Plutôt que de la laisser chez le restaurateur avant repose sur sa colonne mi-septembre, la statue sera exposée tout l'été à partir de mardi 23 juin dans la cour de l'Hôtel de Ville (installation dès 7h30). Les Bordelais et les touristes de passage pourront ainsi l'admirer facilement et de près. "La Navigation" sera posée sur un socle et bénéficiera d'une légende en 3 langues (Français, Anglais et Espagnol).
Les colonnes rostrales
Pour monumentaliser et théâtraliser l’esplanade du côté de la Garonne, Pierre Alexandre Poitevin imagine la construction de deux colonnes phares d’inspiration antiquisante avec leur décor de rostres. Ces proues de navire, référence directe à la puissance sans partage et la maîtrise des mers de la flotte romaine pendant des siècles, ont donné leur nom à ses deux colonnes monumentales.
Le projet est accepté le 12 janvier 1828 par le préfet d’Haussez. Les travaux menés par l’entrepreneur Maizonnier sont achevés une année plus tard.
Les travaux de restauration
Dans le prolongement des interventions sur le Monument des Girondins et les statues de Montaigne et Montesquieu, la Ville de Bordeaux a engagé la restauration de ces colonnes rostrales de la place des Quinconces. Le diagnostic a montré que l’état sanitaire et structurel des deux colonnes est assez semblable. Il a révélé l’absence de désordres importants au niveau du fût des colonnes. Même si les blocs de pierre sont érodés en surface selon leur exposition.
L’irrégularité des joints extérieurs réparés plusieurs fois dans les parties supérieures marque la fragilité au gel ou au lessivage des arêtes des pierres. L’utilisation du ciment, en particulier sur la colonne Nord, a souvent fait éclater les bords des pierres. Ce sont les éléments sculptés et la partie sommitale qui concentrent les détériorations.
Les décors
En pierre tendre et poreuse, les reliefs les plus exposés aux pluies sont érodés, à l’inverse les reliefs à l’abri sont salis. Les rostres ont déjà fait l’objet de restauration par ragréages ou greffes de pierre sur les reliefs et les étraves. Les très beaux dessins des gueules de lion, des dauphins et palmettes ont souvent quasiment disparus. Les glaives formant rostres, ont été ragréés au mortier de ciment.
Ce sont des objets composites et fragilisés. Leur stabilité conceptuelle, malgré le porte-à-faux important de ces sculptures, est assurée par le poids de la colonne. Les auscultations par radar lors du diagnostic n’ont pas révélé de chainage métallique dans le fût.
Les lanternons
C’est la partie la plus dégradée des colonnes rostrales. L’ensemble coupole pierre et cintres métalliques hérités du XIX° n’était pas dimensionné pour des statues en bronze près de cinq fois plus lourdes que la terre cuite. (150 → 700 kg). Aussi, les pierres des coupoles sont désassemblées, souvent fendues ou très usées par des infiltrations, le gel et, anciennement la chaleur des becs de gaz. Les éléments métalliques, enrayures et arceaux qui supportent directement les statues sont oxydés et déformés.
Une nouvelle structure métallique sera mise en place qui reprendra la totalité des charges des statues. Celles-ci en bronze sont constituées chacune de plusieurs tronçons. L’étanchéité entre ces différents éléments n’est plus assurée. Les statues seront donc déposées et restaurées en atelier avant leur repose au-dessus d’une coupole refaite en totalité.
Les statues
Les deux statues allégoriques réalisées en terre-cuite et couronnant les deux colonnes sont l’œuvre du peintre et statuaire Monseau. Elles symbolisent le Commerce avec une représentation du dieu Mercure et la Navigation avec une figure féminine tenant une rame et identifiée comme une Artémise (Diane). Restaurée une première fois en 1878 les deux modèles en terre cuite trop délabrés sont finalement remplacés en 1935 par des moulages en bronze réalisés par le statuaire Charles Louis Malric et fondus par la maison Boyreau.
C’est Jacques D’Welles -architecte en chef de la Ville - qui privilégie la fonte de bronze après consultation du céramiste René Buthaud par le maire André Marquet à ce sujet. René Buthaud explique que :
« au XVIIIe siècle, et ce jusqu'au moment où les statues des colonnes rostrales ont été effectuées, la technique de la terre cuite était infiniment supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Ce genre de travail était, en effet, de pratique courante et arrivait à un degré de perfectionnement remarquable. On employait des terres spéciales ; la cuisson était extrêmement surveillée et les artistes et artisans avaient une connaissance approfondie des conditions dans lesquelles s'effectue le retrait lors du séchage de la terre ou de la cuisson.
J’estime donc très difficile, et en tout cas impossible à garantir par la suite contre les cassures, le gel, etc., de reconstituer des statues comme elles ont été primitivement établies. L'opération serait d'ailleurs très onéreuse, plus probablement que par tout autre procédé »
L’opération de restauration des colonnes rostrales est estimée à 765 000 € TTC, financée à hauteur de 255 450 € par l’Etat, 95 784 € par la Région, et 413 766 par la Ville de Bordeaux.
Le chantier a démarré le 9 juillet 2014. Pour des raisons de sécurité et de libre circulation des personnes dans le cadre des manifestations organisées sur la place des Quinconces (Brocante, fête foraine, installation de chapiteaux pour cirques ou concert…) l’opération sera décomposée en deux tranches - la première : Colonne Sud et la suivante : Colonne Nord. La durée de chacune des tranches est de 9 mois.
Colonne Sud – Juillet 2014 à fin mars 2015 / Colonne Nord – Avril 2015 à fin décembre 2015.