..... compléter le puzzle du passé. Notre vision est forcément fragmentaire. Les indices se juxtaposent mais la réalité demeure hors d’atteinte. Cette idée d’incomplétude, de manque est à l’origine de l’exposition intitulée Les Narrations de l’absence. Au sein du musée, les œuvres de la collection du Frac Aquitaine se déploient sur le parcours du visiteur. Un vis-à-vis s’établit entre des époques lointaines et des démarches contemporaines.
Du passé, l’archéologie récolte des vestiges, des éléments épars. Extraits du sol, ceux-ci sont successivement étudiés, analysés et classés. Au sortir des laboratoires, certains d’entre eux intègrent parfois les salles du musée, en vertu de leur valeur artistique, patrimoniale ou de leur intérêt scientifique. Ces ensembles de pierres, de céramiques, de silex, de bronzes, indices du quotidien ou oeuvres artistiques, accompagnent le visiteur dans une reconstitution mentale du passé. Les Dessins disparus de Sarkis, qui inaugurent le parcours de l’exposition, peuvent évoquer des gravures pariétales tout en proposant une réflexion sur l’éphémère des signes laissés par l’Homme.
Les manques ont le pouvoir de décupler l’attention portée aux objets exposés. Ainsi les traces de poudre de fusain laissées sur du papier par une diffusion sonore, dans l’oeuvre de Dominique Blais (Christian Marclay & Günter Müller, « Vitalium » 1’44 (1994)), conduit à visualiser la musique originale. Dès lors, l’imagination se met en marche et stimule le rapport aux oeuvres exposées. Les oeuvres contemporaines de la collection du Frac Aquitaine donnent à voir le musée d’Aquitaine sous un autre angle. De nouvelles considérations peuvent survenir, comme dans le rapport au temps développé par On Kawara autour d’une présence individuelle dans une époque globale. Ainsi, la disparition des images, par l’occultation des reflets de miroirs, dans les Rétroportraits de Thierry Mouillé conduit à entrevoir de nouveaux questionnements sur la présence physique et la permanence du souvenir.
Le monde est complexe, en partie inaccessible. Tel est le paradoxe que développe l’exposition Les Narrations de l’absence. Avec la contribution des sciences, de l’histoire et de l’art contemporain, le puzzle du passé demeure énigmatique. Comme l’installation Lighthouse d’Alexander Gutke, tantôt visible, tantôt invisible, la réalité est insaisissable. Avec les formes subtiles de The Haunters de Jane Harris, ou avec l’animation RoorschaacH de Mathieu Mercier, le sensible prend le dessus sur le rationnel.
Dans un monde qui essaie toujours davantage d’expliquer, de rationaliser, de prévoir, de modéliser, de sécuriser, de cataloguer, de structurer, l’équation de Laurent Derobert apporte une réponse salutaire. En mettant l’accent sur le merveilleux de l’inconnu, sur la fragilité, sur le fragmentaire, sur le mystère, l’exposition assume cette poésie qui relie présent et passé.
LES NARRATIONS DE L’ABSENCE - EXPOSITION AU MUSÉE D’AQUITAINE
Du 10 février au 31 mai 2015