Musée des Beaux-Arts de Bordeaux organise des expositions temporaires dans la salle des essais. Elles permettent de rendre compte de la richesse de ses collections comme on a pu le voir récemment dans l’exposition Paris-Bordeaux. Paysages gravés ou d’évoquer ses actions envers différents types de publics comme dans Paysages intérieurs/extérieurs. Points de vue des publics. Cette troisième exposition permet de présenter des oeuvres sur papier, fragiles et peu montrées d’Albert Marquet, en regard de dessins de Daniel Dezeuze jamais présentés jusque-là.
Récemment, Daniel Dezeuze a réalisé un don important d’un ensemble de dessins au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux. Les 124 feuilles, datées de 1962-1963, révèlent l’activité de l’artiste dans la cité portuaire d’Avilès, située sur la côte cantabrique en Espagne. C’est là que Daniel Dezeuze, après avoir étudié à l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, prend la direction de l’Alliance française pour l’année scolaire 1962-63. Les dessins produits alors résultent de nombreuses techniques : crayon, encre de Chine, mais aussi craies grasses pour le travail de la couleur. Ils s’inscrivent dans une activité traditionnelle de l’artiste qui travaille le paysage sur le motif. Tantôt travaillées dans la matière enrichie, tantôt dans l’expression pure du geste, ces feuilles font alterner le vide et le plein et questionnent la spatialité. Elles éclairent d’un nouveau jour la genèse de l’oeuvre de l’artiste. En germe, on peut y lire l’importance du mouvement, l’élancement de la perspective ou le rôle du signe, lorsque le tracé devient écriture, le dessin calligraphie.
Autant d’éléments que Daniel Dezeuze partage avec son aîné Albert Marquet, dont il revendique d’ailleurs l’importance dans sa formation. Albert Marquet, célèbre Bordelais dont on a récemment pu relire le travail lors de la rétrospective que lui a consacré le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, est l’une des figures tutélaires du musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
Le fonds qui lui est dédié compte plus de 120 oeuvres (41 peintures, 62 dessins, des estampes et des ouvrages illustrés) et s’est enrichi il y a quelques mois d’un autoportrait à la plume, que l’on présente ici pour la première fois. Albert Marquet, inlassable paysagiste, sillonne les villes et les ports, croque l’humanité industrieuse dans les rues, et interroge sans cesse la matérialité de la vision, la ligne de l’oeil, le point de vue du regardeur sur l’espace. Ces réflexions prennent forme dans quelques artifices toujours réutilisés : un point de vue surplombant, une plongée dans le motif, une oblique structurant l’espace.
Si les ambitions théoriques des deux artistes ne sont sans doute pas comparables, il est frappant de mettre en regard les dessins de jeunesse de Dezeuze et les travaux de Marquet. Leur vision synthétique de la mer et des ports fait jaillir la dimension japonisante de leur oeuvre. La maîtrise du geste dessiné de Dezeuze dans ses oiseaux à peine signifiés au crayon ou le navire composé de quelques hachures au feutre en appellent aux images du monde flottant, référence absolue de Marquet que son ami Henri Matisse qualifiait de « notre Hokusai ».
« Il y a du souffle atlantique chez Marquet, un grand plaisir de l’eau. L’eau des ports qu’ils soient du Nord ou du Sud. Les ports d’Europe ouverts sur tous les autres ports du monde. Sur la côte cantabrique j’ai connu ce souffle atlantique, celui des marées, des pluies fines qui viennent en petites grappes poussées par le vent d’océan et ces grandes vagues vertes et grises. Au crayon comment capter cela ? Avec mes simples crayons sur des feuilles blanches du côté d’Avilès ou de Gijón ? C’est cela le défi. Modestement dans ma jeunesse j’ai relevé le défi de Marquet et je pense souvent à lui ici à Sète.» Daniel Dezeuze, Sète, le 11 mai 2017